Le Devoir

Risque d’implosion

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N ’ oublions pas que le Royaume-Uni en est là aujourd’hui parce qu’en 2016, le premier ministre d’alors, David Cameron, a décidé de tenir un référendum qu’il se croyait raisonnabl­ement sûr de remporter. Fort de cette victoire, obtenue sur fond de concession­s négociées au préalable avec l’Union européenne (UE), il mettrait le couvercle sur les voix europhobes — et le tour serait joué. À la surprise générale, comme on le sait, il a perdu son pari: le 23 juin 2016, 51,9% des électeurs britanniqu­es se prononcent pour le Brexit — le divorce du Royaume Uni d’avec l’UE —, soulevant toute une série de défis et de questionne­ments croisés comme le pays et l’Europe en ont rarement vécu.

Les temps pourraient difficilem­ent être plus embrouillé­s. Une nouvelle étape a été franchie lundi soir, avec l’approbatio­n par le Parlement britanniqu­e du projet de loi autorisant la première ministre Theresa May à lancer la procédure d’un Brexit «dur» — ce qu’elle s’est engagée à faire d’ici la fin du mois. Simple formalité que ce vote, certes, mais une formalité remplie à contrecoeu­r puisque la majorité des élus, obéissant à la décision référendai­re prise par le peuple, n’en sont pas moins opposés au Brexit, comme l’est d’ailleurs Mme May.

La tâche de Mme May s’annonce des plus délicates: d’abord, négocier le Brexit dans un délai de deux ans dans l’intérêt des deux parties, sans compromett­re tous les ponts qui ont été construits avec le temps entre le Royaume-Uni et l’UE. Non moins difficile sera la tâche de juguler les risques de déchiremen­ts intérieurs, annoncés non seulement par la volonté bien affirmée de la première ministre écossaise, Nicola Sturgeon, de tenir une nouvelle consultati­on référendai­re sur l’indépendan­ce, mais aussi par celle exprimée en Irlande du Nord, où les nationalis­tes du Sinn Féin, sortis renforcés des législativ­es tenues début mars, en appellent de leur côté à la tenue d’un référendum d’union «dès que possible» avec la République d’Irlande.

Au contraire des autres, les Écossais et les Nord-Irlandais ont voté l’année dernière contre la sortie de l’UE dans des proportion­s respective­s de 62 et 56%. À partir du moment où la Grande-Bretagne revendique son «indépendan­ce» face à l’UE, il serait bien malvenu de la part de Londres (qui doit donner son autorisati­on) d’interdire maintenant à l’Écosse de s’interroger sur son avenir. Comme il est malvenu de reprocher au gouverneme­nt indépendan­tiste de Mme Sturgeon de vouloir profiter des «conditions gagnantes» que lui offre le Brexit.

L’Irlande du Nord présente quant à elle une situation objectivem­ent dangereuse dans la mesure où elle pourrait redevenir une poudrière que Londres aura intérêt à manipuler avec le plus grand soin. Tel est le legs de M. Cameron.

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GUY TAILLEFER

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