Le Devoir

Revisiter la Symphonie du millénaire, façon Stravinski

Walter Boudreau applique la recette de L’Oiseau de feu à l’oeuvre collective

- CHRISTOPHE HUSS

Walter Boudreau, qui s’était comparé à Fidel Castro en septembre dernier dans ces pages, sait aussi être pharaon. Le revoici donc à la barre de la reprise de la titanesque Symphonie du millénaire, moment phare de la 8e édition du festival biennal Montréal/Nouvelles musiques (MNM), qui, du 23 février au 4 mars, proposera quelques spectacula­ires événements fédérés sur le thème «Retour vers le futur».

Le vertigineu­x projet de la Symphonie du millénaire, oeuvre collective de 19 compositeu­rs, avait pour sa création, en juin 2000, mobilisé un budget de 1,3 million de dollars. «Et ce ne sont pas les compositeu­rs qui se sont mis l’argent dans les poches!» précise celui qui avait lancé le projet aux côtés de Denys Bouliane.

«Philosophi­quement, je voulais tendre la main au grand public, dit Walter Boudreau. Je suis allé chercher 18 de mes camarades pour “faire quelque chose”.» La Symphonie du millénaire avait occupé 333 musiciens. «J’ai un enregistre­ment, mais je ne peux rien en faire», se lamente le compositeu­r. Car, devinez combien cela coûterait, en droits, de l’éditer en disque : «330 000$»!

Pour la Symphonie du millénaire (prise II), Walter Boudreau a pris le taureau par les cornes. « Je vais faire comme Stravinski. Regardez L’Oiseau de feu : il y a des petits moments neutres, parce que c’est un ballet et qu’il faut remplir pour accompagne­r le danseur qui transporte un pot de fleur côté jardin. Alors Stravinski en a tiré une suite ,et c’est cela que les chefs dirigent.»

La recette de L’Oiseau de feu sera appliquée à l’oeuvre collective : «Je vais ramener la symphonie à une oeuvre de 72 minutes pour grand orchestre, choeur mixte, orgue solo et deux personnes qui gèrent l’électroniq­ue. » Le but, à terme, est d’amener la chose à entrer dans une salle de concert. Boudreau compte toutefois «rappeler les 2000 carillonne­urs. Il en reste peut-être 1000 et il en viendra 500.»

Quant au succès populaire de l’année 2000, il a gagné en démesure avec la patine du temps. Alors que tous les comptes-rendus de l’époque parlent de 35000 à 40000 spectateur­s, la symphonie dans le dernier communiqué de presse est devenue «un mégaprojet musical qui rassemblai­t 70 000 personnes en l’an 2000 ».

Cette édition, qui s’inscrit dans le cadre de la saison de son 50e anniversai­re, la Société de musique contempora­ine du Québec (SMCQ), se veut « festive avant tout», précise Walter Boudreau. « Celle que j’ai concoctée s’inspire de ce qu’on a vraiment aimé lors de ces 50 dernières années, mais aussi de ce qui se fait aujourd’hui.»

« À 50 ans, on n’est pas un vieillard en marchette!» s’exclamait Walter Boudreau, lorsque nous l’avions rencontré en prélude à la saison. «MNM, aussi, va célébrer les 50 ans. J’ai convaincu plein de gens de faire des choses. Imaginez, la musique de Serge Garant va être jouée par l’OSM ! » se réjouit Walter Boudreau.

Le Festival MNM présente un défi particulie­r pour Walter Boudreau. «En prévision des 20 à 25 concerts que nous présentons, nous recevons 180 propositio­ns, dont au moins 40 sont formidable­s. »

Pour résoudre ce casse-tête, Boudreau « cherche à être le plus pertinent possible». « Pour faire une bonne job de directeur artistique, il faut laisser de côté ses penchants personnels. Je m’entoure d’un comité artistique, car je ne peux pas être de toutes les batailles, même si je mène une guerre!»

«Lors de la dernière édition de MNM, nous avons eu 24 000 entrées. » La barre est haute, mais Water Boudreau a sorti des atouts de sa poche, outre la reprise de la Symphonie du millénaire.

Autres démesures

Le rendez-vous le plus ardu de MNM risque d’être le marathon de quatuors à cordes, intitulé 3 x 4 = 12 . Le Quatuor Capitano, le Quatuor Bozzini et le Quatuor Molinari se succéderon­t le 28 février à la salle Bourgie à 17 h, 19 h et 20h30, présentant des quatuors de Gougeon, Lesage, Rea, Sokolović, Tremblay, Vivier et Zorn. Le New-Yorkais John Zorn sera l’unique objet d’attention du Quatuor Molinari, qui proposera quatre oeuvres composées entre 1988 et 1996.

Quant au concert d’ouverture, les 23 et 24 février, avec l’Orchestre symphoniqu­e de McGill, il reprendra deux des Berliner Momente de Boudreau. L’oeuvre n’a jamais été présentée au complet. On se délecte encore de l’anecdote racontée par le compositeu­r aux chaussures rouges en septembre dernier : «Il y a quelques années, je suis allé voir Kent Nagano pour qu’il me prête l’OSM pour faire mes Berliner Momente, c’est juste s’il n’a pas appelé les pompiers pour m’arroser!»

L’oeuvre d’une heure et quarante minutes, «très accessible pour le grand public, mais d’une complexité à s’arracher les cheveux sur la tête », selon son auteur qu’elle occupe depuis 20 ans, sera peut-être créée en 2019. Mercredi et jeudi, Boudreau en dirigera les deux premiers des cinq volets, lors d’un concert où Alexis Hauser a également programmé le Concerto pour orchestre de Bartók.

Parmi les événements de MNM 2017, il faut aussi mentionner, le 3 mars à 21 h dans la 5e salle de la Place des Arts, la présentati­on avec film de L’histoire du soldat de Stravinski, à l’occasion du 100e anniversai­re de la création de l’oeuvre.

Plus de 20 concerts, un laboratoir­e électroaco­ustique, des conférence­s, un colloque, un «salon des nouvelles musiques » et des activités jeunesse nourriront ces dix journées et soirées.

«Pour faire une bonne job de directeur artistique, il faut laisser de côté ses penchants personnels»

MONTRÉAL/NOUVELLES MUSIQUES Du 23 février au 4 mars 2017. SYMPHONIE DU MILLÉNAIRE (PRISE II) Le dimanche 26 février, à 15 h 33, à la basilique de l’oratoire Saint-Joseph du mont Royal.

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ANNIK MH DE CARUFEL LE DEVOIR «Philosophi­quement, je voulais tendre la main au grand public», dit Walter Boudreau.

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