La robotique au secours des enfants handicapés
Être aux prises avec des troubles moteurs ou musculo-squelettiques dans notre société limite forcément la mobilité et les mouvements. Et être dans cette situation lorsqu’on est jeune, c’est encore pire, car les avancées technologiques pour faciliter la mobilité et la prise d’objets avec les membres supérieurs se sont surtout concentrées sur les adultes. Le personnel de la Chaire de recherche en génie de la réadaptation pédiatrique de l’École polytechnique travaille à corriger cette lacune et obtient des résultats encourageants.
Professeur adjoint au Département de génie mécanique de l’École polytechnique et directeur de la Chaire, Maxime Raison mentionne qu’il n’existe presque rien pour les enfants aux prises avec des maladies neuromusculaires ou handicapés à la suite d’un traumatisme. «Les prothèses myoélectriques disponibles actuellement ne sont pas adaptées pour les enfants », déplore-t-il. Le fait qu’ils sont en pleine croissance présente une difficulté supplémentaire. La Chaire, cofondée par Polytechnique et le Centre de réadaptation Marie-Enfant (une unité qui relève du Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine), s’est donc donné pour mission de développer des dispositifs adaptés pour ces enfants.
De la recherche d’avant-garde
La Chaire est la seule au Canada à travailler en robotique de réadaptation. «C’est un domaine ultra-émergent, appelé à se développer rapidement», affirme M. Raison. Il croit que, dans moins de 10 ans, les ergothérapeutes et les physiothérapeutes en clinique travailleront régulièrement avec ses outils pour aider les jeunes, limités dans leurs mouvements, dans leur rééducation.
M. Raison y voit de grands avantages. «La robotique permet aux enfants d’exécuter des exercices de façon répétitive sans fatiguer les spécialistes qui prennent alors un rôle de supervision. » Cette technologie ne remplacerait donc pas le travail fait par ces spécialistes, mais leur faciliterait grandement la vie.
«Nous travaillons principalement avec trois bras robotiques, le Jaco et le Mico, développés par la firme montréalaise Kinova, en pleine croissance, et le REAplan, développé par l’entreprise belge Axinesis», explique le professeur Raison. Des étudiants en stage, au doctorat et au post-doctorat de la Chaire travaillent à adapter ces bras qui existent déjà sur le marché aux enfants qui ont des problèmes de mobilité avec leurs membres supérieurs.
Les bras Jaco et Mico
Le professeur Sofiane Achiche du Laboratoire de conception de systèmes intelligents et mécatroniques (CoSim), en collaboration avec la Chaire, travaille à développer un bras robotique qui assisterait dans leurs tâches quotidiennes les personnes atteintes de troubles moteurs et musculo-squelettiques. Ce bras serait fixé à leur fauteuil roulant. Les bras actuels se commandent à l’aide d’une manette. Or, les personnes n’ayant pas la dextérité nécessaire pour manipuler la manette ont de la difficulté à se servir du bras. L’équipe de M. Achiche propose donc d’utiliser le regard pour contrôler le bras.
«Cela se fait grâce à une caméra de stéréovision [qui pourrait être installée sur le fauteuil roulant] qui reproduit la scène dans laquelle le bras intervient, aidé par un système de suivi oculaire [eye traker] et un logiciel qui analyse et traite les données fournies, en temps réel, par ces appareils, détaille Maxime Raison. Le dispositif peut alors savoir quel objet la personne regarde, et le bras Jaco peut aller le chercher. En plus de détecter l’objet, il doit aussi détecter les obstacles qui pourraient se présenter sur son chemin de façon à les éviter.» Le bras robotique devient ainsi asservi au regard de l’utilisateur.
Le robot REAplan
Le personnel de la Chaire travaille aussi avec le robot REAplan, de la firme Axinesis. Ce robot a pour objectif de permettre la récupération de la motricité des membres supérieurs. «C’est le premier robot au monde capable d’améliorer cette motricité, soutient le directeur de la Chaire. Axinesis a ouvert le code source pour nous, ce qui nous permet de travailler à personnaliser l’appareil dans le but de donner la bonne dose de travail à l’enfant.»
Cet appareil, une fois bien adapté, sera très utile pour la rééducation motrice des enfants atteints de paralysie cérébrale et ceux atteints de maladies neuromusculaires, comme la dystrophie musculaire de Duchenne. «Des enfants qui souffrent de ces pathologies, il y en a des milliers qui sont suivis par le Centre de réadaptation Marie-Enfant », explique M. Raison, motivé et passionné par l’aspect utile des recherches qu’il supervise.
Cette rééducation que l’on peut aussi appeler «entraînement robot-assisté» offre des avantages. Dans une étude datant de 2014 de l’École polytechnique de Louvain (Belgique), on en relevait déjà plusieurs. L’entraînement robotisé permet de développer une thérapie plus longue et plus intense; elle ouvre la voie à de nouvelles nouvelles approches thérapeutiques; elle permet d’automatiser une partie de la thérapie; elle offre un «entraînement» plus personnalisé et évolutif et fournit un outil plus précis et fiable pour la mesure des fonctions motrices.
La robotique permet aux enfants d’exécuter des exercices de façon répétitive sans fatiguer les spécialistes, qui prennent alors un rôle de supervision Maxime Raison, professeur adjoint au Département de génie mécanique de l’École polytechnique et directeur de la Chaire
Un avenir prometteur
La collaboration de la Chaire avec les deux entreprises technologiques Kinova et Axinesis porte déjà ses fruits. « Une bonne partie de nos étudiants travaillent aujourd’hui pour Kinova, une entreprise qui a connu une croissance extraordinaire au cours des dernières années, explique M. Raison. Bientôt, nous comptons aussi créer notre propre entreprise. »
De façon plus globale, Montréal est en train de se positionner comme un leader dans la recherche en intelligence artificielle. On prévoit un avenir radieux dans ce domaine (bien que les spécialistes craignent que ces avancées entraînent la perte de milliers d’emplois). La Chaire de recherche en génie de la réadaptation pédiatrique de l’École polytechnique est donc en bonne position pour profiter du développement de ce secteur émergent.