Le temps pourrait jouer contre Trump
Il y a un an, tous les espoirs étaient permis à la suite de l’entente historique survenue à Paris, à l’occasion de la célèbre COP21, alors que l’ensemble des pays s’étaient engagés à limiter le réchauffement de la planète à 1,5 °C d’ici 2100.
Mais voilà que, comme la météo, le climat peut changer du tout au tout en moins d’un an. De sombres nuages nous proviennent en effet des États-Unis avec l’arrivée au pouvoir des républicains climato-sceptiques et de l’imprévisible Donald Trump.
«J’éprouve moins d’enthousiasme cette année que l’an passé, admet Damon Matthews, spécialiste des changements climatiques. Je suis renversé par tout ce qui se passe aux États-Unis, mais, en même temps, il ne faut pas désespérer puisqu’on a de bonnes raisons d’espérer. »
Damon Matthews est l’un des spécialistes de réputation mondiale qui étudient l’impact des émissions de CO2 sur le réchauffement de la planète. Il enseigne au Département de géographie, d’urbanisme et d’environnement de l’Université Concordia.
De vraies raisons d’espérer
Sa première raison d’espérer est que ni les républicains ni Donald Trump ne peuvent tout bonnement retirer les États-Unis de l’Accord de Paris. «Pour ce faire, dit-il, les signataires doivent attendre trois ans. Ensuite, le processus de désengagement prend une bonne année.» Le temps pourrait donc manquer au gouvernement Trump.
En outre, la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre relève souvent de chacun des États américains, la Californie étant par exemple un chef de file en la matière. Qui plus est, les entreprises américaines participent déjà activement au développement de technologies vertes. « Les Américains ne voudront pas prendre trop de retard par rapport au reste du monde», prédit Damon Matthews.
Bien sûr, on peut craindre que les républicains ne cherchent pas à encourager la diminution des émissions de GES, ajoute-t-il, «mais accumuler un certain retard durant quatre ans ne devrait pas avoir trop de conséquences», estime le spécialiste.
Il y a par contre le risque que le désengagement de Washington envers la lutte contre les changements climatiques amène d’autres gouvernements à faire de même.
«La question que l’on doit se poser est donc : le reste du monde sera-t-il découragé par les positions de Trump ou, au contraire, incité à en faire davantage par opposition, justement, aux Américains?» expose le chercheur. En quelque sorte, on pourrait vouloir tirer avantage du piétinement américain pour prendre le leadership planétaire en matière de développement durable.
Ce pourrait d’ailleurs être la chance du Canada et du Québec.
Bilan canadien moyen
Si Damon Matthews préfère les positions du présent gouvernement canadien à celles du précédent, il considère néanmoins comme moyen le bilan de Justin Trudeau. Il apprécie ainsi l’imposition d’une taxe sur le carbone tout en déplorant l’autorisation accordée par M. Trudeau pour la construction de nouveaux oléoducs.
«Lorsqu’on cherche à réduire nos émissions de CO2, on ne peut pas favoriser en même temps l’exploitation des sables bitumineux en plus d’autoriser des infrastructures de transport pétrolier, dit-il. Ça n’a aucun sens ! »
Damon Matthews estime au contraire qu’on doit favoriser la construction d’infrastructures servant à la production d’énergie renouvelable et à son transport. En particulier, le gouvernement devrait aider à la mise en place de réseaux de transport de l’électricité d’un bout à l’autre du pays «afin que les régions qui génèrent des surplus d’électricité puissent l’acheminer vers celles qui en ont besoin », précise-t-il.
De même, on doit favoriser les infrastructures de transport en commun plutôt que de nouvelles autoroutes. De ce fait, le projet de train électrique de la Caisse de dépôt
est, de l’avis du spécialiste, une excellente idée.
Vers les énergies vertes
Pour Damon Matthews, il devient de plus en plus essentiel que toutes nos décisions prennent en compte la lutte contre les changements climatiques, ce qui n’est généralement pas le cas. Ainsi, sur une base individuelle, il est souvent difficile de tenir compte de ce facteur dans nos choix puisque cela nous coûte souvent plus cher.
«Les gouvernements devraient par conséquent instaurer des politiques qui appuient le développement durable», suggère M. Matthews, par exemple en facilitant l’achat de produits et de services qui favorisent la diminution de nos émissions de GES. Et en toute logique, ajoute-t-il, nos gouvernements devraient cesser de subventionner l’industrie pétrolière pour plutôt soutenir les énergies vertes et les solutions durables.
Importants progrès déjà réalisés
Il nous faut aussi mettre fin à tout doute, quel qu’il soit, concernant l’existence des changements climatiques, tranche le chercheur. « Ceux-ci sont incontestables, dit-il, et c’est une perte de temps que de chercher à les mettre en doute. »
De même, il est absurde et néfaste de se dire qu’il n’y a rien à faire, qu’il est trop tard et que, de toute façon, jamais nous ne parviendrons à endiguer les changements climatiques. «C’est une autre façon de les nier, fait-il remarquer, que de se dire que, puisqu’on ne peut rien y faire, autant ne pas s’en préoccuper.»
Au contraire, poursuit Damon Matthews, non seulement on peut agir, mais nous avons fait déjà d’importants progrès. Ainsi, rapporte-t-il, ces trois dernières années, nous sommes parvenus à stabiliser nos émissions de CO à l’échelle de la planète.
C’est là un progrès extrêmement surprenant, souligne-t-il. «Il y a cinq ans, aucun scientifique n’aurait osé imaginer qu’on parviendrait aussi rapidement à stabiliser nos émissions de CO2. On imaginait plutôt qu’il nous faudrait une bonne décennie pour y parvenir. Mais voilà que nous y sommes déjà en quelques années seulement. C’est remarquable!»
«Cela démontre qu’on évalue encore très mal nos capacités à agir, renchérit-il. Il est donc utile, très utile même, que nous fassions tous des efforts, et non pas que nous nous demandions si ça vaut la peine ou si on parviendra à un résultat. Car la réponse est oui… si nous nous y mettons tous.»