Le Devoir

Le Canada participe à l’effort internatio­nal

Ottawa dépense 20 millions pour contrer les effets du désengagem­ent américain

- HÉLÈNE BUZZETTI Correspond­ante parlementa­ire à Ottawa

Le Canada a confirmé jeudi qu’il fera don de 20 millions de dollars au fonds internatio­nal mis sur pied pour contrer les effets du désengagem­ent américain en matière de santé maternelle à l’étranger. Si la somme est modeste, elle n’est que la première étape d’une initiative qu’Ottawa promet plus généreuse.

Comme cela est devenu la norme lors de l’entrée en fonction d’un président républicai­n à Washington, Donald Trump a interdit aux organismes d’aide humanitair­e financés par les États-Unis de pratiquer des avortement­s ou même de parler d’avortement à l’étranger. Cette directive dite de Mexico (parce qu’elle y a été annoncée la première fois en 1984

par Ronald Reagan lors d’une conférence internatio­nale sur la population) a été en vigueur aux États-Unis au cours de 17 des 32 dernières années. Mais elle semble avoir marqué davantage les esprits du fait d’être promulguée par M. Trump, au point où la ministre néerlandai­se Lilianne Ploumen a lancé une initiative internatio­nale pour se substituer au partenaire américain.

La conférence tenue cette semaine à Bruxelles et intitulée «She Decides» — «Elle décide» — vise à remplacer les fonds américains qui pourraient être perdus et qui sont évalués à 600 millions $US par année. En date de jeudi, ce sont 190 millions $US qui avaient déjà été amassés auprès de différents gouverneme­nts.

L’argent canadien sera destiné à cinq organismes: Internatio­nal Planned Parenthood Federation, Population Services Internatio­nal (PSI), Marie Stopes Internatio­nal, Ipas et le Programme d’approvisio­nnement du Fonds des Nations unies pour la population. Joint par Le Devoir, l’organisme Marie Stopes Internatio­nal indique qu’il perdra les 30 millions de dollars par année versés par les États-Unis (17% de son budget), car il pratique des avortement­s dans les pays où cela est légal. L’engagement du Canada lui garantit 4 millions cette année. PSI reçoit environ 225 millions $US par année des États-Unis.

La ministre canadienne du Développem­ent internatio­nal, Marie-Claude Bibeau, assure que les 20 millions annoncés jeudi ne sont qu’une première étape. «C’est une première annonce», a-telle indiqué aux journalist­es au cours d’une conférence téléphoniq­ue jeudi matin. «La nouvelle politique de développem­ent du Canada va mettre les femmes et les filles au coeur de cette politique. La question de l’autonomisa­tion ou du renforceme­nt économique des femmes en sera un élément central, incluant la santé sexuelle et reproducti­ve. J’aurai l’occasion de faire des annonces encore plus substantie­lles au cours des prochaines semaines. »

Au Canada aussi, ce débat sur l’utilisatio­n de l’argent des contribuab­les pour promouvoir l’avortement à l’étranger a eu cours. Les conservate­urs de Stephen Harper l’avaient interdite dans la foulée de leur initiative dite de Muskoka sur la santé maternelle à l’étranger. Les libéraux de Justin Trudeau l’ont annulée. Mais voilà: les fonds débloqués pour le second volet de l’initiative, d’une durée de cinq ans dans la plupart des cas, l’avaient été sous les conservate­urs avec les mêmes conditions. Un mot d’ordre a donc été donné pour modifier les ententes.

«Lorsque la ministre Bibeau a fait l’annonce, il y a un certain temps, que désormais tout le panier de services liés à la reproducti­on des femmes était acceptable, les organisati­ons qui avaient déjà des fonds dans le programme ont reçu un appel d’un haut fonctionna­ire», relate Denise Byrnes, la directrice générale d’Oxfam-Québec. Le message: elles pourront recommence­r à parler d’avortement dans leur projet en cours.

Oxfam-Québec avait reçu une enveloppe de 15 millions s’étalant de 2016 à 2020 pour faire de l’éducation des femmes sur la santé reproducti­ve et sexuelle en République démocratiq­ue du Congo (RDC). «Depuis que le gouverneme­nt nous a permis d’inclure la gamme complète des services de santé reproducti­ve aux femmes, nous faisons aussi de l’éducation sur les dangers des avortement­s faits dans des conditions rudimentai­res et non sanitaires», indique Mme Byrnes. Oxfam-Québec n’offre pas d’avortement­s, par ailleurs interdits en RDC.

En mars 2016, Mme Bibeau avait débloqué une autre tranche de 76 millions pour la santé maternelle, cette fois sans condition, de même que 5 millions pour une initiative d’approvisio­nnement en contracept­ifs au Honduras.

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MARVIN RECINOS AGENCE FRANCE-PRESSE Manifestat­ion au Salvador, en février dernier, pour réclamer la décriminal­isation de l’avortement «pour la vie et la santé des femmes», peut-on lire sur les pancartes.
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ADRIAN WYLD LA PRESSE CANADIENNE Marie-Claude Bibeau

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