Zeitgeist Femmes au bord de la crise d’anxiété
Lâcher prise grâce à la F*ck thérapie
La F*ck thérapie, ça s’appelle. Rien de trop exigeant sur le plan sexuel, mais plutôt une façon de revoir nos attentes et de baisser un peu la barre parallèle sur laquelle nous nous livrons à des exercices quotidiens de haute voltige. En toute confidence, à la faveur d’une grippe (de fille), j’ai terminé de dévorer la série Lâcher prise d’Isabelle Langlois la semaine dernière sur Tou.tv Extra. Une des meilleures thérapies qui existe lorsque notre vie semble stagner dans un lit, c’est encore de se comparer à des plus mal prises que soi. Valérie (Sophie Cadieux) et Madeleine (Sylvie Léonard), dans ce duo mère-fille décapant, y réussissent à merveille. De la télé nanane, masque à l’argile et smoothie aux Ativan.
Si l’auteure a réalisé autour d’un souper d’amis que plus personne ne fonctionnait sans «pilules», elle nous fait ici la démonstration qu’avec ou sans, nous sommes vraiment aux prises avec des névroses propres à une époque qui nous dépasse tous et surtout toutes, puisqu’ici le regard posé est essentiellement féminin.
Sophie Cadieux a réussi à nous rendre son personnage particulièrement attachant dans sa chute et son burn-out. Ultraperformante mais en perte de contrôle, sa confusion quant à ce que la société et son entourage attend d’elle, sa totale incompréhension d’elle-même, ses tâtonnements devant ses propres besoins et ce que la vie lui envoie comme épreuves, en font un alter ego de choix. Faute de se réparer soi-même, on voudrait la sauver, elle.
Et pour Valérie, pour nous toutes qui sommes encore aux prises avec nos contradictions, nos désirs de nous émanciper, de grandir, de nous dépasser, de nous tâter le point G tout en réussissant le «cobra avancé» sur la tête et en prenant «LE»
selfie pour immortaliser le tout sur Instagram, j’ai trouvé «LA» thérapie. Je sais, c’est futile. Pendant ce temps-là, la carpe asiatique envahit le fleuve Saint-Laurent et Donald Trump trouve qu’il a eu du fun durant les 40 premiers jours de sa présidence.
La F*ck thérapie à toutes les sauces
Je m’en voudrais de ne pas vous parler de cette série de bouquins qui a (presque) transformé ma vie en mettant l’accent sur mon besoin de contrôle excessif — insécurité largement partagée dans la gent féminine — et l’idée que je me fais d’une existence lubrifiée au Jig-A-Loo, la faute aux magazines féminins (que
je n’achète ja-mais), paraît-il.
Signés par le psychiatre Michael Bennett (diplômé de Harvard) et sa fille Sarah (scénariste satirique), ces petits ouvrages à la fois ironiques et lourdement campés dans le gros bon sens, font du bien à consulter. Le préambule de quelques pages est le même pour tous : « Acceptez ce qui est, une dépression est souvent chronique et incurable. […] Là où les autres livres de développement personnel garantissent la voie vers un bonheur assuré, la collection F*ck affirme qu’une
telle voie n’existe pas. »
Dans F*uck le développement personnel (il y a aussi F l’amour, F les parents parfaits, F la sérénité, F les connards, etc.), on ne nous assure pas le bonheur mais plutôt une méthode plus réaliste pour aborder les épreuves de la vie. Votre grandmère aurait pu vous le dire.
D’ailleurs, lorsque la vie me semble un peu trop acrobatique à mon goût, je me répète sans cesse que mon existence est cent fois plus facile que celles de mes grands-mères et arrière-grands-mères qui n’ont
pas eu accès à la vasectomie ou au Vitamix. Je cesse de me plaindre immédiatement. Ces femmes terre-à-terre n’auraient pas eu besoin de la F*ck thérapie et de se faire dire : « Arrêtez de vous demander pourquoi vous n’êtes pas parfaite et faites en sorte que vos faiblesses ne vous transforment pas en handicapée de la vie.» Elles n’avaient pas le temps, de toute façon.
Une thérapie qui vous explique que «oui, indeed», la vie est injuste et cruelle et que la grossièreté est une source de réconfort qui permet d’exprimer sa colère et ses frustrations sans sentimentalité ? Parce que nous sommes en 2017. Le Dr Bennett et sa fille clament Fuck le bonheur, Fuck le développement personnel, l’estime de soi (hein?), la gentillesse (say what ?) et tout le tintouin (traduction made in France). Je sais, c’est beaucoup demander. Nous ne sommes pas toutes des « badass » capables de remettre le monde à sa place tout en enfilant une culotte gaine. Mais on peut essayer.
Et la gagnante est…?
Inconsciemment ou non, nous savons que le monde n’a pas été fait pour nous, en nos termes, que nous sommes bien souvent des figurantes commodes, que nous devrons nous battre sur tous les fronts tout en restant nous-mêmes, sensibles et en possession de nos moyens sans entraver notre sex-appeal, structurées et «lousses», capables d’être à la fois Barbie et Lady Gaga, Hillary et Michelle, carriéristes mais pas trop car cela pourrait nous coûter l’amour de notre vie (voir La La Land).
Et j’espère de tout coeur qu’une fille n’est pas à l’origine de la bévue finale de dimanche dernier aux Oscar.
Remarquez, Hollywood étant la consécration du succès de l’homme blanc consommateur de femmes-objets, cela s’avère peu probable. Mais une fille qui a consacré plus de temps à magasiner sa robe bustier qu’à choisir son chum ne se remet pas facilement de ce genre d’humiliation publique.
Et comme le souligne le Dr Bennett dans F*ck les connards, ne perdez surtout pas votre temps à essayer d’influer sur ce que les autres pensent de vous: missionimpossible. Nous, les filles, sommes tellement hantées par la peur d’avoir l’air incompétentes que nous en faisons des tonnes pour compenser. D’où l’anxiété répandue et les burn-out à la clé.
Nous voulons tout, et en même temps, mais personne n’a encore pris la peine de nous expliquer que la vie est un quelconque film de série B dans lequel nous tenons un rôle qui ne nous vaudra ni nomination aux Oscar, ni même des bonbons qui tombent du ciel en parachute. Nous avons probablement pigé la mauvaise enveloppe, c’est tout.
Attends un peu que je regarde sur ma todo list. Projet vacances. Projet santé. Projet vente. Projet séduction. Projet détente. Projet rendement. Projet sport. Projet succès. Projet coup de foudre. Projet tonus. Projet famille. Projet fête. Projet cuisine. Projet placement. Maude dans Manifeste de la jeune-fille, Olivier Choinière
Peu importe ce que t’as entre les jambes, travailler dans l’oeil du public te vaudra de la critique. Mais hooooly fuck ! Pour être une femme dans les médias dans l’état des choses, il faut avoir une santé mentale de fer et une résilience surhumaine. Manal Drissi, chroniqueuse