Le Devoir

Montréal, terre de Nuit.

Cinquante ans après Expo 67, la Nuit blanche replonge la métropole dans l’esprit créatif et universel de l’époque

- NUIT BLANCHE Samedi 4 mars, de 18 h à 3 h montrealen­lumiere.com GENEVIÈVE TREMBLAY

Cinquante ans après Expo 67, la Nuit blanche replonge la métropole dans l’esprit créatif et universel de l’époque.

Depuis quelques années, la Nuit blanche cherchait une façon de mieux rassembler ses festivalie­rs, de lancer une réflexion collective. En cette année d’anniversai­res, elle a trouvé son filon: s’inspirer de l’esprit résolument visionnair­e et créatif d’Expo 67, qui a fait du Québec, il y a un demi-siècle, une nouvelle voix moderne dans le monde.

Faisons un pas en arrière. En avril 1967, l’Exposition universell­e s’ouvre pour six mois à Montréal, terre d’accueil de 120 gouverneme­nts répartis dans 60 pavillons sur l’île Sainte-Hélène et la toute jeune île NotreDame. Un peu plus tard, en juillet, de passage à Montréal devenue «capitale du monde», le général Charles de Gaulle prononce à l’hôtel de ville son fameux «Vive le Québec libre ! », ravivant la fièvre nationalis­te. Dès lors, 1967 devient 1967. Cette année-là.

Cinquante ans après, cet anniversai­re coïncide avec le 150e du Canada et le 375e de Montréal, déjà l’objet de vastes programmes culturels. C’était l’occasion, pour la Nuit blanche, de rappeler aux citadins une année charnière de la Révolution tranquille. « On aimait l’audace autour d’Expo 67, l’élan de créativité, le bouillonne­ment qu’on a vu à Montréal et le sentiment de fierté, aussi, qui était palpable pour la ville, explique Marie-Pier Bazinet, chargée de projet à la Nuit blanche. On avait envie de miser sur quelque chose de positif, qui nous rallie. »

Environ 60% de la programmat­ion de la Nuit blanche, qui compte cette année 213 activités, est consacrée à la thématique Expo 67. Il y aura un peu de tout pour revisiter l’événement: pièces de théâtre, déclamatio­ns littéraire­s ou poétiques (dont un clin d’oeil à la Nuit de la poésie de 1970 à ICI Radio-Canada Première), exposition­s d’archives, prestation­s musicales — nombreuses, celles-là, inspirées ou carrément pastiches du yéyé des années 60. Bref, une sorte de «portrait global, sur 360 degrés » de ce que fut 1967 et sa Terre des hommes, la grande thématique d’Expo 67 qui reprenait le titre du livre d’Antoine de Saint-Exupér y.

Réfléchir, rire, imaginer

Aux dires des organisate­urs, l’idée de faire revivre Expo 67, même pour un soir seulement, a généré un enthousias­me immédiat. Serait-ce qu’il y a un vent favorable pour une affirmatio­n collective plus humaniste? « On est tellement dans une époque de morcelleme­nt et d’austérité que tout d’un coup, on peut se permettre de rêver à tous les possibles de notre ville, à l’amitié entre les peuples, glisse Marie-Pier Bazinet. Je pense que ça fait plaisir.»

C’est justement ce qui motive le collectif Les Femmelette­s, qui tient chaque mois, entre octobre et juin, des cabarets-laboratoir­es humoristiq­ues sur des sujets de société. « La vibration, la ferveur, l’espoir » qui régnaient à l’époque sont inspirants, affirme Catherine Hamann, membre fondatrice du collectif. « Avec le marasme de la politique internatio­nale, le terrorisme, mais quel vent de fraîcheur de revivre Expo 67, lance la comédienne, qui fredonne en riant la chanson-thème Un jour, un jour, de Michèle Richard. C’est le contraire de ce qui se passe aujourd’hui. C’est renverser la vapeur. »

Pour leur spectacle Pavillon Femmelette­s, six comédienne­s et humoristes feront chacune leur chronique sur le legs de 1967 — avec un oeil mi-moqueur, mi-sérieux. Il y aura rappel des grands chantiers, comme le métro et l’échangeur Turcot, d’un certain «guide de la femme parfaite», des anciennes émissions culturelle­s. «De quoi on peut rigoler, 50 ans plus tard? s’amuse Catherine Hamann. C’est de montrer les aspiration­s qu’on avait à l’époque et ce qu’il en reste aujourd’hui.»

Avec un oeil critique

Mais la célébratio­n ne doit pas évacuer l’esprit critique sur le développem­ent de Montréal, affirme l’artiste Édith Brunette, dont le collectif ad hoc Les Infragette­s tiendra, à la galerie Espace Projet, une soirée de discussion sur le legs culturel et urbanistiq­ue de 1967. «Est-ce une si bonne chose que Montréal mette l’accent sur l’idée de ville intelligen­te, sur de grands projets massifs? Est-ce qu’on en discute assez?»

Ses collègues et elle ont préparé un jeu-questionna­ire dont les questions «mettent en relief les pour et les contre du développem­ent » depuis les années 1960. En petits cocons citoyens, affirme Édith Brunette, on peut mieux penser à ce que doit être la ville à petites, puis à plus grandes échelles.

Ce genre de démarche correspond à ce que souhaite générer la Nuit blanche cette année : une réflexion. « On avait envie d’inviter les gens à retenir l’énergie de 1967 et de l’appliquer à aujourd’hui, affirme

Marie-Pier Bazinet. Ou, pourquoi pas, à 2067. C’est d’imaginer là où ça nous amène. »

Pour l’inspiratio­n, faisons un autre pas en arrière. Un 27 mars 1970, au théâtre du Gesù où se tient la Nuit de la poésie qui sera justement célébrée samedi, Claude Gauvreau résume, après avoir récité un impression­nant poème sans titre, l’esprit de l’époque, son effervesce­nce. Il sera acclamé par la foule. «Et d’ailleurs, vive le Québec, vive la création, vive l’universel.»

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BENOIT ROUSSEAU La Nuit blanche est reconnue pour son offre de centaines d’activités extérieure­s et intérieure­s. Cette année, l’événement veut aussi engendrer une réflexion collective.
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GUERINF / CREATIVE COMMONS Pour les organisate­urs de la Nuit blanche, faire revivre Expo 67 a été très enthousias­mant.

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