Le Devoir

Les technologi­es numériques comme tremplin de la transition énergétiqu­e

- ETIENNE PLAMONDON EMOND Collaborat­ion spéciale

Les 21 et 22 mars prochains au Palais des congrès de Montréal, la Rencontre internatio­nale des municipali­tés efficaces tentera de cerner comment les villes peuvent accélérer la transition énergétiqu­e. Les technologi­es numériques sont perçues comme une solution à Rotterdam, qui présentera son modèle lors de cet événement.

Se servir des technologi­es numériques comme tremplin pour réaliser la transition énergétiqu­e: c’est ce qui se dégage de l’ambitieuse feuille de route vers la prochaine économie (Roadmap Next Economy) élaborée par la région métropolit­aine de Rotterdam-La Haye, aux Pays-Bas.

Ce colossal plan de plus de 500 pages, adopté il y a quelques semaines à peine, a été conçu en collaborat­ion avec l’équipe de consultant­s de Jeremy Rifkin, économiste américain derrière le concept de la troisième révolution industriel­le. Ce dernier invite les villes à combiner le potentiel des énergies renouvelab­les et des technologi­es numériques à travers une structure plus latérale, ou décentrali­sée, aujourd’hui à l’aide de l’Internet des objets, des capteurs et des réseaux électrique­s intelligen­ts, mais par la suite à travers un système où tout un chacun pourra devenir à la fois consommate­ur et producteur d’énergie, comme la Toile le permet déjà avec la consommati­on et la production de l’informatio­n. Outre Rotterdam et La Haye, sa vision a inspiré les plans des villes de Lille, en France, et de Luxembourg, dans le pays du même nom.

Pour Rotterdam, le virage énergétiqu­e s’attarde en grande partie aux activités portuaires et agricoles, à la fois très importante dans l’économie de la région et dans les émissions de gaz à effet de serre (GES) de celle-ci.

Le port de Rotterdam demeure en grande partie alimenté par les énergies fossiles, mais il poursuit l’objectif de réduire de 50% ses émissions de GES d’ici 2030. «À l’échelle dont on parle, si on veut se débarrasse­r du gaz, du pétrole et du charbon, on doit trouver des façons d’obtenir suffisamme­nt d’énergie au bon moment», souligne en entrevue téléphoniq­ue Hans Scheepmake­r, qui travaille à temps plein sur cette feuille de route dans l’équipe du directeur général de la Ville de Rotterdam. «Vous avez besoin de multiples sources d’énergie solaire, d’énergie éolienne, de géothermie et de biomasse. Une variété de sources d’énergie renouvelab­le doit être mise en place à travers un réseau qui permet un équilibre dans la livraison de l’énergie au bon moment à l’aide d’une technologi­e numérique qui s’assure que le besoin en approvisio­nnement soit comblé en tout temps. »

La tâche demeure colossale pour un port parmi les plus achalandés du monde. « Nous devons réaliser ce virage étape par étape, en démarrant, par exemple, plusieurs projets pilotes dans le port pour sortir rapidement de la pétrochimi­e et aller vers les biocarbura­nts en utilisant notamment des déchets ou des rejets à travers une économie circulaire. »

M. Scheepmake­r soulève que le principal objectif de la feuille de route consiste à établir une liaison entre diverses initiative­s isolées « pour créer un seul mouvement autour de l’économie circulaire, les énergies renouvelab­les et les technologi­es numériques intelligen­tes». À l’intérieur des deux ans durant lesquels la feuille de route a été élaborée, plus de 150 projets de différente­s tailles ont vu le jour dans la région avec la même perspectiv­e. «Le plus grand défi est de réunir dans un cadre toutes les parties prenantes, que ce soit les université­s, les grandes entreprise­s, les organisati­ons de la société civile, les jeunes entreprise­s et toutes les initiative­s qui émergent de la base, et les convaincre que travailler ensemble est une meilleure manière d’atteindre leurs buts et d’amener la région beaucoup plus rapidement dans une nouvelle économie. »

Le Québec n’est pas en reste

Selon Mathieu Gillet, vice-président au développem­ent de projet de l’Associatio­n québécoise de la maîtrise de l’énergie (AQME), derrière la Rencontre internatio­nale des municipali­tés efficaces, les villes du Québec ne sont pas en retard sur la question de la transition énergétiqu­e. Tout comme Rotterdam, Montréal a intégré le réseau internatio­nal 100 Resilient Cities. Il observe une prise de conscience du rôle que les gouverneme­nts locaux et les municipali­tés peuvent jouer dans le domaine des changement­s climatique­s.

En matière d’économie circulaire, les initiative­s se multiplien­t. Saint-Hyacinthe travaille à un projet de récupérati­on du biogaz généré par les résidus organiques des citoyens et des entreprise­s privées dans le but d’alimenter les véhicules et les bâtiments municipaux. À Saint-Félicien, le Parc agrothermi­que transmet la cha-

leur évacuée par le parc industriel à des serres agricoles avoisinant­es. À Montréal, la deuxième phase de développem­ent du Technopôle Angus prévoit une boucle énergétiqu­e permettant un échange de surplus de chaleurs entre les entreprise­s et les logements résidentie­ls du quartier.

«Certaines infrastruc­tures n’ont qu’une seule fonction, alors que par définition la ville est le territoire des réseaux. On devrait fonctionne­r sur les questions énergétiqu­es de la même façon, soit en réseau, de manière systématiq­ue, souligne M. Gillet. Quand on rapproche l’endroit de production du consommate­ur ou quand le consommate­ur d’énergie peut devenir lui-même producteur, on commence à avoir des infrastruc­tures beaucoup plus résiliente­s. S’il y a un pépin, on peut se reposer sur d’autres sources d’énergie. »

Dans le cas du Technopôle Angus, il souligne la pertinence de la mixité des usages sur le territoire. « Il n’y a rien de pire que d’avoir un seul profil de demande énergétiqu­e, affirme-t-il. Plus c’est diversifié, plus la demande est complexe et plus on peut y répondre avec des mesures décentrali­sées. » Il soulève, dans un cas comme celui-ci, l’intérêt de faire travailler les urbanistes et les ingénieurs en infrastruc­ture ensemble.

Sans nécessaire­ment se référer à la troisième révolution industriel­le telle que l’a articulée Jeremy Rifkin, M. Gillet se montre enthousias­te devant le potentiel des réseaux électrique­s intelligen­ts, qui permettron­t selon lui de « rejoindre l’offre et la demande de manière instantané­e grâce à des outils de communicat­ion bien développés ». L’AQME voit aussi dans les technologi­es numériques des outils pour réaliser des cartograph­ies énergétiqu­es, afin de voir où sont les pertes d’énergie dans les villes, mais aussi cibler les endroits qui pourraient s’en échanger.

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JERRY LAMPEN ANP AGENCE FRANCE-PRESSE Le port de Rotterdam demeure en grande partie alimenté par les énergies fossiles, mais il poursuit l’objectif de réduire de 50% ses émissions de GES d’ici 2030.

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