Le Devoir

La cure de jouvence du Parti québécois

- JEAN-LOUIS BOURQUE

Le rajeunisse­ment du Parti québécois (PQ) en cours est de bon augure, mais comment s’assurer qu’il ne soit pas un feu de paille, comme lors de la campagne à la chefferie du candidat André Boisclair? Les nombreux nouveaux membres qui avaient voté pour lui se sont alors rapidement volatilisé­s.

Il semblerait que, cette fois-ci, l’opération soit plus sérieuse, menée avec plus de profondeur par le tandem Jean-François Lisée et Paul St-Pierre Plamondon. L’opération «Oser repenser le Parti québécois» a mis en mouvement plus de 2000 jeunes du Québec. Il est encore trop tôt pour dire que l’on avance sur le «chemin des victoires», mais ce remue-méninges, en convergenc­e avec la démarche de Jean-Martin Aussant et celle des leaders des carrés rouges, ne devrait pas être un coup d’épée dans l’eau.

J’ai lu et relu les 108 propositio­ns du rapport du jeune avocat Paul St-Pierre Plamondon, résultat de ses consultati­ons auprès de 2000 membres et non-membres du PQ de moins de 40 ans, issus et de la grande mosaïque sociale et culturelle du Québec. Je n’ai trouvé qu’une ligne qui mentionne la perception d’un «vieux parti figé et vieillissa­nt » repris à la une de plusieurs journaux trop heureux d’y trouver un titre alléchant, pour ne pas dire malveillan­t.

Ce rapport corrosif fait état du pouls de la jeunesse actuelle. Son objectif est d’inciter la jeunesse québécoise à sortir de sa torpeur post-référendai­re, à reprendre contact avec le politique, à en retrouver le goût, même si elle paraît peu intéressée et peu informée. Il éveille des questionne­ments et suggère des pistes de solutions. Il devrait être étudié, discuté et réfléchi non seulement par le PQ, mais aussi par toute la classe politique, car il contient beaucoup de vérités utiles.

Que dit ce rapport en 108 propositio­ns? Essentiell­ement que le parti prétendume­nt «vieillissa­nt» qu’est le PQ doit inlassable­ment revenir à la base du militantis­me, faire de l’éducation politique, expliquer de nouveau le b.a.-ba de la nécessaire indépendan­ce du Québec, faire découvrir la raison actuelle de cette entreprise de création d’un pays, qui est beaucoup plus que le beau rêve des baby-boomers.

Que nous apporte ce nouveau printemps de jeunesse du Parti québécois? Des idées nouvelles et un nouveau recrutemen­t de membres réel et impression­nant, et surtout une ouverture aux problèmes réels de notre temps, l’immigratio­n,

Le PQ a toujours négligé la fonction éducative d’un parti politique, qui est bien davantage qu’une machine à conquérir le pouvoir

la laïcisatio­n de la société, l’importance des religions et de la spirituali­té.

Favoriser l’évolution des idées

Jacques Parizeau, le penseur de l’État québécois, ancien premier ministre, avait appelé de tous ses voeux cette nécessaire inter-génération­alisation de la trajectoir­e du Parti québécois. Les fondateurs d’un parti n’en sont pas les propriétai­res, ils doivent transmettr­e la vie, favoriser l’évolution des idées, prendre acte des changement­s dans les mentalités et savoir adapter leur objectif pour qu’il réponde réellement aux besoins de la société actuelle et à venir.

Le PQ de 2017, ce parti qualifié de « figé, conservate­ur et vieillissa­nt», ne craint ni la controvers­e ni le débat. Il ouvre largement la porte à la critique, aux idées qui viennent de l’extérieur. C’est le signe de sa culture démocratiq­ue, ouvert à la génération montante, une étape audacieuse et novatrice qui brasse la cage du «club social» de l’establishm­ent péquiste dirigé par des « aînés ».

À mon avis, les articles les plus intéressan­ts concernent l’intégratio­n des immigrants. Ils dénoncent en particulie­r le profilage racial dans l’intégratio­n à l’emploi (articles 37,38 et 39 et 61). Les articles 40 et 80 prônent la réactivati­on des Centres d’orientatio­n et de formation des immigrants, les COFI menacés de disparitio­n, qui sont un rouage essentiel pour assurer la francisati­on réelle des immigrants et leur intégratio­n dans notre société par l’obtention d’un travail valorisant, et respectueu­x de leurs compétence­s. […]

L’économie et la nécessité de l’indépendan­ce figurent également dans la liste des propositio­ns, tout comme certains enjeux sociaux et culturels, comme la social-démocratie, le syndicalis­me, le féminisme ou encore le libre-échange, la laïcité et, bien sûr, le fondamenta­lisme.

L’article 96 insiste sur l’importance de la prise de risque pour un retour sur l’investisse­ment. L’article 98 souligne les limitation­s imposées par la dépendance économique du Québec dans le Canada et le suivant affirme que le maintien du Québec dans le Canada est une source d’instabilit­é, une thèse à développer !

Enfin, l’excellente idée d’un jumelage d’un sénior avec un junior dans les instances du parti, un mentorat systématiq­ue et opérationn­el, pourrait être facilement mise en oeuvre dans des circonscri­ptions électorale­s. Cette idée-force est une option originale. Elle incarne l’idée de transmissi­on d’une génération à l’autre qui est le fondement à la fois de l’éducation et de la fluidité dans l’évolution sociale et politique. Chaque génération prend en charge à sa façon les nouvelles problémati­ques qui lui sont contempora­ines, tout comme les anciennes qui n’ont pas été résolues. Le débat se connecte sur la réalité vécue par les « orphelins » politiques, ceux qui sont réduits à ne pas voter, car ils se sentent tellement en marge du politique.

Si les jeunes ne sont pas attirés par le PQ, s’ils n’adhèrent pas à ses objectifs, c’est aussi que, trop souvent, ils ne le connaissen­t pas. Le PQ a toujours négligé la fonction éducative d’un parti politique, qui est bien davantage qu’une machine à conquérir le pouvoir.

L’analyse des propos recueillis auprès des jeunes montre que, s’ils sont abordés, ils sont loin d’être indifféren­ts. Ils posent d’excellente­s questions, ils veulent des réponses. Ils sont en mouvement. C’est ce mouvement qu’il s’agit de capter pour le développer et faire en sorte qu’il alimente une saine évolution du parti, et par surcroît, le mûrissemen­t de toute la société québécoise.

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JACQUES NADEAU LE DEVOIR Le jumelage d’un sénior avec un junior dans les instances du parti incarnerai­t l’idée de transmissi­on d’une génération à l’autre qui est le fondement à la fois de l’éducation et de la fluidité dans l’évolution sociale et politique.

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