Le Devoir

Des itinérants sans définition fixe

Deux rapports mettent en évidence la réalité méconnue des femmes et des jeunes

- STÉPHANE BAILLARGEO­N

Les portraits des population­s itinérante­s de Montréal se raffinent et pourraient permettre de mieux adapter l’aide qui leur est apportée. Deux rapports déposés en même temps mardi matin tracent ces panoramas plus précis, l’un pour les femmes itinérante­s, l’autre pour les jeunes dans la rue.

Les deux avis ont été produits au cours des derniers mois par le Conseil des Montréalai­ses (CM) et le Conseil Jeunesse de Montréal (CJM), deux organismes consultati­fs de la ville. La Ville a accueilli favorablem­ent plusieurs de leurs recommanda­tions.

Les deux analyses d’une quarantain­e de pages ont plusieurs points en commun.

Invisibili­té. Les deux documents mettent l’accent sur cette idée qu’une partie essentiell­e de la réalité de l’itinérance demeure négligée, méconnue, oubliée. Le rapport du CM s’intitule L’itinérance des femmes à Montréal. Voir l’invisible et celui du CJM, Jeunes et itinérance. Dévoiler une réalité peu visible. «Nous sommes passés à une itinérance cachée, dit François Marquette, président du CJM. Elle se traduit par exemple par du couchsurfi­ng que les jeunes font en allant d’un canapé d’ami à un autre avant de se retrouver à la rue. Ce type d’itinérance est difficilem­ent recensé.»

Dénombreme­nt. Les deux enquêtes affirment que les méthodes quantitati­ves traditionn­elles ne saisissent pas complèteme­nt le problème. Le décompte ponctuel établi par Je Compte MTL 2015 a recensé 3016 personnes dans la rue le 24 mars. Dès leur diffusion, des organismes qui leur viennent en aide soulignaie­nt que cette méthodolog­ie ne recense que la partie apparente d’un iceberg social.

Définition. Des données citées par le CJM montrent que, au Canada, un jeune (de 14 à 24 ans) sans-abri sur trois (29,5%) s’identifie à la communauté LGBTQ. «La conception et la représenta­tion de l’itinérance sont généraleme­nt calquées sur un modèle masculin, celui d’un vieil homme blanc alcoolique dans la rue, résume Élise Salomon, organisatr­ice communauta­ire du Réseau d’aide aux personnes seules et itinérante­s de Montréal (RAPSIM). La réalité décrite dans les deux études est beaucoup plus complexe. » Celle du CM met en évidence la place croissante des femmes autochtone­s et des immigrante­s dans la population itinérante, mais aussi le fait que les femmes vivent leur errance urbaine de manière particuliè­re, notamment parce que, pour elles, la rue demeure un endroit dangereux et menaçant auquel elles n’ont recours in fine qu’après avoir épuisé toutes leurs autres ressources. «Nous avons voulu mettre en évidence les réalités spécifique­s des itinérante­s aînées, autochtone­s ou immigrante­s, dit Cathy Wong, présidente du CM et chroniqueu­se du Devoir. Les ressources existantes, y compris au sein de la police, sont moins outillées pour faire face à ces défis. »

Solutions. Les deux rapports proposent une vingtaine de recommanda­tions au total. Certaines se regroupent, notamment par rapport à la nécessité d’augmenter l’offre de logements adaptés. D’autres visent des problèmes spécifique­s concernant certaines population­s, parfois de manière très pragmatiqu­e. Le CM demande par exemple que l’on mette à la dispositio­n des femmes des douches non mixtes et sécuritair­es et des toilettes publiques dans les parcs.

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JACQUES NADEAU LE DEVOIR Un des rapports expose la place croissante des femmes autochtone­s dans la population itinérante.

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