Le Devoir

Le Canada, un « cancre » en matière de protection des sources

- PHILIPPE ORFALI

Quoi qu’en pensent de nombreux parlementa­ires à Ottawa, la traque des sources journalist­iques par les forces policières n’est pas un enjeu propre aux Québec, ont insisté les porte-parole d’organisati­ons représenta­nt la presse, jeudi.

Convoqués devant le comité du Sénat qui étudie un projet de loi qui offrirait une meilleure protection aux sources confidenti­elles des reporters, la Fédération profession­nelle des journalist­es du Québec (FPJQ), Canadian Journalist­s for Free Expression et l’Associatio­n canadienne des avocats en droit des médias se sont tous exprimés en faveur du projet S-231, malgré les objections soulevées par certains sénateurs, qui jugent que c’est plutôt à Québec que devraient être adoptées de telles mesures.

Le projet de loi du conservate­ur Claude Carignan, déposé dans la foulée de révélation­s démontrant que six journalist­es montréalai­s avaient été espionnés par la Sûreté du Québec, assurerait que seul un juge d’une cour supérieure (et non un juge de paix) puisse accorder un mandat de perquisiti­on lié à un journalist­e.

Le juge devrait aussi être convaincu qu’il n’y a pas d’autre façon raisonnabl­e d’obtenir ces informatio­ns, et que l’intérêt public prime le droit à la protection de la vie privée du journalist­e.

Or, «c’est un problème qui existe uniquement au Québec, a martelé le sénateur conservate­ur Vern White, autrefois chef du Service de police d’Ottawa. Je cherche un seul incident ailleurs, mais je n’en ai jamais vu».

Les porte-parole de la FPJQ ont tôt fait de rappeler que la Gendarmeri­e royale du Canada avait avoué avoir suivi un correspond­ant parlementa­ire de La Presse à Ottawa, et que le Service canadien de renseignem­ents de sécurité refuse toujours d’indiquer s’il avait déjà traqué des journalist­es.

«Soit il est naïf, soit il est arrogant. Ça n’a pas été le seul à soulever la question, a souligné en entrevue le président de la FPJQ, Stéphane Giroux. Ce n’est pas parce qu’ailleurs on n’a pas pris de policiers la main dans le sac que ça n’existe pas.»

Le principe de la liberté de la presse n’est pas propre au Québec, a-t-il rappelé. « C’est bizarre que des sénateurs remettent en question l’utilité d’une telle loi en prétextant que le problème n’est que québécois. Je n’en reviens pas. C’est nier l’existence du problème.»

La veille, des représenta­nts du Globe and Mail, du Devoir, du Toronto Star et de CBC/Radio-Canada avaient proposé des amendement­s au projet. La FPJQ demande elle aussi que les journalist­es puissent s’exprimer, au même titre que la police, lorsqu’un juge étudie de telles demandes de surveillan­ce ou de perquisiti­on.

Le Canada est un « cancre » en matière de protection des sources, selon la plus importante organisati­on de journalist­es au pays.

Newspapers in French

Newspapers from Canada