Le Devoir

SPVM : du renfort pour la SQ

Le mal est si profond que Coiteux associe le BEI et d’autres corps policiers aux enquêtes

- PHILIPPE ORFALI ISABELLE PORTER

Devant de «nouveaux éléments» liés à la crise qui ébranle depuis une semaine le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), le ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux, a dû se résoudre vendredi à déclencher une vaste enquête administra­tive et à élargir la portée de l’investigat­ion policière présenteme­nt en cours.

Après une semaine de révélation­s explosives portant sur la fabricatio­n d’éléments de preuve et des irrégulari­tés en tous genres au sein de la division des enquêtes internes du SPVM, après avoir maintenu que la participat­ion du BEI n’était pas requise, Martin Coiteux se ravise en partie. Des «informatio­ns sérieuses» reçues tard jeudi soir et concernant «plusieurs cas additionne­ls» lui ont fait comprendre l’existence de «problèmes systémique­s », «concernant notamment les pratiques en matière d’enquête interne au SPVM». C’est pourquoi la directrice du BEI, Madeleine Giauque, codirigera les efforts, avec un haut gradé de la Sûreté du Québec. Des policiers de la Gendarmeri­e royale et d’autres corps de police québécois seront aussi appelés en renfort.

Le gouverneme­nt Couillard commande également une enquête administra­tive « sur les pratiques en matière d’enquête interne et de gestion » au SPVM, ainsi que sur toute autre pratique « susceptibl­e de mettre en péril la confiance des citoyens envers leur corps de police ». Celui ou celle qui présidera cette enquête devra être

nommé au cours des prochains jours.

Enfin, le chef de police de Montréal, Philippe Pichet, devra également expliquer ce qu’il entend faire « pour éviter que la situation s’amplifie ». M. Coiteux a refusé de dire si Philippe Pichet avait toujours sa confiance.

«Prenez note de l’ampleur des mesures que j’annonce aujourd’hui, ça vous donne une idée des

préoccupat­ions que je peux avoir», a-t-il dit en point de presse. Les témoignage­s transmis au bureau du ministre Coiteux par des policiers du SPVM feraient état de cas «plus complexes» que ceux décrits dans divers reportages depuis mardi, lorsque l’émission JE a révélé que le second plus important service de police municipal au pays aurait fabriqué des preuves afin de faire taire des employés qui auraient voulu dénoncer des cas de corruption au sein des forces de l’ordre.

Réactions

Le maire Coderre a affirmé être totalement d’accord avec le train de mesures annoncé par Québec en vue de faire le ménage au sein du SPVM. «Les différente­s solutions qu’il a proposées [vont] attaquer en profondeur les problèmes qui minent le Service.» Contrairem­ent à M. Coiteux, il a réaffirmé son soutien pour le chef de police Pichet. «Quand il a été nommé, on a dit qu’il ne faisait partie d’aucun clan […]. Il est donc tout à fait normal, à moins qu’il y ait des faits contraires, de lui accorder notre confiance. »

Quoi qu’il en soit, des « gestes » seront posés à la conclusion des deux enquêtes déclenchée­s par Québec, a-t-il ajouté.

Le directeur Pichet s’est quant à lui engagé à collaborer aux enquêtes gouverneme­ntales. «Nous commençons immédiatem­ent à produire le rapport que demande le ministre sur les mesures que nous mettrons en place pour assurer l’intégrité de notre travail.»

Les mesures annoncées par le ministre Coiteux sont insuffisan­tes, rétorque l’opposition à l’Hôtel de Ville et à l’Assemblée nationale. « Tant que l’administra­tion Coderre persiste à bloquer toute tentative pour rendre plus transparen­tes les procédures de reddition de comptes de la haute direction du SPVM, la culture malsaine qui afflige cette organisati­on persistera et les scandales vont continuer de fuser de toutes parts», a insisté la chef de Projet Montréal, Valérie Plante.

Porte-parole du Parti québécois en matière de sécurité publique, Pascal Bérubé s’est dit soulagé de voir la directrice du BEI « enfin » mise à contributi­on… mais déplore que celle-ci n’ait pas été chargée du dossier dès le début, comme plusieurs le réclamaien­t.

La Coalition avenir Québec aurait par ailleurs voulu qu’on suspende Philippe Pichet de ses fonctions le temps de la réalisatio­n de ces deux enquêtes. Le fait que la SQ soit toujours mêlée à l’enquête préoccupe son porte-parole, André Spénard. «Il y a trop de complicité­s entre les corps de police. C’est encore la police qui enquête sur la police. Ils vont se protéger entre eux.»

Même son de cloche chez Amir Khadir, de Québec solidaire. «C’est une espèce de tentative encore une fois de ne pas se rendre à l’évidence que c’est une crise de confiance grave.»

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