Un Pritzker partagé à six mains
Les Espagnols de RCR ont fait le pari de faire « dialoguer nature et architecture »
Leur trio a remporté mercredi le plus prestigieux des prix d’architecture, le Pritzker, mais rien ne semblait avoir changé, jeudi, au cabinet des Espagnols Rafael Aranda, Carme Pigem et Ramón Vilalta (RCR).
En 1988, ils avaient décidé de vivre et de travailler à Olot, leur petite ville de Catalogne, dans le nord-est de l’Espagne. Un site entouré d’un spectaculaire paysage volcanique et d’une forêt de hêtres qui aura constamment inspiré leurs créations.
Dans l’ancienne fonderie où s’affairent une vingtaine de personnes, Rafael Aranda, 55 ans, et Ramon Vilalta, 56 ans, ont reçu l’AFP pour un entretien auquel Carme Pigem, 54 ans, n’a pu qu’assister, ayant perdu momentanément sa voix, au lendemain de l’attribution du prix.
Sobres, modestes, ils évoquent leur «créativité partagée », l’importance de leurs racines et «la part la plus spirituelle » des personnes qu’ils cherchent à atteindre avec leurs oeuvres.
Ramón Vilalta: Très peu, espérons-nous. Il ne s’agit pas que cela nous apporte plus de travail ou que cela nous fasse voyager davantage. Cela fait déjà des années que nous travaillons. Le nombre de personnes [au sein de RCR] nous paraît suffisant. Ce que l’on aimerait, c’est faire mieux les choses.
Rafael Arenas: Nous avions décidé de venir ici, chez nous, à Olot, une petite ville, ce qui à cette époque n’était pas courant […], en espérant que ce travail en équipe nous permettrait de faire de l’architecture, nous en donnerait la force. Depuis se sont ajoutés des gens qui ont aussi voulu faire partie de cette créativité partagée.
Comment l’obtention de ce prix peut-elle vous affecter? C’est la première fois que le Pritzker récompense trois personnes. Pourquoi aviez-vous décidé de travailler à six mains? Qu’est-ce que cela vous apporte de vivre à Olot?
R.A. : Un des paramètres que le jury du Pritzker a valorisé, c’est le fait d’avoir des racines, le fait d’être au niveau local et de pouvoir envoyer des messages au niveau universel. C’est ce qui nous a toujours animés, c’est l’architecture qui nous a intéressés: ressentir le lieu, les personnes, la famille, avoir cette essence.
Quelle influence ont eue les paysages sur votre oeuvre ?
R.V.: On veut bien comprendre la nature pour qu’ensuite, l’architecture dialogue avec elle. Il ne s’agit pas d’une position de soumission ou d’imposition, mais bien d’un dialogue. Le fait d’être installés sur un territoire connecté à la nature nous a beaucoup appris à dialoguer avec elle […] à partir de matériaux naturels: la pierre, l’acier, le cristal […]. Et le facteur temps est fondamental: apparaît la patine et on sent le passage du temps. Nous ne nous intéressons pas tellement aux matières inertes, auxquelles le temps qui passe ne change rien.
R.V.: L’architecture est un élément primitif, fondamental, dans la vie de l’homme. D’abord comme refuge, mais qui doit aussi, maintenant, avoir la capacité de faire naître d’autres types de sentiments. Pourquoi ne pas penser à la capacité de l’architecture de transcender, d’ouvrir des portes au-delà? Nous voulons ouvrir des portes à la part la plus sensible, la plus spirituelle des personnes […]. C’est ce que nous aimerions [atteindre] avec nos édifices: que cela ouvre chez les gens la pensée, l’imaginaire, les émotions.
Que recherchez-vous avec vos constructions? Y a-t-il une philosophie derrière vos créations?