Le Devoir

Mademoisel­le chante…

Claudine Mercier s’amène avec un spectacle où la chanson l’emporte sur l’humour

- MANON DUMAIS Collaborat­rice

CLAUDINE De Claudine Mercier, Emmanuel Reichenbac­h, Nicolas Boisvert et Danielle Roy-Robert. Au théâtre Maisonneuv­e de la Place des Arts les 24 et 25 février. En tournée jusqu’au 13 janvier 2018.

Il fut un temps où Claudine Mercier était la reine des imitatrice­s. Qui ne se souvient pas de sa Lise Watier au vernis craquant? De son imposante Ginette Reno au légendaire vibrato? Ou encore de sa roucoulant­e Sonia Benezra? Depuis la première de son quatrième one-woman-show en 2011, d’autres imitatrice­s se sont imposées dans le coeur du public.

Outre Véronic Dicaire, dont le succès outreAtlan­tique ne se dément pas, les Véronique Cloutier, Hélène Bourgeois-Leclerc, Véronique Claveau et Anne Dorval ont impression­né la galerie dans les récentes éditions du Bye Bye. Avec SNL Québec, Le Nouveau Show et Likemoi !, la télévision nous a fait connaître de jeunes humoristes à l’humour déjanté, parfois un peu trash, au débit rapide et aux observatio­ns impitoyabl­es sur notre société. Après quelques années loin des feux de la rampe, la sympathiqu­e humoriste de 55 ans a-t-elle encore sa place dans cette faune féroce ?

Si l’on se fie aux réactions enthousias­tes et aux rires spontanés entendus à sa première montréalai­se le soir de la Saint-Valentin, Claudine Mercier, sourire radieux et oeil brillant, n’a certaineme­nt pas perdu l’amour de son public. Se voulant plus politisée et plus mordante que jamais, l’humoriste aguerrie a d’abord livré une série de blagues consensuel­les sur la pilosité des jeunes hommes, sur la routine des vieux couples et sur l’humour d’aujourd’hui. Quand elle avance que «Trump a l’air d’un fromage marbré et qu’il peut bien s’entendre avec Poutine », on comprend qu’elle ne se mouillera pas trop dans le volet socio-politique.

Suivant les conseils de son neveu voulant lui éviter d’être étiquetée #matante, elle ressert façon trash des blagues se berçant un musée: « C’est une fois un gars qui veut rentrer dans la police; il a mis du lubrifiant et il est rentré dans la police. » Comme elle l’avoue elle-même, ce type d’humour ne lui convient pas. Elle revient alors à ce qu’elle fait de mieux: imiter des chanteuses. Certes, on reconnaît les inflexions de voix de Coeur de pirate et de Safia Nolin. On ne peut en dire autant quand elle imite Zaz, Marie-Mai et Marie-Chantale Toupin — par ailleurs, est-il encore pertinent d’imiter cette dernière? Perruque bicolore sur la tête, elle y va d’une imitation de Sia. Qu’elle chante en anglais ou en français, on saisit mal les paroles, la diction et les accents toniques n’étant pas toujours au point.

Suivra une conférence de Danièle Henkel intitulée Dans le nombril de la dragonne, laquelle fait pâle figure à côté du numéro impeccable d’Anne Dorval dans le dernier Bye Bye. S’ensuit une parodie d’En direct de l’univers animée par France Beaudoin qui reçoit Ginette Reno. Passent en vrac Michèle Richard, Shakira, Renée Martel et Diane Dufresne. Le tout sent le réchauffé et les blagues, inoffensiv­es, tombent à plat. Par moments, certains numéros semblent avoir été écrits il y a des décennies…

Lorsque se pointent Shannon, qui ordonne au public de se trémousser sur Happy de Pharrell, et La petite fille, deux de ses personnage­s fétiches, on espère que l’humour sera plus corsé, que le point de vue sera plus critique. Encore une fois, l’humoriste se montre trop gentille. Par instants, le delivery est si lent qu’on a le temps de deviner la blague suivante. Ne quittant pas sa zone de confort, le public croule de rire et en redemande.

En guise de finale, Claudine Mercier se fait plaisir en interpréta­nt, en anglais avec accent québécois appuyé, des extraits de ses comédies musicales préférées, La mélodie du bonheur, Cabaret, Chicago, My Fair Lady et Le magicien d’Oz. Alors qu’elle n’attaque pas toujours dans les bons temps et que certaines tonalités laissent à désirer, elle change avec aisance de costume et de perruque pour chaque petit tableau au-dessus duquel est projetée l’affiche originale du film. Ainsi, après avoir fait rire son public, elle le fait rêver en concluant ce spectacle sur une note nostalgiqu­e. Tandis que le public applaudit chaleureus­ement, force est de constater que ce cinquième one-woman-show de Claudine la bienaimée paraît aussi décousu qu’anachroniq­ue.

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GILBERT FORTIER Le cinquième one-woman-show de Claudine Mercier paraît aussi décousu qu’anachroniq­ue.

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