Véro.tv, l’aimant grand public de Tou.tv Extra
« Je pense que je suis la consommatrice type qu’on cherche », dit Véronique Cloutier
Radio-Canada a ajouté mardi une toute nouvelle branche au volet Extra de sa plateforme numérique Tou.tv., portée par l’animatrice étoile Véronique Cloutier. En ajoutant neuf émissions originales et deux acquisitions sur son site payant de diffusion en ligne, la société d’État dit vouloir élargir son public grâce à l’aimant Cloutier.
L’utilisateur habituel de Tou.tv Extra a vu apparaître un onglet au nom de Véro.tv — c’est le nom de cet ajout — , qui mène à une section couleur corail. Pour lui, Véro.tv ajoute à l’offre pour laquelle il paie déjà 6,99 $ par mois. Mais ce n’est pas pour lui que tout cet exercice a été mené. Cette chaîne, dont l’animatrice de Votre beau programme est en quelque sorte la curatrice, ne vise pas non plus à séduire un jeune public, pourtant plus naturel à l’écoute de la télé en ligne.
Réunies autour d’un même téléphone, Véronique Cloutier, la directrice générale de la télévision, Dominique Chaloult, et la patronne de Tou.tv, Christiane Asselin, assurent que Véro.tv existe pour séduire le grand public, le téléphage moyen, plus adulte qu’adolescent.
«On sait que [l’écoute sur des plateformes numériques] c’est rendu de plus en plus mainstream, dit Mme Asselin, dont le titre officiel est première directrice, contenu et programmation multiécran, webtélé et ICI Tou.tv. Les derniers chiffres qu’on a, c’est que 51% des Canadiens francophones avaient écouté de la télévision ou des émissions sur Internet. Et si on veut qu’ils viennent, il est temps qu’on mette beaucoup de contenu pour ces gens-là. »
Quelques-unes des nouvelles émissions proposées sur Véro.tv sont plutôt destinées à de jeunes adultes — comme Amour, si affinité, #Bougaricci, Trois fois par jour —, d’autres s’harmonisent bien avec ce grand public recherché — Baby Boom, Rétroviseur, Les Morissette et moi, Sois. Et selon cette stratégie, le choix de Véronique Cloutier comme égérie prend tout son sens.
«Le but, c’est peut-être d’aller chercher des publics plus vieux, qui ont une façon plus traditionnelle de consommer la télévision ou qui oscillent entre les deux, explique Véronique Cloutier. Moi j’ai 42 ans et j’aime encore beaucoup avoir un rendez-vous devant ma télé, en pyjama, un soir de semaine. Mais j’adore avoir accès à du contenu que je peux écouter quand je veux, en rafale ou pas. Je pense que je suis la consommatrice type qu’on cherche, c’est quelqu’un qui veut vivre les deux expériences. »
Public-privé
Véro.tv est à l’image de ce qui se fait en télé actuellement: les producteurs privés ont pris le relais de la production maison. La boîte de Louis Morissette, KOTV, est impliquée dans la grande majorité des émissions proposées. Sphère Média Plus et Duo Productions proposent aussi chacune un titre.
«Toutes les forces internes se sont mises ensemble pour mettre sur pied la plateforme, et les émissions sont faites par des producteurs indépendants », résume Dominique Chaloult.
Véronique Cloutier a eu son mot à dire sur le choix des émissions, sur le graphisme, la musique et autres décisions éditoriales. Elle se retrouve elle-même dans deux émissions. Elle anime Rétroviseur, qui offre des entrevues basées sur des archives, et est au coeur de Les Morissette et moi, où une caméra suit l’animatrice et Louis Morissette dans la création d’une fondation.
«À peu près comme tout ce que je fais depuis plusieurs années, je ne veux pas servir seulement à mettre mon nom sur quelque chose, j’aime bien m’impliquer fond, raconte Cloutier. En ce qui me concerne, c’est le projet qui a le plus d’envergure dans lequel j’ai participé dans ma jeune carrière, et je pense que le modèle est assez unique. »
Dominique Chaloult et Christiane Asselin ont fouillé pour trouver des équivalents à Véro.tv, pour ne trouver que le cas de Taylor Swift, à qui AT&T dédie une chaîne diffusant uniquement le travail de la chanteuse. Et la chaîne télé d’Oprah ? Pas vraiment comparable.
Netflix et les autres
Avec cette tentative Véro.tv, Radio-Canada veut en quelque sorte se positionner par rapport à Netflix et les autres plateformes locales, comme Club illico. « On sait qu’il y a de plus en plus de gens qui s’abonnent à des OTT», dit Christiane Asselin à propos des services appelés « over-the-top » ou «par contournement ». « Naturellement, on veut offrir plus de contenu francophone parce que veut, veut pas, avec l’arrivée de Netflix, c’est la culture francophone qui va en prendre pour son mal. »
Reste que le but, c’est d’avoir plus d’abonnés, souligne Dominique Chaloult. «Il reste que Radio-Canada est encore une entreprise. Oui, c’est une télévision publique, mais c’est une télévision publique qui doit aller chercher des revenus. On pense à Artv et Explora qui nécessitent des abonnements. Ça fait partie un peu du plan d’affaires.»
Quel est l’objectif de Véro.tv en nombre d’abonnés? En fait, Tou.tv Extra ne divulgue ni le nombre de ses membres ni son budget. « On se garde un droit de réserve», explique Mme Asselin.
Dominique Chaloult assure du moins que la popularité de la plateforme connaît une augmentation «assez significative ». «On entend beaucoup notre ministre qui parle du virage numérique, nous, on est là-dedans par-dessus la tête, ajoute-t-elle. Quand je suis arrivée il y a deux ans, c’était mon mandat de développer le numérique à Radio-Canada, et c’est ce qu’on fait.»