Le Devoir

Automobile: l’industrie française se fait conquérant­e

- TANGI QUEMENER à Paris

Le secteur automobile français a tourné la page de la crise qui avait failli l’abattre et se sent désormais d’humeur conquérant­e, comme l’illustre l’intérêt de PSA pour Opel, même si de nombreux défis l’attendent encore.

Expansion géographiq­ue, participat­ions dans de jeunes pousses technologi­ques et même volonté d’acquisitio­n d’une tranche de l’industrie allemande: l’automobile française semble avoir changé de dimension ces derniers mois.

Quel contraste par rapport au début de la décennie, marqué par la crise avec son cortège de suppressio­ns de postes, de fermetures d’usines, de délocalisa­tions et de menace d’effondreme­nt d’une filière qui a perdu plus de 70 000 emplois en huit ans.

L’industrie automobile française a traversé des «chocs terribles», résume Flavien Neuvy, responsabl­e de l’observatoi­re Cetelem de l’automobile.

«Aujourd’hui, on se retrouve dans une configurat­ion assez étonnante, non seulement le plus dur est passé, mais on a des constructe­urs français plutôt en position de conquête qu’en situation défensive », explique-t-il à l’AFP.

Renault, devenu le premier constructe­ur français et le deuxième européen derrière Volkswagen, a publié un bénéfice « record » pour 2016, à 3,54 milliards d’euros (5 milliards $CAN), sur un chiffre d’affaires de 51,2 milliards (+13,1 %).

Fort des synergies avec le japonais Nissan, le groupe vise désormais 70 milliards d’euros de ventes et une rentabilit­é opérationn­elle de 7% à l’horizon 2022, a indiqué son p.-d.g. Carlos Ghosn, disant aborder l’avenir «avec confiance».

La place de numéro 1 mondial semble même à la portée de l’alliance Renault-Nissan, élargie à Mitsubishi, qui tutoie les 10 millions d’unités.

Mais c’est le groupe français PSA (Peugeot, Citroën et DS) qui a accaparé les gros titres en convoitant, à la surprise générale, la division européenne de General Motors.

Même si Opel est l’homme malade de l’industrie automobile allemande, le symbole s’avère fort alors que la France avait plutôt l’habitude de voir des groupes étrangers s’emparer de ses fleurons.

Champion

Le patron de PSA, Carlos Tavares, a dit vouloir constituer un «champion européen» et évoqué un potentiel cumulé de cinq millions d’unités vendues d’ici cinq ans. Il y a trois ans, son entreprise n’avait évité la faillite que grâce à l’entrée au capital de l’État français et du chinois Dongfeng.

Le groupe, qui a vendu 3,15 millions de véhicules en 2016 et dégagé un bénéfice net de 2,15 milliards d’euros (+79%) avec une marge de 6%, enchaîne les annonces d’investisse­ments industriel­s à l’étranger : Iran, Maroc, Nigeria, Éthiopie, Inde, Kenya, Vietnam et peutêtre Malaisie, où il a répondu à l’appel d’offres de Proton.

La forme actuelle des constructe­urs doit beaucoup à la nette reprise du marché européen, mais aussi à des restructur­ations, dont la plus emblématiq­ue a été la fermeture de l’usine PSA d’Aulnay-sousBois, près de Paris, en 2014.

D’autres usines ont perdu une ou deux lignes de montage, le maître mot étant la réduction des coûts dont les accords de compétitiv­ité avec des syndicats ont constitué un levier.

Du coup, Renault affiche un taux d’utilisatio­n de ses usines de 100 %. Et le «point mort» de PSA, le nombre de voitures nécessaire­s pour rentabilis­er les coûts fixes, est tombé à moins de 1,6 million, contre 2,6 il y a trois ans.

Mais M. Tavares a prévenu jeudi que «nous n’y sommes pas encore, nous avons encore beaucoup de travail », alors que l’industrie doit négocier un resserreme­nt des normes de pollution, la chute des ventes du diesel et le virage de l’automobile connectée puis autonome, défis qui ont déjà gonflé ses budgets de recherche et développem­ent en 2016.

Point noir dans l’immédiat, la Chine, premier marché mondial toujours en forte croissance mais où les ventes de PSA ont chuté de 16% en 2016, à 618 000 unités. C’est encore 18 fois plus que Renault, arrivé sur le tard dans l’ex-empire du Milieu.

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ÉRIC PIERMONT AGENCE FRANCE-PRESSE Un travailleu­r de Renault à l’usine de Flins-sur-Seine, en France

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