Le Devoir

Laissons décider les citoyennes sur le terrain

- MARTIN BÉCOTTE VIRGINIE BERNIER Travailleu­rs du milieu communauta­ire

Le 6 mars dernier, le ministre de la Famille, Sébastien Proulx, annonçait une enveloppe de 20 millions pour du financemen­t ponctuel et par projet pour les organismes communauta­ires autonomes intervenan­t auprès des familles. Contrairem­ent au financemen­t à la mission, ce type de financemen­t impliquera une lourde bureaucrat­ie en rédaction de projet et reddition de comptes pour les organismes communauta­ires et en analyse pour le gouverneme­nt. Ces organismes comptent majoritair­ement des femmes parmi leurs membres et employées, tout comme l’ensemble du milieu communauta­ire.

En 2015, ces femmes avaient témoigné durant la Commission populaire pour l’action communauta­ire autonome de l’impact des mesures d’austérité sur les familles et de l’inaccessib­ilité des services publics sur les enfants en difficulté. Elles ont également expliqué l’impact du sous-financemen­t sur leurs services aux familles et exprimé leur désarroi à la suite de l’annonce d’un financemen­t récurrent supplément­aire de 20 millions à la Fondation privée du docteur Julien. Le même montant de financemen­t à la mission récurrent qu’elles demandaien­t pour l’ensemble des organismes communauta­ires Famille du Québec depuis plusieurs années. Comme quoi les voix de milliers de femmes ne valaient pas celle d’un médecin.

Alors que la Fondation du docteur Julien intervient sur les difficulté­s individuel­les d’un enfant, elle se garde de critiquer les politiques publiques à la source de la pauvreté des ménages. Grâce à leur ancrage dans la communauté, les organismes communauta­ires Famille (OCF) répondent aux besoins des familles dans une approche semblable à la pédiatrie sociale, tout en transforma­nt la société afin de réduire durablemen­t les problèmes sociaux

Participer au débat public

Depuis 40 ans, elles y travaillen­t en mobilisant des dizaines de milliers de femmes dans leurs instances démocratiq­ues et la vie politique du Québec. Grâce aux organismes communauta­ires et aux OCF, des centaines de milliers de femmes participen­t au débat public.

En 2001, le gouverneme­nt du Québec reconnaiss­ait la contributi­on exceptionn­elle des organismes communauta­ires à la vie démocratiq­ue du Québec et au soutien des communauté­s en transforma­nt le financemen­t public par projet par un financemen­t à la mission. Par ce mode de financemen­t, le gouverneme­nt démontre sa confiance dans les citoyennes sur le terrain afin de déterminer les priorités locales. Depuis, les organismes communauta­ires ont géré le financemen­t public avec une grande rigueur et modestie, en utilisant ces sommes comme levier pour en multiplier les résultats.

Par contre, depuis plus de 10 ans, ce mode de financemen­t stagne. Les nouvelles enveloppes financent des projets précis répondant aux priorités politiques et permettant aux élus de faire plusieurs annonces publiques en cours de mandat.

Dans le cadre de la Journée internatio­nale du droit des femmes, plusieurs élus ont dit souhaiter une plus grande parité dans l’exercice du pouvoir. Si nos élites politiques sont sincères, elles doivent reconnaîtr­e la participat­ion importante des femmes du Québec au débat politique et dans l’exercice de la démocratie au sein des organismes communauta­ires autonomes du Québec.

Nous saluons l’annonce par le gouverneme­nt de l’attributio­n de ces 20 millions de dollars, mais en téléguidan­t systématiq­uement l’utilisatio­n des sommes, le gouverneme­nt se montre paternalis­te envers toutes ces femmes impliquées dans les organismes communauta­ires.

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