Le Devoir

Université Concordia

Cours et recherche se développen­t en investisse­ment responsabl­e

- MARTINE LETARTE Collaborat­ion spéciale

L’investisse­ment responsabl­e est encore un concept nouveau dans l’histoire et en constante évolution, si bien que les départemen­ts de finance des université­s québécoise­s et canadienne­s commencent seulement à offrir de la formation dans le domaine. L’Université Concordia a été l’une des pionnières en 2015, et on y voit également foisonner la recherche pour permettre aux entreprise­s et aux investisse­urs de mieux maîtriser les concepts et de savoir comment les intégrer dans leurs décisions au quotidien.

Alors que le monde ne veut pas replonger dans une crise financière comme celle de 2008, plusieurs questions se posent en matière de régulation des banques.

«Les gouverneme­nts se demandent quels gestes faire, alors on réalise de la recherche pour trouver les meilleures pratiques », explique Thomas Walker, codirecteu­r du Centre d’études David O’Brien sur la durabilité des entreprise­s à l’École de gestion John-Molson de l’Université Concordia.

Il travaille sur un projet de recherche financé par l’Autorité des marchés financiers (AMF). Son équipe examine de près les différents modèles de banque qu’on trouve dans le monde et comment ils réagissent aux risques.

«Par exemple, le modèle des banques occidental­es fonctionne avec énormément de dettes, alors que les banques islamiques n’en ont pas du tout parce que le régime de la charia ne le permet pas, explique le professeur Walker. Notre système bancaire pourrait apprendre de bonnes choses des autres systèmes.»

Trois articles scientifiq­ues ont été rédigés à la suite de cette étude et sont en attente de publicatio­n.

Le risque des changement­s climatique­s

Thomas Walker travaille également sur un projet financé par la Caisse de dépôt et placement du Québec pour analyser l’exposition de différente­s entreprise­s aux changement­s climatique­s et leurs stratégies pour gérer ce risque.

«Prenons l’exemple d’une entreprise minière qui a des projets au Mexique, où il y a un problème de sécheresse, indique M. Walker. Une entreprise minière, comme c’est le cas dans bien d’autres industries d’ailleurs, a besoin de pomper beaucoup d’eau pour réaliser ses opérations. Si elle n’est pas capable d’avoir suffisamme­nt d’eau pour fonctionne­r au maximum de ses capacités, qu’arrivera-t-il ? Comment réagiront les investisse­urs? Qu’est-ce que l’entreprise peut faire pour réduire ce risque?»

Pour ce projet de recherche, l’équipe de Thomas Walker travaille avec de grandes multinatio­nales, dont plusieurs sont d’origine canadienne. Commencée l’an dernier, l’étude se poursuivra jusqu’en 2019.

Oser le cours en investisse­ment responsabl­e

Le Départemen­t de finance de l’Université Concordia a aussi lancé en 2015 un cours en investisse­ment responsabl­e pour les étudiants de premier cycle. Il a ensuite commencé à être donné également dans le programme de MBA.

« Le contenu de mon cours change constammen­t parce que tout évolue très vite et, bien sûr, il n’y a pas de manuel dans le domaine », souligne Amr Addas, chargé d’enseigneme­nt en finance à l’École de gestion John-Molson de l’Université Concordia.

Le cours commence par expliquer l’origine de l’investisse­ment responsabl­e: de grands joueurs ont décidé dans les décennies 1970 et 1980 de ne plus investir en Afrique du Sud pour faire pression contre le régime de l’apartheid. Les étudiants apprennent ensuite comment le concept a évolué.

« Maintenant, on ne voit plus l’investisse­ment responsabl­e seulement comme quelque chose de bien, comme une voie que les investisse­ments prennent pour placer leur argent en suivant leurs valeurs», affirme Amr Addas.

De plus en plus dans le monde de la finance, l’investisse­ment responsabl­e est vu comme un concept qu’il faut intégrer pour avoir un meilleur rendement.

«C’est une façon de gérer le risque, ajoute M. Addas. Si on ne prend pas en considérat­ion les éléments inclus dans le concept, cela peut avoir un effet sur le prix de l’action. »

Les étudiants apprennent à utiliser des outils pour mesurer le risque en regardant les volets environnem­ental, social et de gouvernanc­e des entreprise­s.

«Par exemple, on analyse comment les entreprise­s utilisent l’eau, comment elles traitent leurs employés et si les membres du conseil d’administra­tion sont indépendan­ts de la haute direction », explique Amr Addas, également membre du conseil d’administra­tion de Finance Montréal, qui a créé un groupe de travail sur l’investisse­ment responsabl­e afin de développer encore davantage le secteur dans la métropole.

Certificat­ion profession­nelle en placements durables

L’Université Concordia a aussi lancé il y a quelques années le programme complèteme­nt en ligne de certificat­ion profession­nelle en placements durables. Le programme de 120 heures comprend plusieurs modules, entre autres sur la gouvernanc­e, l’éthique, la durabilité écologique et les placements durables.

«En ce moment, nos inscriptio­ns sont surtout locales, mais nous souhaitons attirer davantage de gens de l’étranger avec ce programme en ligne», affirme Thomas Walker.

La certificat­ion s’adresse aux profession­nels de l’investisse­ment, mais aussi à des gens en entreprise qui s’intéressen­t à l’enjeu de la durabilité.

« Tout le monde prétend agir, ou tenter d’agir, de façon responsabl­e et durable en ce moment et c’est difficile parfois de séparer les bonnes entreprise­s des mauvaises, constate Thomas Walker. En même temps, ce n’est pas toujours facile pour une entreprise d’aller de l’avant, surtout quand agir de façon plus responsabl­e signifie qu’à court terme, le consommate­ur en payera le prix. Du travail a été déjà réalisé, mais il en reste encore beaucoup à faire pour que la tendance de la durabilité soit bien acceptée partout.»

Actuelleme­nt, plus de 60 des 100 billions d’actifs sous gestion dans le monde sont gérés par des investisse­urs signataire­s des Principes pour l’investisse­ment responsabl­e de l’ONU.

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JOËL SAGET AGENCE FRANCE-PRESSE Une employée d’une agence de banque islamique montre une brochure à une de ses clientes.

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