Le Devoir

30 ans d’histoire et plus de 10 ans d’investisse­ment responsabl­e

- RÉGINALD HARVEY Collaborat­ion spéciale

Il y a 30 ans, Bâtirente devenait le système collectif d’épargne-retraite des membres de la Confédérat­ion des syndicats nationaux (CSN). En 2005, ce partenaire financier de la centrale syndicale empruntait la voie de l’investisse­ment responsabl­e. Bâtirente a développé peu à peu ce marché financier soucieux des pratiques environnem­entales, sociales et de gouvernanc­e.

«Notre contrat a été signé en 1987 et nos premiers dollars sont entrés dans les premiers jours de 1988. On compte donc 30 ans d’histoire et, au cours des 12 dernières années, on s’est dotés d’une politique d’investisse­ment responsabl­e, ce qui est arrivé en concomitan­ce avec l’adoption des principes de ce type d’investisse­ments », rappelle Daniel Simard, le directeur général de Bâtirente.

Il assure que l’une des règles qui ont été appliquées a été de demander de la transparen­ce aux sociétés émettrices, ce qui a notamment été réalisé en grande partie dans le cadre du Carbone Disclosure Project : « Dix ans plus tard, on en arrive à commencer à parler sérieuseme­nt d’empreinte carbone. »

Toujours dans un but de porter un message clair, « on a posé des gestes à grande échelle sur des questions de carbone, mais on a également été engagés fortement, dès nos débuts, sur des questions tout aussi importante­s que l’on pourrait de nos jours associer à la fiscalité : celles-ci relèvent de “l’initiative pour la transparen­ce dans les industries extractive­s” ».

En vertu de cette initiative, les industries publient de l’informatio­n de nature financière sur les redevances qu’elles ont à payer : « On évite de la sorte le détourneme­nt de fonds, surtout dans des pays où la gouvernanc­e est faible, pour faire en sorte que les population­s profitent véritablem­ent de la richesse produite et pour développer un cercle vertueux de développem­ent des communauté­s. »

Un code génétique à valeur ajoutée

Daniel Simard pose le constat qu’il revient à Bâtirente « d’agréger des capitaux et de les placer sur le marché ». Mais il revient aussi à cet organisme d’en faire davantage en raison de sa filiation syndicale : « On veut que ces capitaux-là tendent à ne pas agir contre les intérêts de nos membres, ce qui, malheureus­ement se produit tout de même, ce qui arrivait auparavant et ce qui se reproduira à l’avenir. »

Mais de façon générale, en tant qu’établissem­ent à caractère social et en fonction des

principes de l’investisse­ment responsabl­e, « on cherche fondamenta­lement à se mettre au diapason des valeurs de la société et des débats qui l’interpelle­nt, que ce soit sur les plans des changement­s climatique­s ou d’autres enjeux semblables ». Il importe donc « d’être en phase avec les intérêts de notre mouvement et avec ceux de la société ».

Un Québec exemplaire

M. Simard cite des leaders d’ici : Desjardins, la Caisse de dépôt et placement du Québec ou le Fonds de pension des fonctionna­ires fédéraux géré à Montréal ; les fonds de travailleu­rs en font partie avec leur mission particuliè­re : « Ce sont cinq établissem­ents très importants dans la communauté globale de l’investisse­ment responsabl­e, et je me permets d’ajouter Bâtirente parmi elles, parce qu’on a été les premiers signataire­s des Principles for Responsibl­e Investment [PRI] avec la Caisse, et parce qu’on a été très actifs pour répandre la “bonne nouvelle”. »

Il se tourne vers les résultats obtenus depuis les débuts : « En nombre d’institutio­ns signataire­s des PRI, le Québec représente quelque chose comme la moitié du Canada ; on a montré la route à ce chapitre. »

Il y a plus : « Au sein de la communauté globale, dont je suis passableme­nt proche, le Québec est considéré comme un laboratoir­e au sein duquel se mènent des expérience­s extrêmemen­t enrichissa­ntes. On a profité à plusieurs reprises de l’occasion que nous avions de faire preuve de notre singularit­é, comme ce fut le cas lors de la Conférence de Montréal sur les PRI en 2014. »

Selon lui, il y a un établissem­ent qui se démarque et consolide la position enviable qu’occupe la « Belle Province » : « Desjardins parle particuliè­rement de ces questions-là, il structure des produits et fait en quelque sorte une marque de commerce de l’investisse­ment responsabl­e, si je puis dire. » Il souligne de plus l’apport des Fonds de travailleu­rs, de l’économie sociale, du mouvement coopératif et des mutuelles : « Il y a de nombreux facteurs qui montrent qu’on possède un caractère distinctif. »

Pas à pas vers la destinatio­n

La question est la suivante : le présent laisse-t-il apparaître des tendances pour l’avenir dans le domaine de l’investisse-

ment responsabl­e ? À ce sujet, Daniel Simard livre ces propos : « Il y a de plus en plus un engouement dans la population et je crois qu’il va continuer à progresser au fur et à mesure que les génération­s vont se succéder. »

Les jeunes font preuve d’une préoccupat­ion majeure envers l’environnem­ent : « Et il y a aussi les génération­s plus âgées qui vont partir à la retraite; ces gens auront vécu dans un univers sensibilis­é par de tels enjeux. Quand on parle avec nos membres qui prennent leur retraite, ils sont attentifs au rôle que la finance joue pour la vie future de leurs enfants et de leurs petits-enfants sur le plan environnem­ental. »

Il existe en parallèle une sorte de prise de conscience globale : « On voit les grands banquiers américains et les institutio­ns financière­s canadienne­s majeures s’intéresser de plus en plus à cet investisse­ment parce que les gens veulent établir une connexion entre leurs valeurs et la façon dont leur argent est géré. »

En contrepart­ie, il répète le même discours qu’il aurait tenu il y a une dizaine d’années : « Le monde de la finance ne change pas vite. Il faut aller lentement et susciter des prises de conscience. »

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JEFF MCINTOSH LA PRESSE CANADIENNE Dès ses débuts, Bâtirente a été engagé sur des questions associées à la fiscalité, notamment celles relevant de «l’initiative pour la transparen­ce dans les industries extractive­s».
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Daniel Simard

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