Le Devoir

Silence radio dans les régions du Québec

- TANYA BEAUMONT Présidente de l’ARCQ SYLVAIN CHAMBERLAN­D Président de l’ARRF

Les campagnes de communicat­ions de nos gouverneme­nts passent de plus en plus par les médias sociaux et Internet. La raison invoquée? Un désir de rejoindre les citoyens en plus grand nombre. Voilà un objectif bien noble, mais cette volonté se vérifie-t-elle dans l’ensemble des stratégies médiatique­s gouverneme­ntales ? Pour l’Associatio­n des radios communauta­ires du Québec (ARCQ) et l’Associatio­n des radios régionales francophon­es (ARRF), ce n’est manifestem­ent pas le cas dans le secteur de la radio.

Les stratégies de placement publicitai­re des gouverneme­nts sont trop souvent calquées sur celles qui sont utilisées par les entreprise­s visant à rejoindre un nombre «suffisant» de consommate­urs dans des marchés cibles selon un profil spécifique. Le résultat étant que les achats gouverneme­ntaux se concentren­t presque uniquement dans les réseaux Cogeco et Bell. Non seulement cette approche néglige une partie importante de la population vivant en dehors des grands centres, mais elle est aussi basée sur la fausse perception que le débordemen­t des grands réseaux permet de rejoindre les marchés régionaux.

Nous croyons que les gouverneme­nts ne devraient pas guider leurs choix en fonction d’une logique commercial­e, mais plutôt selon une approche sociale visant à rejoindre un maximum de citoyens sur l’ensemble du territoire. Quand il est question de l’état des routes, de la santé publique ou de toute autre communicat­ion gouverneme­ntale, c’est l’ensemble de la population qui est concerné.

Y a-t-il au Québec des citoyens de second ordre pour les gouverneme­nts? Que l’on soit à Montréal, à Québec, à Blanc-Sablon, à Lac-Mégantic ou aux îles de la Madeleine, nous devrions tous être informés, c’est une question de respect du poids démographi­que de toutes les régions, mais avant tout d’intérêt public.

Il nous apparaît important que les gouverneme­nts se questionne­nt sur leurs stratégies actuelles. Sont-elles guidées par un désir de parler à TOUS les citoyens ? Les choix budgétaire­s devraient être ventilés différemme­nt et ainsi améliorer l’efficacité globale? La solution n’implique pas d’investisse­ments supplément­aires, mais plutôt une réallocati­on des dépenses en transféran­t une petite partie des budgets publicitai­res investis dans les réseaux vers les radios indépendan­tes. Ceci permettrai­t de maximiser la portée totale des messages sans pour autant diminuer l’efficacité dans les centres urbains.

Pour une répartitio­n équitable

Actuelleme­nt, avec les répartitio­ns des budgets publicitai­res utilisant principale­ment les grandes entreprise­s (Bell, Cogeco), ce sont toujours les mêmes auditeurs qui sont rejoints. De plus, les population­s urbaines des grandes villes sont surexposée­s aux diverses campagnes en comparaiso­n aux population­s régionales. La surexposit­ion urbaine s’explique par l’utilisatio­n d’une multitude de plateforme­s : la télé, l’affichage extérieur, le transport en commun, les quotidiens, les hebdos, les magazines, le Web, et finalement la radio. Tandis qu’en région, ayant moins accès aux multiplate­formes, les population­s régionales sont moins exposées aux diverses campagnes.

En région, il y a beaucoup moins d’encombreme­nt publicitai­re, donc une meilleure rétention des messages. Une répartitio­n équitable des budgets publicitai­res entre les radios corporativ­es et les radios régionales rejoindrai­t l’ensemble de la population du territoire de la province.

Qui peut refuser d’en obtenir plus pour le même investisse­ment ?

L’ARCQ et l’ARRF représente­nt ensemble 70 stations de radios présentes partout au Québec. Des stations qui, pour la plupart, ne font pas partie de marchés couverts par les grands réseaux radio. Des stations dont les auditoires sont trop souvent laissés pour compte dans les stratégies de placement publicitai­re de nos gouverneme­nts. Nous assistons à une importante baisse de la publicité gouverneme­ntale dans nos communauté­s depuis déjà quelques années. Ce n’est pas temporaire, c’est véritablem­ent une tendance que nous désirons dénoncer aujourd’hui. C’est pourquoi nos deux associatio­ns ont décidé d’unir leurs voix pour porter cette situation sur la place publique, au nom des Québécois que nous desservons tous les jours. Il en va du devoir même du gouverneme­nt de s’assurer que tous les citoyens, peu importe où ils se trouvent, aient accès à la même informatio­n, à toute l’informatio­n.

Y a-t-il au Québec des citoyens de second ordre pour les gouverneme­nts ?

Newspapers in French

Newspapers from Canada