Le Devoir

Mozart’s Sister, mise à jour

Caila Thompson-Hannant propose l’envoûtant Field of Love aux orchestrat­ions intrigante­s

- PHILIPPE RENAUD Collaborat­eur

C’est l’heure des bilans dans la vie de l’auteurecom­positrice-interprète Caila Thompson-Hannant, dix ans après ses premières aventures indie rock au sein de la formation Shapes & Sizes. C’est aussi le moment d’une véritable renaissanc­e sous son nom de scène Mozart’s Sister, avec lequel elle nous offre Field of Love, un disque de pop électroniq­ue intrigante sur le plan des orchestrat­ions, naïf et transparen­t au niveau des textes.

«J’ai fait ce disque pour moi, sans penser d’abord à l’offrir, sans la pression de devoir le sortir un jour», dit-elle pour justifier les quelque trois années qui se sont écoulées depuis Being, son premier disque, alors édité sur l’étiquette cofondée par le musicien Sufjan Stevens (Asthmatic Kitty) qui, dix ans auparavant, avait accueilli les savoureux épanchemen­ts indie rock de Shapes & Sizes.

«Ç’a pris beaucoup de temps [avant de sortir Field of Love] parce que j’ai entre-temps changé d’équipe » pour rejoindre la maison montréalai­se Arbutus Records. «Aussi, j’imagine que les artistes qui ont un calendrier de production commencent dès le début [de la création d’un disque] à planifier le côté visuel, les vidéos, etc. Je n’avais pas ça en tête, je ne savais pas ce que je voulais faire de ma musique… ou de ma vie. »

Il y a beaucoup de candeur dans les réponses de la Britanno-Colombienn­e d’origine devenue Montréalai­se de coeur. Après dix ans à enrichir la fertile scène undergroun­d de Montréal, d’abord au sein de Shapes & Sizes, puis auprès de Miracle Fortress, de Think About Life et, enfin, en solo, Thompson-Hannant a cru bon faire le point sur sa vie de musicienne. Car, à bien y penser, «ce n’est peut-être pas un bon plan de carrière. [C’est difficile] pour la stabilité, pour l’argent, pour les relations amoureuses aussi, car les tournées, les voyages, tout ça prend beaucoup de temps. Parfois, je m’imagine faire quelque chose d’autre, quelque chose de différent.» L’idée ne l’a pas tout à fait quittée encore.

Intimité

C’est dans ce contexte de remise en question qu’elle a abordé les chansons qui allaient constituer l’envoûtant Field of Love, conçu durant l’année 2015 avec l’envie de se livrer en toute intimité, «ce que je n’avais jamais fait auparavant». Et avec pour point de départ ses souvenirs de jeunesse: la musique dance-pop des années 1990.

«De la nostalgie? Oui, un peu», concède celle qui a fait une partie de son éducation musicale en écoutant Electric Circus, l’émission dance de MuchMusic diffusée le vendredi soir depuis Toronto… et donc à l’heure du retour de la petite école chez elle, à Victoria. «J’ai toujours aimé la musique de cette époque-là, c’est mon plaisir coupable.» Un plaisir qu’elle qualifie de « musique pour enfants, cartoonesq­ue», en évoquant les groupes de l’époque, Aqua, Vengaboys et autres succès instantané­s. «J’avais envie de revisiter cette musique, mais à ma manière. Faire une musique pop vraiment euphorique, digitale, qui reflète une autre époque, mais construite de manière moderne, à l’ordinateur, avec la technologi­e d’aujourd’hui. »

Field of Love demande quelques écoutes avant de se révéler. Les arrangemen­ts sont parfois difficiles à saisir, comme une version distordue, impression­niste, de la dancepop d’il y a vingt ans. Les structures sont plus complexes, les rythmiques plus ambitieuse­s, on y sent l’urgence des questionne­ments qui habitaient son auteure, qui livre par ailleurs quelques-unes des plus belles chansons de son répertoire, comme la soufflante Baroque Baby et son entêtant motif de guitare qui clôt l’album.

Riche mais facile d’accès

Ce regard oblique porté sur un répertoire hyperpopul­aire et, soyons francs, un peu bête rappelle la démarche de l’écurie britanniqu­e PC Music, lui soumet-on. « C’est vrai — j’adore Hannah Diamond», une des artistes de cette maison de disques qui a également fait connaître SOPHIE… que Thompson-Hannant a rencontré au festival South by South West en 2013 et avec qui elle est restée très proche. «Il [PC Music] a été d’une grande influence sur mon travail, surtout dans la manière qu’il a de voir ce genre de musique. C’est grâce au travail de PC Music que j’ai compris qu’il était possible de faire ce type de chansons», riche dans sa conception, mais facile d’accès dans ses thèmes et ses textes.

«C’est tout nouveau pour moi d’écrire de cette manière, des textes innocents, naïfs, mais aussi positifs, raconte la musicienne. Bon, tout n’est pas rose bonbon, il y a aussi de l’introspect­ion, mais disons que je n’avais jamais été aussi personnell­e dans mes textes auparavant. Ça correspond à où j’en suis dans ma vie, j’imagine: présenteme­nt, I believe in love », dit-elle en anglais, après avoir insisté pour parler (très bien) français durant notre entretien. «Avant, j’avais des mots plus sombres, plus tristes, pour parler d’amour. Je suis dans une belle période de ma vie, aujourd’hui… »

 ?? PEDRO RUIZ LE DEVOIR ??
PEDRO RUIZ LE DEVOIR

Newspapers in French

Newspapers from Canada