Le Devoir

Québec vérifiera les méthodes policières

Une enquête journalist­ique montre un taux élevé de « plaintes non fondées »

- MARCO BÉLAIR-CIRINO Correspond­ant parlementa­ire à Québec

L’état-major de la Sûreté du Québec soupçonne que des erreurs administra­tives ont gonflé artificiel­lement la proportion de plaintes pour agression sexuelle qualifiées de «non fondées». Qu’à cela ne tienne, le ministère de la Sécurité publique effectuera une « inspection » des pratiques d’enquête de tous les corps policiers, y compris celui de la SQ, a annoncé Martin Coiteux vendredi.

Pour sa part, la SQ passera en revue un «échantillo­n» des plaintes pour agression sexuelle classées sans suite entre 2009 et 2014 — 19% de toutes les plaintes en cette matière qui ont abouti à la SQ, selon le Globe and Mail —, notamment afin de déterminer si «la cote administra­tive attribuée [à ces] dossiers reflète les démarches faites par l’enquêteur », a expliqué le chef de service du Service des communicat­ions avec les médias de la SQ, Guy Lapointe, sur les ondes de RDI vendredi. «On va regarder les démarches qui ont été faites par l’enquêteur»,a affirmé le capitaine, avant d’ajouter : la SQ n’en «est pas» à « reprendre » les enquêtes mises de côté dans le passé.

La SQ imite ainsi la Gendarmeri­e royale du Canada (GRC), qui a annoncé plus tôt cette semaine faire l’examen «d’un échantillo­n de dossiers antérieurs » pour s’assurer qu’ils ont été traités avec toute l’attention requise.

Les centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS) veulent prendre part, eux aussi, à l’examen des dossiers d’agression sexuelle jugés sans fondement. «Il y a beaucoup de préjugés qui entourent le phénomène des agressions à caractère sexuel. Les policiers ne sont pas immunisés contre ces préjugéslà. Ils vivent dans la société»,a fait remarquer la porte-parole du regroupeme­nt des CALACS, Stéphanie Tremblay, vendredi. Elle demande aussi à la SQ de diffuser les conclusion­s de son enquête interne afin d’augmenter la confiance des «survivante­s» d’agression sexuelle à l’égard des corps de police. «Les agressions sexuelles, c’est un problème social. C’est important que la population soit au courant. »

À l’Assemblée nationale, le ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux, a salué la décision de la SQ d’enquêter sur elle-même au moyen d’une «vérificati­on par échantillo­nnage ». «C’est sûr qu’il faut que ce soit un échantillo­nnage significat­if», a-t-il fait valoir lors d’un impromptu de presse.

La Direction de la vérificati­on interne, des enquêtes et de l’inspection du MSP réalisera néanmoins une « inspection thématique» sur les pratiques d’enquête en matière d’agression sexuelle de tous les services de police, y compris la SQ. Celle-ci commencera dès que l’enquête administra­tive au sujet de la surveillan­ce des journalist­es commandée par M. Coiteux l’automne dernier à la suite de l’éclatement de l’affaire d’espionnage du téléphone portable du chroniqueu­r Patrick Lagacé par le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) sera achevée.

Les corps policiers canadiens ont jugé sans fondement pas moins de 19 % des plaintes pour agression sexuelle, a révélé The Globe and Mail. Au Québec, c’est 17 %.

M. Coiteux a appelé vendredi les médias à ne pas tirer de conclusion­s hâtives sur les statistiqu­es dévoilées dans The Globe and Mail. « Il ne faut pas présumer du résultat d’une analyse avant de la faire. Mais les questions soulevées par l’enquête du Globe and Mail sont suffisamme­nt sérieuses. On les prend au sérieux. Je les prends personnell­ement très au sérieux», a-t-il répété.

 ?? JACQUES GRENIER LE DEVOIR ?? Au Québec, 17% des plaintes pour agression sexuelle auraient été classées «non fondées».
JACQUES GRENIER LE DEVOIR Au Québec, 17% des plaintes pour agression sexuelle auraient été classées «non fondées».

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