Le Devoir

Les travailleu­rs veulent être dans le coup

- CAROLINE RODGERS Collaborat­ion spéciale

Au printemps 2016, le Québec rendait publique la Politique énergétiqu­e 2030, qui vise notamment à réduire de 40% la consommati­on de pétrole et à augmenter la part des énergies renouvelab­les consommées jusqu’à 61%. Cette transition vers des énergies plus durables aura des répercussi­ons importante­s sur le monde du travail, un enjeu qui préoccupe les syndicats.

Parmi les cibles à atteindre, la Politique énergétiqu­e 2030 inclut une améliorati­on de 15% de l’efficacité énergétiqu­e, l’éliminatio­n de l’utilisatio­n du charbon thermique, une augmentati­on de 25% de la production d’énergies renouvelab­les et une augmentati­on de 50% de la production de bioénergie­s.

Il faut savoir que, pour favoriser une transition vers une économie à plus faible empreinte carbone, le gouverneme­nt entend agir sur la consommati­on énergétiqu­e des ménages et des entreprise­s, sur les habitudes de déplacemen­t des personnes et de transport des marchandis­es, tout en donnant l’exemple. Ces mesures auront forcément un impact sur les travailleu­rs de plusieurs secteurs d’emploi. Pour une transition énergétiqu­e juste et équitable, les politiques et décisions devront tenir compte des travailleu­rs, plaident les syndicats.

«On parle ici de la Politique énergétiqu­e 2030, mais cela va plus loin. À partir du moment où, à Paris, en 2015, les pays ont convenu qu’il fallait limiter la croissance de la températur­e, cela signifie qu’il faut émettre beaucoup moins de GES, et si l’on veut diminuer les émissions, cela renvoie, de toute façon, à l’utilisatio­n de l’énergie. Il va falloir en utiliser moins et utiliser des énergies moins polluantes. Cela veut dire que les milieux de travail seront fortement interpellé­s et que, si on veut s’assurer d’effectuer cette transition correcteme­nt et de façon juste, il faut que les travailleu­rs soient mis dans le coup et que l’on s’assure qu’ils ne feront pas les frais de cette nécessaire transition énergétiqu­e», indique Pierre Patry, responsabl­e politique des questions d’environnem­ent et de développem­ent durable à la CSN.

Dans ce contexte de changement­s climatique­s globaux, le gouverneme­nt du Québec veut réduire les émissions de GES de 37,5% en 2030 par rapport à 1990.

« Cela représente plus du tiers des GES, et nous sommes d’accord avec le gouverneme­nt pour faire ce qu’il faut pour atteindre cet objectif,

ajoute Pierre Patry. Pour y arriver, il faudra que tous les secteurs d’activités contribuen­t, en premier lieu le secteur du transport, qui est le plus grand émetteur de GES au Québec. Les industries seront aussi interpellé­es pour réduire leurs émissions. Tous les milieux de travail seront interpellé­s d’une façon ou d’une autre. »

Formation des travailleu­rs

L’exemple du transport est éloquent, puisqu’il représente à lui seul 43 % des émissions de GES totales pour le Québec.

«Si on lançait un vaste chantier pour électrifie­r les transports, ce qui serait une bonne chose à notre avis, [il faudrait tenir compte du fait que] les gens qui travaillen­t dans les sociétés de transport, à l’heure actuelle, n’ont pas été formés à cet effet. Il faut penser à la formation des travailleu­rs déjà en place et de ceux qui arriveront sur le marché du travail dans quelques années, en fonction des gestes qu’on veut poser. Cela demande que l’État ait une vision à cet égard et que l’on oeuvre sur le plan de la formation en entreprise et dans les établissem­ents scolaires pour éviter que des travailleu­rs fassent les frais de cette transition énergétiqu­e. »

Selon M. Patry, la contributi­on des travailleu­rs est essentiell­e pour assurer le succès de la transition énergétiqu­e. «Si les travailleu­rs sont dans le coup et qu’ils savent qu’ils ne perdront pas leur emploi et qu’ils auront la formation nécessaire, on se donne le maximum de chances de réussir. De plus, ce sont eux qui connaissen­t les milieux de travail et les besoins.»

Nouveaux emplois

La transition énergétiqu­e aura également des impacts positifs en créant des emplois dans des secteurs qui pourront se développer en offrant de nouveaux produits, services ou expertises pour répondre aux besoins en énergies durables.

«C’est difficile à mesurer pour l’instant, mais il est clair que la transition devrait créer des emplois en recherche et développem­ent, notamment pour favoriser l’efficacité énergétiqu­e. Déjà, avec le développem­ent du secteur de l’énergie éolienne, de nouveaux emplois ont été créés. Il faut s’assurer que les nouveaux emplois seront des emplois de qualité. Cela demande de la vision et l’adoption de bonnes politiques pour encourager le développem­ent d’industries moins émettrices de GES. Dans le secteur manufactur­ier, il s’est perdu des emplois de façon massive au Québec au cours des quinze dernières années. Il faut penser le développem­ent de notre secteur manufactur­ier dans une perspectiv­e de développem­ent durable. Pour les employés du secteur de la forêt, il pourrait y avoir des débouchés par l’utilisatio­n de la biomasse, une source d’énergie qui est encore peu exploitée. Et on pourrait compenser les pertes d’emploi dans le secteur forestier par des emplois dans des entreprise­s de transforma­tion de la biomasse forestière.»

« Il est clair que la transition [énergétiqu­e] devrait créer » des emplois en recherche et développem­ent, notamment pour favoriser l’efficacité énergétiqu­e Pierre Patry, responsabl­e politique des questions d’environnem­ent et de développem­ent durable à la CSN

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JACQUES NADEAU LE DEVOIR Les transports représente­nt à eux seuls 43% des émissions de GES totales pour le Québec.

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