Le Devoir

Rêver d’un service de vélopartag­e toute l’année pour la métropole québécoise

- FLORENCE SARA G. FERRARIS

Alors que Montréal se targue d’être la capitale du vélo en Amérique du Nord, sa cousine ontarienne lui fait pourtant un pied de nez, depuis maintenant six ans, en étirant la saison de son service de vélopartag­e jusqu’aux confins de l’hiver. De quoi inspirer la métropole québécoise?

Les vélos en libre-service torontois ressemblen­t comme deux gouttes d’eau aux Bixi montréalai­s. Entreposés sur des stations identiques dispersées dans la ville, ces mastodonte­s d’aluminium sont proposés à un coût similaire et permettent, de la même façon, de facilement sillonner la ville. La différence? Alors que nos Bixi disparaiss­ent des rues des quartiers centraux à la mi-novembre, leurs jumeaux torontois demeurent, pour leur part, accessible­s tout au long de l’hiver. Idem à Washington, aux États-Unis, où il est également possible de louer ces mêmes vélos en libre-service douze mois par année.

«Nous avons pris cette décision parce que, pour nous, c’était important que le vélopartag­e soit vu comme un mode de transport public comme les autres, explique Sean Wheldrake, le responsabl­e de Bike Share Toronto. Et pour ça, il fallait qu’il soit accessible 365 jours par année. Sur le terrain, on s’en rend vite compte, pour qu’un service fonctionne et, surtout, qu’il soit utilisé, il doit être prévisible.»

Avantages

Cette décision de passer outre à l’hiver et de prolonger la saison a été prise dès l’implantati­on du système de vélo en libre-service à Toronto en 2011. Depuis, elle a permis à la métropole ontarienne de faire de grandes économies au fil du temps. «Pour nous, ça s’est rapidement imposé comme la solution la plus simple et, surtout, la moins coûteuse », explique Sean Wheldrake.

En effet, en décidant de ne pas retirer ses vélos de la circulatio­n, la Ville économise en frais d’exploitati­on pour démanteler les stations à l’automne et pour les redéployer à l’arrivée du printemps. Cela lui évite également d’avoir à entreposer sa flotte, ce qui représente, à terme, une autre économie substantie­lle.

Et les gains sont plus que financiers. Depuis son implantati­on, Bike Share Toronto observe, année après année, une nette augmentati­on de son nombre d’usagers, et ce, été comme hiver. Ainsi, en janvier 2017, les cyclistes qui ont opté pour les Bixi durant la saison froide ont été presque deux fois plus nombreux qu’à pareille date en 2014. «C’est certain qu’ils sont plus rares qu’en été, concède le responsabl­e du ser vice, un sourire dans la voix. Faire de la bicyclette quand il fait chaud demeure plus agréable, mais vous seriez surpris de voir la quantité de gens qui passent par-dessus le froid et qui décident quand même de faire leurs déplacemen­ts quotidiens avec nos vélos.»

Question de logistique

À Montréal, l’idée séduit, mais demeure difficilem­ent réalisable, soutient Pierre Parent, directeur du marketing et responsabl­e des partenaria­ts de BIXI Montréal. « Ce n’est pas un secret, ça a toujours été quelque chose qui nous a intéressés, reconnaît-il. Il faut toutefois faire attention, car on ne peut pas juste se dire que, s’ils le font à Toronto, c’est possible de le faire chez nous, c’est un peu plus complexe que ça.»

Plus froid et, surtout, plus enneigé, l’hiver québécois rend, selon lui, l’opération un tantinet plus compliquée. «Montréal reçoit quand même quasiment 100 centimètre­s de neige de plus chaque année que Toronto, explique-t-il. Et, en général, il fait plus froid! Ce sont des contrainte­s avec lesquelles la plupart des autres villes “nordiques” n’ont pas à composer.»

À son sens, ce qui freine toutefois une implantati­on du service toute l’année est plutôt d’ordre logistique. «Les stations de Bixi montréalai­ses sont installées directemen­t dans la rue. Quand il n’y a pas de neige, ce n’est pas vraiment un problème, laisse tomber celui qui s’occupe des relations avec les différents acteurs municipaux. On sacrifie un ou deux espaces de stationnem­ent et tout est réglé.» Les choses risquent cependant de se corser au moment des opérations de déneigemen­t. «Nos équipement­s de déneigemen­t actuels ne nous permettrai­ent pas d’enlever correcteme­nt la neige sans abîmer les installati­ons des Bixi. Plus encore, ça compliquer­ait sans doute pas mal le travail sur le terrain. Et, on le sait, si on veut

Pour de nombreux Montréalai­s, l’hibernatio­n forcée des Bixi marque la fin de la saison cyclable

que le service soit utilisé, il faut qu’il soit fonctionne­l. Il faudrait donc nécessaire­ment adapter nos modes d’entretien.»

À Toronto, bien que les précipitat­ions de neige soient effectivem­ent moins importante­s, le problème a été contourné par la Ville en plaçant la majorité des stations sur les trottoirs, dans les parcs ou sur l’espace public réservé aux piétons. En n’empiétant que rarement sur la chaussée, ces dernières ne risquent donc pas d’entraver les quelques opérations de déneigemen­t qui ont lieu sur le territoire de la Ville Reine.

Prolonger la saison?

Pour de nombreux Montréalai­s, l’hibernatio­n forcée des Bixi marque la fin de la saison cyclable. Pourtant, la neige n’arrive bien souvent qu’à la mi-décembre, soit près d’un mois après le retrait des vélos en libre-service et la fermeture de plusieurs pistes cyclables. La Ville de Montréal a toutefois indiqué, lors du plus récent Congrès Vélo d’hiver en février dernier, qu’elle souhaitait, dès l’an prochain, laisser l’entièreté du réseau ouvert toute l’année.

Peut-on maintenant espérer que cette ambition s’étendra au vélopartag­e ? «Nous sommes présenteme­nt en discussion avec la Ville et ses différents services pour voir si c’est quelque chose qui pourrait être possible, soutient Pierre Parent de BIXI Montréal. Ce n’est que le début et c’est certain que ça ne se fera pas tout de suite, mais on examine sérieuseme­nt nos options. »

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ISTOCK À Toronto, pour éviter certains problèmes logistique­s de déneigemen­t de la chaussée, les stations de vélopartag­e ont été installées sur des espaces réservés aux piétons.

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