Zéro de conduite
COMBAT DE PROFS (V.F. FIST FIGHT) DE 1/2 Comédie de Richie Keen. Avec Ice Cube, Charlie Day, Tracy Morgan, Jillian Bell. États-Unis, 2017, 91 minutes.
Combat de profs serait-il un film résolument prophétique? On pourrait le croire puisque cette comédie fait l’apologie de la bêtise verbale, de l’intimidation physique, de la gestion administrative à courte vue et de l’anti-intellectualisme comme stratégie d’autodéfense. Quand l’exemple suprême de ces calamités vient tout juste de prendre ses quartiers à la Maison-Blanche, on peut tout de même parler de synchronisme troublant.
Richie Keen, un réalisateur télé (Sirens, It’s Always Sunny in Philadelphia) cherchant la sortie cinéma, n’a que faire de jouer au prophète : il a entre les mains un scénario écrit à quatre mains par Van Robichaux et Evan Susser, vaguement inspiré d’un reliquat des années 1980 (Three O’Clock High) et qui mériterait une peine sévère dans certains pays totalitaires. Or la véritable punition, c’est au spectateur qu’il l’inflige.
Des âmes charitables diront qu’il faut surtout plaindre ces acteurs conscrits pour débiter des blagues d’adolescents boutonneux ou s’humilier physiquement dans des postures guerrières qui redonnent à la lutte toute sa crédibilité. Il s’agit bien sûr de victimes consentantes, à commencer par Charlie Day, portant le veston beige du professeur d’anglais à la gentillesse excessive, et l’ancien rappeur Ice Cube, avec la dégaine de l’intimidateur en chef, accessoirement professeur d’histoire (qui a le chic de présenter dans sa classe un documentaire de Ken Burns sur la guerre civile). Car c’est lui qui fait régner la loi et l’ordre dans les corridors de la Roosevelt High School, à coups de bâtons de baseball, ou de hache s’il le faut. Lorsqu’il apprend son congédiement en cette dernière journée de classe (le fait de tout casser sur son passage ne semblait pas jusque-là un motif suffisant…), il en impute la faute à son sympathique collègue, bientôt père de famille une seconde fois, et donc soucieux de conser ver son emploi.
Le tout va se terminer en un duel à mains nues dans la cour de l’école, au grand bonheur du cyberespace, puisque la nouvelle de cet affrontement inusité va se répandre comme une traînée de poudre, et d’une population étudiante dont le quotient intellectuel collectif rendrait anxieux George Orwell. Faut-il en imputer la faute au corps professoral ? Il est vrai qu’entre le directeur colérique, l’enseignante libidineuse (peu importe l’âge de ses proies…) et la sensuelle de service (la pauvre Christina Hendricks, de la série Mad Men), l’espace apparaît inexistant pour faire fleurir un quelconque espoir.
Cette affligeante comédie scolaire illustre, dans toute sa vacuité, une leçon impitoyable: la pire des violences est sûrement celle qui attaque l’intelligence de plein fouet. Sous nos yeux ahuris, elle s’étale tous les jours, et plus que jamais.