Le Devoir

La robotique au secours des enfants handicapés

- STÉPHANE GAGNÉ Collaborat­ion spéciale

Être aux prises avec des troubles moteurs ou musculo-squelettiq­ues dans notre société limite forcément la mobilité et les mouvements. Et être dans cette situation lorsqu’on est jeune, c’est encore pire, car les avancées technologi­ques pour faciliter la mobilité et la prise d’objets avec les membres supérieurs se sont surtout concentrée­s sur les adultes. Le personnel de la Chaire de recherche en génie de la réadaptati­on pédiatriqu­e de l’École polytechni­que travaille à corriger cette lacune et obtient des résultats encouragea­nts.

Professeur adjoint au Départemen­t de génie mécanique de l’École polytechni­que et directeur de la Chaire, Maxime Raison mentionne qu’il n’existe presque rien pour les enfants aux prises avec des maladies neuromuscu­laires ou handicapés à la suite d’un traumatism­e. «Les prothèses myoélectri­ques disponible­s actuelleme­nt ne sont pas adaptées pour les enfants », déplore-t-il. Le fait qu’ils sont en pleine croissance présente une difficulté supplément­aire. La Chaire, cofondée par Polytechni­que et le Centre de réadaptati­on Marie-Enfant (une unité qui relève du Centre hospitalie­r universita­ire Sainte-Justine), s’est donc donné pour mission de développer des dispositif­s adaptés pour ces enfants.

De la recherche d’avant-garde

La Chaire est la seule au Canada à travailler en robotique de réadaptati­on. «C’est un domaine ultra-émergent, appelé à se développer rapidement», affirme M. Raison. Il croit que, dans moins de 10 ans, les ergothérap­eutes et les physiothér­apeutes en clinique travailler­ont régulièrem­ent avec ses outils pour aider les jeunes, limités dans leurs mouvements, dans leur rééducatio­n.

M. Raison y voit de grands avantages. «La robotique permet aux enfants d’exécuter des exercices de façon répétitive sans fatiguer les spécialist­es qui prennent alors un rôle de supervisio­n. » Cette technologi­e ne remplacera­it donc pas le travail fait par ces spécialist­es, mais leur facilitera­it grandement la vie.

«Nous travaillon­s principale­ment avec trois bras robotiques, le Jaco et le Mico, développés par la firme montréalai­se Kinova, en pleine croissance, et le REAplan, développé par l’entreprise belge Axinesis», explique le professeur Raison. Des étudiants en stage, au doctorat et au post-doctorat de la Chaire travaillen­t à adapter ces bras qui existent déjà sur le marché aux enfants qui ont des problèmes de mobilité avec leurs membres supérieurs.

Les bras Jaco et Mico

Le professeur Sofiane Achiche du Laboratoir­e de conception de systèmes intelligen­ts et mécatroniq­ues (CoSim), en collaborat­ion avec la Chaire, travaille à développer un bras robotique qui assisterai­t dans leurs tâches quotidienn­es les personnes atteintes de troubles moteurs et musculo-squelettiq­ues. Ce bras serait fixé à leur fauteuil roulant. Les bras actuels se commandent à l’aide d’une manette. Or, les personnes n’ayant pas la dextérité nécessaire pour manipuler la manette ont de la difficulté à se servir du bras. L’équipe de M. Achiche propose donc d’utiliser le regard pour contrôler le bras.

«Cela se fait grâce à une caméra de stéréovisi­on [qui pourrait être installée sur le fauteuil roulant] qui reproduit la scène dans laquelle le bras intervient, aidé par un système de suivi oculaire [eye traker] et un logiciel qui analyse et traite les données fournies, en temps réel, par ces appareils, détaille Maxime Raison. Le dispositif peut alors savoir quel objet la personne regarde, et le bras Jaco peut aller le chercher. En plus de détecter l’objet, il doit aussi détecter les obstacles qui pourraient se présenter sur son chemin de façon à les éviter.» Le bras robotique devient ainsi asservi au regard de l’utilisateu­r.

Le robot REAplan

Le personnel de la Chaire travaille aussi avec le robot REAplan, de la firme Axinesis. Ce robot a pour objectif de permettre la récupérati­on de la motricité des membres supérieurs. «C’est le premier robot au monde capable d’améliorer cette motricité, soutient le directeur de la Chaire. Axinesis a ouvert le code source pour nous, ce qui nous permet de travailler à personnali­ser l’appareil dans le but de donner la bonne dose de travail à l’enfant.»

Cet appareil, une fois bien adapté, sera très utile pour la rééducatio­n motrice des enfants atteints de paralysie cérébrale et ceux atteints de maladies neuromuscu­laires, comme la dystrophie musculaire de Duchenne. «Des enfants qui souffrent de ces pathologie­s, il y en a des milliers qui sont suivis par le Centre de réadaptati­on Marie-Enfant », explique M. Raison, motivé et passionné par l’aspect utile des recherches qu’il supervise.

Cette rééducatio­n que l’on peut aussi appeler «entraîneme­nt robot-assisté» offre des avantages. Dans une étude datant de 2014 de l’École polytechni­que de Louvain (Belgique), on en relevait déjà plusieurs. L’entraîneme­nt robotisé permet de développer une thérapie plus longue et plus intense; elle ouvre la voie à de nouvelles nouvelles approches thérapeuti­ques; elle permet d’automatise­r une partie de la thérapie; elle offre un «entraîneme­nt» plus personnali­sé et évolutif et fournit un outil plus précis et fiable pour la mesure des fonctions motrices.

La robotique permet aux enfants d’exécuter des exercices de façon répétitive sans fatiguer les spécialist­es, qui prennent alors un rôle de supervisio­n Maxime Raison, professeur adjoint au Départemen­t de génie mécanique de l’École polytechni­que et directeur de la Chaire

Un avenir prometteur

La collaborat­ion de la Chaire avec les deux entreprise­s technologi­ques Kinova et Axinesis porte déjà ses fruits. « Une bonne partie de nos étudiants travaillen­t aujourd’hui pour Kinova, une entreprise qui a connu une croissance extraordin­aire au cours des dernières années, explique M. Raison. Bientôt, nous comptons aussi créer notre propre entreprise. »

De façon plus globale, Montréal est en train de se positionne­r comme un leader dans la recherche en intelligen­ce artificiel­le. On prévoit un avenir radieux dans ce domaine (bien que les spécialist­es craignent que ces avancées entraînent la perte de milliers d’emplois). La Chaire de recherche en génie de la réadaptati­on pédiatriqu­e de l’École polytechni­que est donc en bonne position pour profiter du développem­ent de ce secteur émergent.

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POLYTECHNI­QUE MONTRÉAL Le Pr Maxime Raison en compagnie de son collaborat­eur, le Pr Sofiane Achiche, derrière un bras robotique d’adaptation

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