Le Devoir

Rien ne sert de nier le populisme. Il faut prendre la pleine mesure du sentiment populaire, prévient Preston Manning.

Preston Manning suggère aux têtes dirigeante­s de se mettre au diapason des citoyens pour éviter les dérives possibles

- MARIE VASTEL Correspond­ante parlementa­ire à Ottawa

Toute province qui voudra imposer une taxe carbone […] la verra simplement retirée de ses paiements de transferts Kevin O’Leary

Chaque immigrant, réfugié et visiteur qui vient au Canada devrait subir une entrevue face à face Kellie Leitch

Pourquoi ne peut-on pas avoir de libre marché sous la gestion de l’offre? Abolissez-la simplement et on aura plus de liberté. Maxime Bernier

En pleine introspect­ion, alors qu’ils en sont à choisir le prochain chef et l’orientatio­n de leur parti pour les prochaines années, les conser vateurs tentent de composer avec la montée du populisme au pays, qui inquiète certains candidats à la chefferie. L’éminence grise de leur parti, Preston Manning, est venue les prévenir que la pire chose à faire serait d’ignorer ce que ressent une partie grandissan­te de la population. Un message lancé devant quelques casquettes «Make America Great Again ».

Le spectre du mouvement populiste qui a propulsé Donald Trump à la Maison-Blanche l’automne dernier planait toute la journée sur la conférence Manning, réunissant des conservate­urs à Ottawa vendredi. Les organisate­urs avaient même prévu un atelier appelé «Un moment Trump au Canada? Le Trumpisme peut-il être exporté au Canada? Ou estil déjà arrivé?».

De l’avis du père du Parti réformiste, Preston Manning, le risque est bien réel. «Le plus grand défi sera de renouer avec les citoyens et les électeurs qui se sentent de plus en plus aliénés et désabusés face aux gouverneme­nts, aux experts, aux médias de masse et aux partis politiques y compris le nôtre», a lancé l’ancien chef réformiste, en ouverture de la conférence qui porte son nom. «C’est ce qui est à la base des forces populistes en Europe, c’est ce qui est la source du phénomène Brexit en Grande-Bretagne, c’est ce qui est à la base du phénomène Trump aux États-Unis. Et c’est en montée dans ce pays, malgré le déni de l’establishm­ent libéral et de la plupart de nos analystes politiques.» La preuve, selon Preston Manning: le baromètre de confiance annuel de la firme Edelman, qui rapportait il y a dix jours que l’indice de confiance des Canadiens envers les gouverneme­nts a chuté de 10 points en un an, de 53 % en 2016 à 43 % en 2017. Quelques minutes plus tôt, un participan­t lançait une accusation de «fake news» en apercevant la table des médias.

«Ce qu’il faut de la part des dirigeants, ce n’est pas de nier ou de dénoncer l’existence du populisme […]. Mais d’agir pour faire quelque chose » en puisant dans ce sentiment politique pour le transforme­r en mouvement positif, a insisté M. Manning. Comme la création de son Parti réformiste, dans les années 1980, qui a su reconnaîtr­e le sentiment

Il n’y a rien qui m’enrage plus que lorsque je vois des gens s’enchaîner aux arbres […] et manifester contre les projets d’oléoducs Andrew Scheer Si [les Américains] veulent s’en prendre à nos fermiers, pourquoi est-ce que tu les leur offre s sur un plateau d’argent ? Lisa Raitt à Maxime Bernier

d’aliénation de l’Ouest canadien. « Si rien n’avait été fait, il aurait pu se convertir carrément en mouvement séparatist­e de l’Ouest avec encore plus de conséquenc­es économique­s néfastes qu’une séparation du Québec», a-t-il fait valoir.

Dérives à la chefferie?

Les avis sont partagés, parmi les candidats qui briguent la chefferie du parti et qui croisaient le fer vendredi. Le doyen Deepak Obhrai s’inquiète de voir les conservate­urs tomber dans un piège que leur tendent les libéraux ces temps-ci à son avis afin de les dépeindre comme des « racistes ».

« J’ai eu peur pendant toute la campagne américaine et pendant notre course, que les gens aient tendance à importer le genre de discours d’extrémisme, le discours polarisant qu’on a vu en Europe pendant le débat sur le Brexit et la course du président Trump. Il faut faire attention», a argué à son tour Chris Alexander en citant, «disons-le ouvertemen­t, Kellie Leitch». M. Alexander a lui-même participé à deux rassemblem­ents où l’on entendait des « Lock her up ! ».

Kellie Leitch ne s’est pas présentée devant les médias après le débat. Lisa Raitt, Steven Blaney et Pierre Lemieux non plus.

D’autres ont voulu se montrer plus conciliant­s. Les conservate­urs ne doivent pas avoir peur de débattre des enjeux qui préoccupen­t les Canadiens d’un bout à l’autre du pays, a fait valoir Erin O’Toole. Il faut être responsabl­e, a renchéri Andrew Scheer, en notant qu’il « rejette l’idée qu’on ait un groupe de grands philosophe­s à Ottawa qui disent à un grand groupe de Canadiens de ne pas se préoccuper de certaines choses».

L’image du Parti conservate­ur souffrira-t-elle de certaines positions ou sorties publiques de la course à la chefferie? Les aspirants chefs ont tour à tour rejeté cette crainte. «Il y a des débats d’idée qui se font et c’est tout à fait normal dans une course au leadership. Il y a des gens qui ont des points de vue différents. Et je pense que c’est sain pour le parti»,a fait valoir Maxime Bernier.

Les mises en candidatur­e de la course à la chefferie du Parti conservate­ur sont maintenant terminées. Les 14 aspirants chefs débattront à nouveau à Edmonton mardi prochain. Les membres du parti choisiront leur chef le 27 mai.

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JUSTIN TANG LA PRESSE CANADIENNE Le fondateur du Reform Party, Preston Manning, fait une analogie entre la montée actuelle du populisme et le sentiment d’aliénation qu’éprouvaien­t les citoyens de l’Ouest quand il a créé son parti. Le Canada a peut-être évité sa dislocatio­n avec la...

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