Le Devoir

Poussés à la grève par la loi 24 ?

Le nouveau régime de négociatio­n dans le secteur municipal provoque inutilemen­t des conflits, selon le syndicat des chauffeurs d’autobus de la Ville de Québec

- ISABELLE PORTER

Le syndicat des chauffeurs d’autobus de la Ville de Québec prétend que la loi 24 qui régit les négociatio­ns dans le secteur municipal le pousse inutilemen­t à la grève. À moins d’un déblocage, les chauffeurs seront en grève générale à partir du 13 mars.

«On veut négocier avec l’employeur, mais la loi 24 change les règles du jeu. Si on n’avait pas de loi 24, personne ne serait ici aujourd’hui. On serait encore à la table de négociatio­n en train de négocier», a déclaré jeudi le président du Syndicat des employés du transport public du Québec métropolit­ain (SETPQM), Ghislain Dolbec, lors d’une conférence de presse.

La loi 24, adoptée en novembre, encadre les négociatio­ns de convention­s collective­s dans le secteur municipal. Elle donne aux parties 150 jours (avec une rallonge possible de 30 jours) pour négocier le renouvelle­ment de leur convention. En cas d’échec, les parties se retrouvent devant un médiateur, puis un mandataire spécial qui transmet des recommanda­tions au ministre pour trancher.

Or le syndicat du réseau de transport (RTC) allègue que la période de 180 jours est trop courte. «Il n’y a jamais eu de négociatio­n de chauffeurs au RTC qui a duré cinq mois. Ç’a toujours été de longues négociatio­ns», a fait valoir l’un des membres de l’exécutif jeudi. La dernière négociatio­n, a-t-il ajouté, a duré trois ans.

En même temps, allègue le syndicat, cette courte période est la seule au cours de laquelle il peut se prévaloir de son droit de grève, ce qui ne serait plus possible après l’entrée en scène du médiateur. «Notre rapport de force doit être exercé maintenant », a-t-il expliqué. Invité à réagir, le cabinet du ministre Coiteux a fait remarquer que le syndicat avait encore du temps pour négocier puisque la période de 150 jours ne se termine que le 1er avril dans leur cas.

Réplique au maire Labeaume

Les 950 chauffeurs du RTC font partie du premier syndicat d’importance à faire l’expérience de la nouvelle loi. Le maire de Québec, Régis Labeaume, avait affirmé mercredi que la CSN, à laquelle ces travailleu­rs sont affiliés, se servait d’eux pour tester les limites de ce nouveau cadre.

«Je pense que le syndicat local a des directives d’en haut », avait-il déclaré en mêlée de presse mercredi. Il estime que les chauffeurs et leurs représenta­nts locaux sont «utilisés à des fins nationales ». Le maire avait ensuite menacé d’exposer leurs salaires sur la place publique et fait valoir que la population allait se «révolter» contre eux.

Prié de réagir, le président du syndicat, Ghislain Dolbec, a rétorqué que son syndicat était «autonome», avant d’ajouter que c’était effectivem­ent «un cheval de bataille» pour la CSN. Le cabinet du ministre des Affaires municipale­s, Martin Coiteux, n’a pas voulu faire de commentair­es.

La loi 24 a été adoptée à la demande d’élus, le maire Labeaume en tête, qui jugeaient que le rapport de force entre les villes et les syndicats était trop favorable à ces derniers. M. Labeaume faisait notamment valoir que les maires avaient les mains liées parce que, contrairem­ent au gouverneme­nt du Québec, ils n’avaient pas le droit au lockout.

Malgré le vote de grève de dimanche, le syndicat souhaite continuer à négocier d’ici au déclenchem­ent de la grève. « Il est toujours possible de s’entendre avant le 13», a dit M. Dolbec. Les syndiqués se sont prononcés à 95,2% pour un mandat de grève générale illimitée. Leur convention collective est échue depuis le 30 juin.

En ce qui concerne les services essentiels, le Tribunal administra­tif du travail (TAT) n’a pas encore rendu de décision. Le syndicat a suggéré de maintenir un service d’autobus aux heures de pointe seulement la semaine, comme ç’avait été le cas lors de son dernier conflit de travail.

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YAN DOUBLET LE DEVOIR Les chauffeurs d’autobus menacent de faire la grève à compter du 13 mars.

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