Le Devoir

Alejandra Ribera, une île de clarté à Montréal en lumière

Avec le disque This Island, la Montréalai­se nomade a trouvé sa voie

- YVES BERNARD Collaborat­eur Le Devoir

Son disque La Boca avait fait découvrir l’artiste puissante et théâtrale qui venait de s’installer à Montréal. Voici maintenant This Island, une création empreinte de lumière, plus dénudée et interprété­e presque exclusivem­ent en anglais. On y perçoit davantage la vulnérabil­ité et l’état d’esprit de cet être instinctif qui explore l’univers sur des territoire­s allant de l’intimité à l’infini. D’où la présence de beaucoup d’espace dans la musique qu’Alejandra Ribera offrira mardi au Club Soda, et dans quelques autres lieux québécois jusqu’au 10 mars.

À cause peut-être de sa triple culture anglo, latino et franco ou de ses participat­ions aux spectacles Danse Lhasa Danse et La route chante, on la croyait partie sur les traces de Lhasa de Sela. La question n’est plus, tellement This Island fait entendre une artiste qui a trouvé sa voie propre. Pendant la période de La Boca, elle a vécu trois ans à Montréal, avant de s’installer à Paris pendant deux ans et de revenir ici le mois dernier. Elle partage maintenant son temps entre notre île et Londres.

Mais cette île du nouveau disque, quelle est-elle ? Pourquoi le titre This Island ? «C’est drôle parce que je viens de retrouver un poème de Neruda qui traite du même sujet, qui est la solitude, répond-elle dans un français très convenable. Quand j’ai déménagé ici, je pouvais passer 45 minutes sans rien comprendre et je ressentais un grand isolement. J’avais l’impression d’être une île et de regarder les bateaux qui passaient. Mais les bateaux n’étaient pas du tout conscients que j’étais là. Quand je suis arrivée à Paris, j’ai ressenti la même chose. »

La Ville lumière lui a inspiré I Am Orlando, la seule pièce qui rappelle Lhasa, ne serait-ce que par la profondeur engageante de la voix. Elle chante : «I am Orlando. You are the world. I dive deeper. When I emerge. Heavy with light, salt and sweat. Awaking from another death.» La pièce fut écrite avant les événements d’Orlando et inspirée aussi bien par le roman de Virginia Woolf que par l’attentat contre Charlie Hebdo, Alejandra s’étant installée dans le XIe arrondisse­ment trois semaines avant. Ici encore, elle ne pouvait partager ses sentiments à cause de la langue.

Sur son île isolée, elle a cherché le dénuement. Lors de la tournée de La Boca, elle avait découvert son amour pour le travail en petit groupe de trois ou quatre, se sentant vulnérable devant le public sans pouvoir se cacher derrière un mur de son. Le nouveau disque, qui fut enregistré dans un studio dans le bois avec sa véritable famille musicale, témoigne de cette intention.

«Quand j’ai déménagé ici, je pouvais passer 45 minutes sans rien comprendre et je ressentais un grand isolement»

On y redécouvre le guitariste Jean-Sébastien Williams, le bassiste-pianiste Cédric Dind-Lavoie et aussi le trompettis­te Bryden Baird, qui a signé l’arrangemen­t des cordes. Alejandra parle de sa relation avec eux: «J’ai décidé de faire l’album sans réalisateu­r et de leur donner toute ma confiance. C’était un peu comme faire l’album avec un comité. Ils se sont vraiment investis dans la musique. »

This Island est l’album de la vastitude dans le dénuement, du chant de la confidence, de la gravité intime, des vocalises et des montées doucement hypnotique­s, avec quelques passages plus rythmés. L’artiste respire, attend le rêve sans fin, mire les planètes dans leur immensité, se sent plonger dans le précipice de quelque chose de beaucoup plus haut. Et elle vise toujours la lumière: «En vieillissa­nt, j’ai une perspectiv­e plus légère de la vie et c’était important pour moi de souligner la joie et l’espoir dans chacune des pièces. » En ces temps troubles, This Island est une île apaisante. Au Club Soda, le 28 février à 20 h. À la salle Alec et Gérald Pelletier à Sutton le 4 mars. Au Marine Cabaret de Sorel-Tracy, le 9 mars. À l’Ange Vagabond de SaintAdolp­he-d’Howard, le 10 mars.

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ANNIK MH DE CARUFEL LE DEVOIR Alejandra Ribera a découvert son amour pour le travail en petit groupe de trois ou quatre lors de la tournée de La Boca.

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