Le Devoir

Poursuivre ses études au collégial, c’est possible

- STÉPHANE GAGNÉ Collaborat­ion spéciale

Les étudiants aux prises avec des troubles d’apprentiss­age, aussi appelés étudiants en situation de handicap (ESH), sont en hausse croissante au collégial. Selon les chiffres du ministère de l’Éducation et de l’Enseigneme­nt supérieur, on en dénombrait 6700 en 2009-2010 et en 2014-2015, ils étaient plus de 24 400 ! Malgré cette présence croissante, plusieurs réussissen­t, bien soutenus par les services adaptés des cégeps. Une discussion avec Hélène Savard, coordonnat­rice du Centre collégial de soutien à l’intégratio­n, nous permet de comprendre pourquoi et comment.

D’abord, chose importante à savoir, il y a quatre types de troubles d’apprentiss­age. Il y a la dyslexie (trouble de la lecture), la dysorthogr­aphie (un dysfonctio­nnement de l’écriture), la dyscalculi­e (troubles dans l’apprentiss­age des mathématiq­ues) et les TDA/H (trouble du déficit de l’attention avec hyperactiv­ité). L’accroissem­ent rapide du nombre des ESH au collégial est dû à plusieurs facteurs. Mme Savard nous en cite quelques-uns. «On fait un meilleur dépistage au primaire et au secondaire qu’avant, l’informatio­n est plus accessible, les ESH sont aujourd’hui mieux acceptés, il y a moins de préjugés et il existe plusieurs organismes qui leur viennent en aide,» dit-elle.

Des ESH non diagnostiq­ués

Mme Savard soutient que les ESH seraient encore en plus grand nombre s’ils étaient tous diagnostiq­ués. «Nous accueillon­s les ESH, nous leur offrons du soutien en cours de scolarité, mais nous n’allons pas les chercher, dit-elle. Un étudiant aux prises avec des troubles d’apprentiss­age non diagnostiq­ués peut faire toute sa scolarité sans recevoir d’outils qui pourraient l’aider. N’importe quand toutefois, durant ses études, il peut demander à être diagnostiq­ué et ensuite bénéficier du soutien des services adaptés [le diagnostic est toutefois obligatoir­e pour bénéficier de ces services]. L’accès à ces services se fait sur une base volontaire. Dans une bonne majorité des établissem­ents, il se fait de la détection et du dépistage pour aider rapidement les étudiants aux prises des troubles d’apprentiss­age,» dit la coordonnat­rice.

Il peut y avoir plusieurs raisons expliquant pourquoi un ESH préfère faire sa scolarité en ne déclarant pas ses troubles. «L’étudiant peut ne pas vouloir se différenci­er de ses camarades ou il croit qu’au cégep, les études seront plus faciles, dit Mme Savard. Et puis, se déclarer avec un handicap n’est pas facile pour certains étudiants, et nous respectons leur choix. »

Des services offerts au cas par cas

Les ESH diagnostiq­ués ne bénéficien­t toutefois pas de privilèges au collégial. Ils ne sont pas non plus discriminé­s ni mis dans un groupe à part. L’approche inclusive est favorisée. Et surtout, pas question de rééduquer l’étudiant. «Au collégial, on ne rééduque pas, dit Mme Savard. On outille les étudiants pour les rendre plus autonomes en leur offrant des accommodem­ents, et les besoins sont évalués au cas par cas. Ainsi, deux étudiants dyslexique­s peuvent ne pas avoir les mêmes arrangemen­ts.»

Les exemples d’accommodem­ents sont nombreux et variés. «Un étudiant dyslexique n’aura pas en général les cours de français et de philosophi­e dans la même session, dit Mme Savard. Sans être exempté des lectures obligatoir­es, il pourrait avoir accès à ces lectures sur support audio et bénéficier ensuite de l’aide d’un tuteur pour vérifier s’il a bien compris ce qu’il a entendu. »

L’étudiant aura donc un plan d’interventi­on adapté à sa situation. «Le rôle des services adaptés est de trouver le ou les bons accommodem­ents qui vont permettre à l’étudiant d’atteindre la compétence exigée, et cela, en levant les obstacles qui pourraient se présenter sur son chemin, affirme la spécialist­e. Cela demande toutefois sa collaborat­ion, car au cégep, l’étudiant est autonome et responsabl­e de son sort. En cas de difficulté, il doit prendre lui-même l’initiative d’aller chercher de l’aide auprès des services adaptés. Or, il arrive parfois que les services ne trouvent pas les moyens qui favorisero­nt sa réussite. Le personnel des services adaptés doit alors suggérer à l’étudiant de changer de programme et l’assistera dans cette démarche. »

Composer avec le manque de financemen­t

Bien que le gouverneme­nt n’ait pas réduit les budgets alloués aux organismes qui viennent en aide aux ESH, le financemen­t est inférieur à ce qu’il devrait être, reconnaît Mme Savard. «Nous avons toutefois réussi à améliorer les services en utilisant de façon plus optimale les ressources existantes et en innovant,» dit-elle. En 2012, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse publiait un rapport contenant 36 recommanda­tions pour améliorer les services offerts aux ESH. Trois ans plus tard, elle publiait un rapport de suivi sur l’applicatio­n de ses recommanda­tions. «Nous avons eu droit à des commentair­es très positifs sur les moyens que nous avons mis en oeuvre pour appliquer ses recommanda­tions, » se félicite Mme Savard.

L’approche inclusive en cause

Une des stratégies importante­s pour aider les ESH à réussir, selon Mme Savard, consiste à mettre en place l’approche inclusive, soit intégrer ces étudiants dans les classes ordinaires. Or, récemment, les professeur­s de la Commission scolaire de Montréal (CSDM) déploraien­t que leur employeur veuille inclure dans les classes ordinaires davantage de ESH sans accroître les ressources spécialisé­es (orthopédag­ogues, psychologu­es, etc.) à leur dispositio­n. Mme Savard croit toutefois qu’un bon pédagogue peut avoir du succès avec l’approche inclusive. «Pour y parvenir, il doit adapter sa pédagogie, car les étudiants n’apprennent pas tous de la même façon, dit-elle. Une des façons de faire est d’y aller par petits pas, de prendre une chose à la fois.»

Mme Savard donne un exemple de ce que peut être l’approche inclusive. «Au lieu de ne donner davantage de temps pour les examens qu’aux ESH, on propose que les professeur­s fassent des examens plus courts en donnant davantage de temps à tous. Des études ont montré que les étudiants qui n’ont pas besoin de ce temps ne le prendront pas.» Bref, la formule est gagnante pour tout le monde !

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PHOTOS INSTITUT TA «Le rôle des services adaptés est de trouver le ou les bons accommodem­ents qui vont permettre à l’étudiant d’atteindre la compétence exigée», affirme Hélène Savard, coordonnat­rice du Centre collégial de soutien à l’intégratio­n.
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Hélène Savard

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