Boston ou Hollywood ?
LE BOSTON SYMPHONY ORCHESTRA Mozart: Concerto pour piano n° 22, K. 483. Berlioz : Symphonie fantastique. Emanuel Ax (piano), Andris Nelsons (direction). Maison symphonique de Montréal, samedi 4 mars 2017.
La venue de l’Orchestre symphonique de Boston a été un rendez-vous musical mondain très couru. Le public, dont une petite partie a témoigné aux invités bostoniens de notre culture de la musique française en applaudissant entre les mouvements de la Symphonie fantastique, a passé une bonne et spectaculaire soirée. Je ne vais pas essayer de les persuader du contraire, tout en cadrant les choses avec de nécessaires balises.
Dans les faits, le 22e Concerto de Mozart de Charles Richard-Hamelin, Mathieu Lussier et les Violons du Roy, il y a trois semaines, était plus poétique, plus frémissant, plus opératique, avec une plus efficace disposition des instrumentistes sur scène et des cadences pianistiques plus intéressantes. Par ailleurs, la fulgurante, viscérale, ardente et sardonique Fantastique de Jacques Lacombe avec l’OSM en février 2016 n’a en rien été dépassée samedi soir. Voilà pour le concert, un « très bon concert» n’apportant rien à notre vie musicale.
En termes orchestraux, les grands chocs à la Maison symphonique restent l’Orchestre du Festival de Budapest (Ivan Fischer) et l’Orchestre de la Radio bavaroise (Jansons), suivis du Mariinski (Gergiev). Le Boston Symphony n’en est pas moins d’un très haut niveau général avec une tenue impeccable des cordes (contrebasses!), une culture des bois, des percussions efficaces et des cuivres impressionnants, quoique très «américains», avec un son quasi lacérant.
Pour Emanuel Ax dans un Mozart sobre, convenu et un peu martelé, il était impossible de faire impression 24 heures après le stratosphérique récital d’András Schiff (compte rendu sur nos applications numériques). En bis, Ax a joué le Nocturne op. 27 n° 1 de Chopin.
Dans la Fantastique, Nelsons a organisé un théâtre sonore, au prix de quelques libertés qui font très «interprète», mais avec un hautbois trop peu éloigné au début de la Scène aux champs et sans remettre en cause la version habituelle du Bal, mouvement qui gagne tant à l’emploi de la version originale avec cornet. À ce sujet, Nelsons, lui-même trompettiste pourtant, argumente qu’il «a toujours dirigé cette version » et que «l’effet est plus narcotique». Sauf que Berlioz est sous opiacés dans le 4e volet, pas dans le 2e…
Andris Nelsons est le centre d’attention de l’ensemble. Le spectacle, c’est lui sur son podium, dans une grande séance d’incarnation gestuelle de la musique, un numéro d’acteur hollywoodien à côté duquel Chuck Norris et Jean Claude Van Damme réunis n’ont même pas l’air de cabotins. Ici, l’appréciation de la chose devient subjective: certains peuvent trouver que cela les encourage à prêter plus d’attention à la musique, alors que cela détourne la mienne.
En voyant des pitreries même pas imaginables du chef et sachant que 80% de ces simagrées sont profondément inutiles sur le plan musical, je me suis demandé à plusieurs reprises comment des musiciens de ce niveau pouvaient non seulement tolérer un tel cirque, mais en plus le plébisciter au point de faire de ce musicien celui qu’ils vont voir 12 semaines par an. C’est leur choix. Bon courage !
Dans la Fantastique, Nelsons a organisé un théâtre sonore, au prix de quelques libertés qui font très « interprète »