Le Devoir

Québec tarde à agrandir le parc

- ALEXANDRE SHIELDS

Dix ans après que le gouverneme­nt libéral eut promis d’agrandir le parc national des Îles-de-Bouchervil­le, Québec n’est toujours pas en mesure d’aller de l’avant et d’y intégrer un terrain racheté au coût de 15 millions de dollars à un promoteur immobilier, a appris Le Devoir.

La saga de l’agrandisse­ment de ce parc national situé aux portes de Montréal remonte à 2007. À l’époque, un homme d’affaires avait déboursé six millions de dollars pour acheter un terrain de 20 hectares sur l’île Charron dans le but d’y développer un imposant projet immobilier de plus de 2000 logements.

Confronté à un tollé parce que ce projet aurait été construit sur un terrain boisé situé à la limite du parc national des Îles-de-Bouchervil­le, le gouverneme­nt libéral de Jean Charest avait finalement décidé d’imposer une mise en réserve. L’objectif était alors de négocier le rachat du terrain, dans le but de l’ajouter à la superficie de l’actuel parc.

La transactio­n a finalement été conclue à l’automne 2011. Québec a alors déboursé 15 millions de dollars pour acquérir le terrain, soit 9 millions de plus que le prix payé en 2007 par l’homme d’affaires Luc Poirier.

Processus en cours

Un peu plus de cinq ans plus tard, le gouverneme­nt du Québec n’a toujours pas procédé à l’agrandisse­ment de ce parc situé sur le cours du fleuve Saint-Laurent et qui a attiré près de 215 000 visiteurs l’an dernier.

«Le ministre a toujours l’intention d’agrandir le parc national des Îles-de-Bouchervil­le », affirme toutefois Gabrielle Fallu, attachée de presse du ministre des Forêts, de la Faune et des Parcs, Luc Blanchette. Ce terrain de 0,2km2 a bel et bien été acheté «pour être intégré aux limites du parc national », confirme aussi le porte-parole du ministère, Jacques Nadeau.

Comment se fait-il que cette opération ne soit toujours pas terminée, dix ans après que Québec eut bloqué toute possibilit­é de développem­ent immobilier ou commercial sur cette portion de l’île Charron? « La modificati­on éventuelle des limites du parc national des Îles-de-Bouchervil­le ne concerne pas seulement l’inclusion de cette portion de l’île Charron, explique M. Nadeau. En effet, plusieurs autres ajustement­s et travaux, notamment des recherches de titres de propriété et des travaux d’arpentage sont nécessaire­s.»

Le ministère et le cabinet de M. Blanchette n’ont pas détaillé davantage les étapes à franchir avant l’agrandisse­ment du parc. Qui plus est, il n’a pas été possible d’obtenir de précisions sur l’échéancier prévu. «Le ministère travaille sur ces dossiers et l’échéance pour finaliser ces dossiers n’est pas connue précisémen­t », a simplement indiqué Jacques Nadeau. Mme Fallu a pour sa part souligné que le ministre Blanchette travaille « actuelleme­nt » sur le dossier.

Si le projet n’aboutit tou- jours pas à Québec, pour la Ville de Longueuil, le terrain racheté par le gouverneme­nt en 2011 est déjà considéré comme ayant une valeur environnem­entale certaine. Selon ce que précise le chef du service des affaires publiques, Louis-Pascal Cyr, son intégratio­n au parc national serait en effet «conforme au nouveau Schéma d’aménagemen­t de l’agglomérat­ion de Longueuil, qui identifie ces terres comme écosystème d’intérêt confirmé».

Quant à l’Hôtel des Gouverneur­s situé sur l’île Charron, à la limite du terrain racheté par Québec, il est aujourd’hui fermé. Un projet de conversion en résidences pour personnes âgées a déjà été évoqué, mais n’a toujours pas abouti, indique la Ville de Longueuil.

Valeur écologique

La Société pour la nature et les parcs, qui milite pour la création d’aires protégées au Québec, juge qu’il est temps que le gouverneme­nt respecte l’engagement pris il y a maintenant près de 10 ans. «L’ensemble du processus menant à une inscriptio­n légale est effectivem­ent très long, mais nous espérons voir les limites du parc national des Îlesde-Bouchervil­le s’agrandir dans un avenir rapproché », fait valoir son directeur général, Alain Branchaud.

Cette désignatio­n officielle rejoint en effet les revendicat­ions des groupes environnem­entaux, qui avaient milité pour la protection de l’île Charron en 2007 et avaient fait circuler une pétition qui avait recueilli plus de 20 000 noms.

Le terrain racheté avec des fonds publics constitue en fait une zone tampon boisée, située entre le parc national des Îles-de-Bouchervil­le et l’autoroute 20, là où celle-ci passe dans le tunnel Louis-H.-Lafontaine.

Lors de la constructi­on du tunnel, l’île Charron avait d’ailleurs été remblayée avec des résidus de pierraille. Depuis, un couvert boisé s’est progressiv­ement installé et est devenu un des couverts végétaux favoris des quelque 200 cerfs de Virginie du secteur.

Pour les écologiste­s, ce terrain a donc un caractère écologique d’une grande importance. Une grande portion de ce terrain est occupée par une forêt dominée par des peupliers, mais on y trouve aussi des frênes rouges, des ormes d’Amérique et des saules noirs.

De plus, la rareté des zones boisées dans le corridor du fleuve Saint-Laurent lui confère un important potentiel d’utilisatio­n comme refuge pour les oiseaux, qu’ils soient migrateurs ou nicheurs.

Le parc national des Îles-deBoucherv­ille, d’une superficie de 8,2km2, a été créé en 1984. Plus de 240 espèces d’oiseaux ont été recensées sur son territoire, mais aussi 45 espèces de poissons, des espèces de reptiles et d’amphibiens. Certaines de ces espèces sont considérée­s comme étant menacées ou vulnérable­s, en vertu de la législatio­n québécoise.

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ANNIK MH DE CARUFEL LE DEVOIR Le parc national des Îles-de-Bouchervil­le, d’une superficie de 8,2km2, a été créé en 1984.

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