Le Devoir

La liberté commande un meilleur contrôle

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Fin 2015, la commission Charbonnea­u recommanda­it de resserrer les contrôles sur l’octroi des contrats publics, notamment dans les villes. Avec le projet de loi 122, le gouverneme­nt Couillard leur consent plutôt davantage d’autonomie. Pour la très grande majorité de leurs contrats, les petites localités n’auront plus à procéder par appel d’offres.

Le projet de loi 122, déposé par le ministre des Affaires municipale­s et de l’Occupation du territoire, Martin Coiteux, propose de hausser de 25 000 $ à 100 000 $ la valeur des contrats municipaux soumis à l’obligation de procéder par appel d’offres. Si ce rehausseme­nt, réclamé par l’Union des municipali­tés du Québec (UMQ) et par la Fédération québécoise des municipali­tés (FQM), s’impose d’emblée pour les villes populeuses, il en va tout autrement des petites municipali­tés. Pour ces villes, la grande majorité des contrats qui sont actuelleme­nt sujets à des appels d’offres seront conclus de gré à gré.

Or, la commission Charbonnea­u avait déjà signalé que les petites municipali­tés manquaient cruellemen­t d’expertise dans l’octroi des contrats. Contrairem­ent aux plus grandes villes, elles ne disposent pas de mécanismes de surveillan­ce et de contrôle. En outre, les élus des petites municipali­tés sont plus vulnérable­s aux pressions des promoteurs et des fournisseu­rs que leurs pendants des grandes villes.

Mentionnon­s que 1006 des 1110 municipali­tés du Québec comptent moins de 10 000 habitants et abritent 21% de la population québécoise.

Le président du Conseil du trésor, Carlos Leitão, avant de passer le flambeau à Pierre Moreau, avait accepté d’amender le projet de loi 108 instituant l’Autorité des marchés publics (AMP) pour que les municipali­tés soient visées par la surveillan­ce du nouvel organisme alors que le projet de loi les excluait. Ironiqueme­nt, l’AMP aura pour mandat de scruter seulement les contrats qui feront l’objet d’un appel d’offres.

Certains maires estiment que le nouveau seuil de 100 000$ est trop élevé. Si le projet de loi 122 est adopté, la mairesse de Mont-Joli, Danielle Doyer, abaissera à moins de 50 000$ la barre des contrats qui pourront se conclure sans appel d’offres. Mont-Joli est une municipali­té de 6600 âmes, et son budget annuel s’élève à 11 millions de dollars. Selon elle, ce n’est pas parce que le gouverneme­nt permet aux municipali­tés de se soustraire aux appels d’offres pour des contrats d’une valeur jusqu’à 100 000 $ qu’une ville comme Mont-Joli va adopter cette pratique. Danielle Boyer croit que le seuil de 100 000 $ convient aux grandes villes, mais que plusieurs municipali­tés vont opter pour un seuil moins élevé.

De son côté, le maire de Saint-Jérôme, Stéphane Maher, estime que, pour sa ville de taille moyenne, qui, avec ses 75 000 habitants, est une capitale régionale, un seuil de 75 000$, en raison de l’augmentati­on des coûts des services profession­nels, serait suffisant. Il rejette le «mur-à-mur» et propose que la valeur maximale des contrats de gré à gré puisse être plus basse pour les plus petites municipali­tés, une suggestion qu’a aussi formulée la Ligue d’action civique, une organisati­on non partisane créée dans la foulée de la commission Charbonnea­u. Pour une ville de 1000 à 5000 habitants, le seuil de 100 000$ éliminerai­t la quasi-totalité des appels d’offres.

En commission parlementa­ire, Martin Coiteux avait expliqué que le nouveau seuil faisait partie des engagement­s de son gouverneme­nt envers les municipali­tés. Il a répété que ce seuil était déjà en vigueur les commission­s scolaires et le réseau de la santé.

Or, en matière de contrats de gré à gré, tant les commission­s scolaires que le réseau de la santé doivent observer une politique de gestion contractue­lle. Ces réseaux sont soumis à l’autorité de leur ministère respectif et à l’examen possible du Vérificate­ur général du Québec (VG).

Au Devoir, Martin Coiteux a souligné que toutes les municipali­tés du Québec devront se doter d’une politique de gestion contractue­lle. Les exigences minimales de cette politique seront définies par règlement dans le cadre d’un décret gouverneme­ntal. Le ministre a comparé cette obligation imposée aux municipali­tés à une contrepart­ie pour cette nouvelle liberté qu’elles obtiendron­t. Quelle autorité sera chargée de s’assurer que les municipali­tés respectent cette politique de gestion contractue­lle? Martin Coiteux ne l’a pas précisé.

Dans le cas des commission­s scolaires et du réseau de la santé, les ministères et le VG ont la haute main. Il faudrait qu’il en soit de même pour les petites municipali­tés, qui, contrairem­ent aux grandes villes, ne sont pas dotées de mécanismes de contrôle.

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ROBERT DUTRISAC

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