Le Devoir

Hyesang Park : vous n’avez encore rien vu !

- CHRISTOPHE HUSS

RÉCITAL HYESANG PARK Bellini: Quatre ariettes et airs – Vaga luna che inargenti; Dolente immagine di Fille mia; Ma, rendi pur contento; Per pieta, bell’idol moi. Clara Schumann : Cinq Lieder – Ich stand in dunklen Träumen; Sie liebten sich beide; Er ist gekommen im Sturm und Regen; Liebst du um Schönheit; Das ist ein Tag, der Klingen mag. Rimsky-Korsakov: Le rossignol et la rose; Les nuages menacent. Poulenc: Métamorpho­ses; Deux poèmes de Louis Aragon. Granados: Trois Canciones amatorias – No lloréis ojuelos ; Mañanica era et Gracia Mia. Verdi: Air «Sempre Libera» extrait de La Traviata. Hyesang Park (soprano) Philip Chiu (piano). Salle Bourgie, dimanche 5 mars 2017.

Après le renversant récital d’András Schiff, vendredi, l’autre vrai événement musical de la fin de semaine s’est déroulé dimanche devant, hélas! une centaine de spectateur­s seulement à la Salle Bourgie.

Lauréate du 2e Prix du Concours musical internatio­nal de Montréal (CMIM) en 2015, la soprano coréenne Hyesang Park n’est pas encore connue du grand public, mais les présents pourront dire: «J’y étais!» Car on n’a pas fini d’entendre parler de cette chanteuse de 28 ans, qui s’est adressée aux spectateur­s avec des mots très touchants pour Montréal, qui en disaient long sur l’importance du CMIM pour l’aura de la métropole. «Vous êtes comme mes parents, vous me voyez grandir», a notamment déclaré Park. Lorsqu’elle a enchaîné, en rappel, le Psaume 23 chanté en coréen, bien des yeux étaient embués devant tant de touchante beauté et de juste émotion.

La chanteuse a fait des progrès à la fois fascinants et fulgurants depuis deux ans. Imaginez que Hyesang Park (28 ans, je le rappelle) a chanté par coeur des mélodies en italien, en allemand, en russe, en français et en espagnol, avec une prononciat­ion immaculée de toutes les langues et une vraie recherche stylistiqu­e.

Park s’est emmêlée dans les paroles de la seconde ariette de Bellini et a rajouté un e à «lait glacé » dans une mélodie de Poulenc, mais ce sont des broutilles par rapport à sa compréhens­ion des divers idiomes musicaux: vrai envol sur Das ist ein Tag de Schumann, sinuosités voluptueus­es dans Rimski-Korsakov, texte fusant d’Aragon mis en musique par Poulenc. Et quel subtil accompagne­ment de Philip Chiu.

La voix est somptueuse, d’une ampleur incroyable pour une chanteuse de ce gabarit. Le travail à New York, ces deux dernières années, porte d’évidence sur un élargissem­ent du bas médium, cultivé par les airs de Bellini. Grosso modo, Hyesang Park peut suivre, mais une coche au-dessus en termes de moyens et d’aura, la courbe d’évolution vocale de Hiromi Omura (qui, elle aussi, a commencé colorature). Elle a des moyens formidable­s et une faculté d’apprentiss­age et d’assimilati­on hors normes.

Bref, Hyesang Park construit un profil de future diva. Vous aurez été prévenus…

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DARIO ACOSTA La soprano coréenne Hyesang Park

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