La difficile défense du budget américain de la Défense
Rendre sa grandeur à l’Amérique, un décret à la fois. Depuis son entrée en fonction, les ordres exécutifs signés par Donald Trump témoignent d’une ferme intention de concrétiser des projets, tel le fameux mur, que beaucoup considéraient comme de belles promesses de campagne. L’un de ces engagements, toutefois, sera particulièrement difficile à mettre en oeuvre: l’expansion du budget de la Défense.
À l’automne dernier, Donald Trump a en effet proposé un plan de défense nationale ambitieux: doter les forces armées américaines de 50 000 hommes supplémentaires, de 74 nouveaux navires et de 87 nouveaux avions (après avoir, quelques mois plus tôt, prôné des coupes en la matière). Reste maintenant la partie la plus difficile: trouver les fonds pour ce faire (estimés à 80 milliards de dollars) et convaincre le Congrès d’adopter un tel budget. Une tâche qui s’annonce comme un véritable casse-tête.
Un Sénat très fragmenté
En effet, depuis 2013 et l’entrée en vigueur du Budget Control Act, les dépenses en matière de défense sont soumises (comme nombre d’autres programmes gouvernementaux) à un plafond particulièrement strict. Revenir sur ce «séquestre» nécessiterait de modifier la loi. Modifier la loi nécessiterait de disposer de 60 voix au Sénat. C’est ici que les difficultés commencent pour le gouvernement Trump.
En premier lieu, le Parti républicain ne dispose à ce jour que de 52 sièges à la Chambre haute du Capitole. Obtenir la majorité nécessaire exigera donc de convaincre au moins huit sénateurs démocrates (ou indépendants) de leur emboîter le pas. Un geste que certains d’entre eux ont d’ores et déjà conditionné à une levée des plafonds budgétaires dans des domaines non militaires.
Compromis envisageable? La problématique se corse encore: parmi les républicains du Sénat figurent nombre de conservateurs fiscaux qui, s’ils témoignent déjà d’une certaine frilosité à l’égard d’un gonflement des dépenses militaires, sont encore bien moins disposés à lever d’autres « séquestres ». Les « faucons » du Sénat, comme John McCain ou Lindsey Graham, vont donc avoir fort à faire pour élaborer un compromis susceptible de rassembler 60 législateurs.
Chef du budget controversé
Le climat n’est guère différent du côté de la Chambre des représentants, qui devra aussi approuver l’élimination des plafonds: les républicains du «House Freedom Caucus», véritables sentinelles antidéficit, toisent d’un oeil suspicieux Donald Trump. Ses ambitions de vastes allégements fiscaux, de maintien de la sécurité sociale et en parallèle de gonflement du budget de la Défense sont visiblement plus qu’ils ne peuvent en tolérer.
La liste des obstacles ne s’arrête pas là, le gouvernement Trump étant lui-même divisé sur le budget de la Défense. C’est en effet un ancien membre du Freedom Caucus, le représentant de Caroline du Sud Mick Mulvaney, qui vient d’être confirmé à la direction du Bureau de gestion du budget de la Maison-Blanche. Un poste où celui-ci risque de perpétuer sa longue tradition de conservatisme fiscal.
Ayant régulièrement voté pour la réduction du budget de la Défense par le passé, il est désormais soupçonné par les faucons du Congrès de vouloir barrer la route à une augmentation dudit budget. Des suspicions qui lui ont d’ailleurs valu de passer un sale quart d’heure durant son audition au Sénat. Reste à voir si Mick Mulvaney donnera préséance à ses allégeances idéologiques ou aux souhaits de Donald Trump.
Recourir à la cuisine budgétaire?
Le casse-tête n’en persiste pas moins: comment faire accepter 80 milliards de dépenses supplémentaires à un Congrès verrouillé par des conservateurs fiscaux et des démocrates méfiants? Pour les adeptes du gonflement, la réponse pourrait résider dans une habile cuisine budgétaire: couper dans la bureaucratie pour réinvestir dans les troupes.
Une étude du Defense Business Board datant de 2015, et qui a ressurgi à la fin de 2016, laisse en effet entendre que le Pentagone pourrait économiser jusqu’à 125 milliards de dollars en réorganisant et en optimisant sa gestion (administrative, essentiellement). Un calcul qui fait saliver les leaders faucons du Capitole, John McCain et Mac Thornberry.
Le tour de force, même s’il s’avère réalisable, ne se fera toutefois pas d’un claquement de doigts: c’est au mieux sur cinq ans que pourraient être réalisées les économies en question. Les détracteurs du projet soulignent également que celui-ci ne s’opérerait pas sans quelques douleurs pour les différents services du département de la Défense.
Le plan, toutefois, pourrait trouver un écho favorable auprès de Donald Trump: les recommandations avancées par le Defense Business Board consistent en effet à transposer au Pentagone des méthodes de gestion et des cibles d’efficience similaires à celles prévalant dans le secteur privé. Une recette qui pourrait plaire à celui qui a présenté ses talents de grand patron comme un atout pour diriger les États-Unis.