Le Devoir

Estime de soi

Être soi plutôt que parfait

- ALICE MARIETTE Collaborat­ion spéciale

Développer l’estime de soi est une étape importante du cheminemen­t vers l’âge adulte. Si l’entourage a un rôle à jouer, la psychoéduc­atrice Stéphanie Deslaurier­s pense que l’enfant doit cependant rester l’acteur principal.

«Un enfant doit se rendre compte qu’être imparfait, c’est loin d’être la fin du monde, lance Stéphanie Deslaurier­s, psychoéduc­atrice et auteure du livre Attention: estime de soi en constructi­on. Il doit réaliser que ce qu’on lui demande n’est pas d’être parfait, mais d’être lui-même et de s’apprécier dans son imperfecti­on.» Celle qui donnera la conférence intitulée «La discipline positive: en route vers une bonne estime de soi» lors du 42e congrès de l’Institut des troubles d’apprentiss­age insiste sur l’importance de l’estime personnell­e.

«L’estime de soi est l’évaluation que l’on va faire de soimême, explique-t-elle. Donc c’est très subjectif.» C’est l’écart entre le soi réel (la façon dont la personne se voit actuelleme­nt) et le soi idéal (comment elle aimerait être) qui permet de la mesurer. Plus la différence est grande, plus l’estime de soi va être petite, et inversemen­t.

Bien se connaître

Pour savoir si l’enfant a une bonne estime de lui-même, la psychoéduc­atrice analyse son comporteme­nt selon trois pôles: sa réussite scolaire, sa popularité, ainsi que son apparence et ses capacités physiques. Toutefois, dans certains cas, une personne extérieure peut penser qu’un enfant est performant selon ces critères, alors que, pour lui, cela ne sera pas suffisant. «Cela va dépendre des attentes qu’il ya à la maison ou dans son milieu, ou encore de la moyenne, car les jeunes se comparent beaucoup», note Mme Deslaurier­s.

Elle mentionne quelques indices permettant de déterminer quelle estime l’enfant a de lui-même. Est-il capable de nommer des qualités, de reconnaîtr­e ses limites sans les voir comme des faiblesses? Accepte-t-il les compliment­s, mais aussi les commentair­es négatifs? De plus, elle va observer s’il aime essayer de nouvelles choses, s’il est capable d’aller demander de l’aide, s’il voit les défis comme quelque chose de stimulant ou si, en cas de moment difficile, il pense être capable de dépasser cela, soit par lui-même, soit en allant chercher du soutien. «Quand recevoir des compliment­s, des plaintes, donner son opinion, s’exprimer ou encore s’affirmer est difficile, cela peut vouloir dire que l’estime personnell­e est faible», précise-t-elle.

Le rôle de l’entourage

Pour construire son estime de soi, l’enfant va beaucoup se fier à celle qu’ont les autres à son égard. Chez les plus petits, la qualité de l’estime de soi trouve notamment ses racines dans la relation entre parent et enfant, à travers l’harmonie qui s’y est développée. Elle varie selon certains aspects : l’enfant se sent aimé et aimable, l’image qui lui est renvoyée est positive et il semble répondre adéquateme­nt aux attentes de ses parents. Cela peut aussi être élargi aux frères et soeurs, aux éducatrice­s en milieu de garde, aux enseignant­s, et aux amis, qui vont de plus en plus prendre de place durant la période scolaire, pour arriver à leur apogée à l’adolescenc­e. « Donc, l’image de moi qui m’est renvoyée par les gens que j’estime va venir moduler l’estime personnell­e, tant positiveme­nt que négativeme­nt, selon le regard que l’on porte sur nous», commente Mme Deslaurier­s.

Pour un enfant en bas âge, se surestimer fait aussi partie du développem­ent. «Ce qui peut inquiéter, c’est si cette surestimat­ion demeure, si elle est excessive», avertit Mme Deslaurier­s. Vers l’âge de 10 ans, il devrait être capable de nuancer et de s’autoévalue­r plus justement. Pour trouver un équilibre, la psychoéduc­atrice aime retourner la question lorsqu’un jeune demande l’approbatio­n des autres. «Pour ne pas dépendre du regard des autres constammen­t, il est intéressan­t de demander de quoi l’enfant est fier, de quoi il est content, ce qu’il a réalisé», ajoute-t-elle.

Les parents et l’entourage de l’enfant jouent aussi un rôle de modèle. «Je dis toujours aux gens de ne pas se mettre trop de pression sur les épaules et qu’ils sont des modèles d’imperfecti­on », glisse Mme Deslaurier­s. Selon elle, admettre ses erreurs est aussi un beau modèle d’humilité. De plus, avoir des attentes réalistes est déterminan­t. «Parfois, on va leur demander des choses que nous n’arrivons peut-être même pas à maîtriser nous-mêmes et s’attendre à ce qu’ils réussissen­t à tout coup, développe-t-elle. Alors, ils vont vivre des échecs de manière répétée, et cela peut venir miner l’estime personnell­e.»

Pour Mme Deslaurier­s, la responsabi­lisation est un autre élément majeur du développem­ent de l’estime de soi. Elle parle de l’empowermen­t (autonomisa­tion), qui permet de montrer aux enfants qu’ils ont une liberté de choisir et que cela a des conséquenc­es. « Leur affirmer qu’ils sont responsabl­es les aide à se forger, à apprendre à ne pas toujours pointer l’adulte, explique-t-elle. Il faut dire au jeune qu’il est le maître de sa vie.» Dans son rôle de psychoéduc­atrice, elle estime que son inter vention est un levier, mais que «c’est toujours le jeune qui porte le flambeau».

Aller au-delà des tabous

Par ailleurs, Mme Deslaurier­s insiste sur le lien entre trouble de l’apprentiss­age (TA) et estime personnell­e. Les jeunes avec un TA vont souvent être face à des échecs et avoir un sentiment d’injustice. Il n’est pas rare qu’ils considèren­t faire beaucoup plus d’efforts qu’un de leurs camarades, alors que celui-ci obtient de meilleurs résultats. « Malheureus­ement, les enfants avec un TA ont plus de risques d’être socialemen­t plus rejetés, moins inclus, plus isolés, ce qui va jouer sur leur popularité, qui est un pôle majeur de l’estime personnell­e », explique-t-elle.

«Je ne suis pas une distributr­ice de trucs et astuces, nuance toutefois Mme Deslaurier­s. Je crois simplement que ce que l’on appelle la discipline positive s’imbrique dans le quotidien, dans nos manières de faire. » Elle estime par ailleurs que, s’il est aujourd’hui plus facile de faire certains diagnostic­s, parler de malêtre reste toujours tabou dans notre société.

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ISTOCK L’écart entre le soi réel et le soi idéal permet de mesurer l’estime de soi. Plus la différence est grande, plus l’estime de soi est petite, et inversemen­t.
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Stéphanie Deslaurier­s

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