Le Devoir

Le REM ne sera pas la panacée

- MICHAEL FISH ALISON HACKNEY MAXIME ARNOLDI LAUREL THOMPSON

Plusieurs d’entre nous, à la perspectiv­e d’un lien rapide vers l’aéroport de Dorval ou devant la possibilit­é de parcourir en quinze minutes la distance entre Brossard et le centre-ville de Montréal avons été entraînés dans la pensée magique. Malgré l’ajout proposé de nouvelles connexions, le projet de train à haute vitesse à travers l’Ouest-de-l’Île ne sera pas la panacée qui propulsera Montréal à l’avant-garde des villes du XXIe siècle. Cela, tout simplement parce qu’après un examen attentif, force est de constater qu’il ne s’agit pas d’un grand projet de transport collectif ni, malgré une technologi­e moderne, d’une solution innovante pour régler les problèmes de transports de notre ville.

La stratégie de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) repose sur le marché immobilier, et les Montréalai­s, s’ils donnent leur aval au plan de la CDPQ, peuvent s’attendre à des décennies de services de transports en commun inefficace­s et à des déficits budgétaire­s qui feront paraître la situation actuelle plutôt idyllique malgré ses nombreuses imperfecti­ons. Les employés à la retraite seront heureux de retirer leur pension tandis que tous les autres devront se contenter d’un service d’autobus sous-financé en attente d’un très hypothétiq­ue prolongeme­nt de la ligne de métro vers l’est qui ne viendra pas.

Si l’idée d’une liaison de l’aéroport avec le centre-ville avait été viable économique­ment, il y a longtemps qu’elle aurait été faite. La solution la plus sensée est de relier l’aéroport à la gare Centrale sans escale en utilisant une voie directe du CN, déjà existante. C’est la solution appuyée par de nombreuses études faites au cours des ans. Le lien entre l’Ouest-de-l’Île et l’aéroport se fera toujours en taxi ou en autobus, mais on pourrait fermer la gare de triage de Côte-Saint-Luc au profit de la gare intermodal­e projetée de Vaudreuil, libérant ainsi au moins une des lignes de fret actuelles pour le transport ferroviair­e de banlieue et/ou la connexion entre Montréal et l’aéroport. Les autres destinatio­ns transitera­ient par la gare Centrale. Utiliser une voie dédiée au transport ferroviair­e des passagers de banlieue pour le trajet vers l’aéroport va à l’encontre de l’objectif, qui est de fournir le service rapide entre les deux points. Un habitant de l’Ouest-de-l’Île qui doit prendre l’avion choisirait-il vraiment de se rendre en taxi ou en navette vers le SkyTrain, puis du SkyTrain vers l’aéroport?

Pont Champlain

Maintenant, qu’en est-il du lien entre Brossard et le centre-ville? Le lien vers le centrevill­e passant par le nouveau pont Champlain pourrait continuer de se faire comme maintenant, par autobus, pendant des années. Plutôt que la solution radicale du « train surélevé » de la CPDQ, pourquoi pas une solution plus viable, plus flexible et moins coûteuse qui viendrait de notre AMT? Il n’y a aucun avantage à créer de nouvelles lignes reliant Brossard à Deux-Montagnes. En électrifia­nt les trains en provenance de Mont-Saint-Hilaire pour correspond­re à la tension existante de la ligne de Deux-Montagnes, on pourrait les fusionner en une seule ligne. Selon le plan de la Caisse, relier le Réseau électrique métropolit­ain (REM) à des voies ferrées existantes n’est justifié que si des dépenses en immobilisa­tions autour des nouvelles stations de transfert s’avèrent économique­ment viables. […]

L’objectif qui sous-tend le projet de la CDPQ est d’assurer à ses clients un retour stable et prévisible de l’ordre de 7 à9% à long terme, et avec un faible risque de perte en capital. Bien sûr, le transport en commun n’apporte pas un rendement de 7 à 9%! Ces infrastruc­tures nécessiten­t d’importante­s subvention­s gouverneme­ntales. Alors comment la Caisse prévoit-elle de pouvoir offrir à ses investisse­urs un rendement si élevé à long terme? Bienvenue à la «captation de la plus-value foncière» qui entra il y a quelques années dans le vocabulair­e des gouverneme­nts comme une nouvelle façon de retirer de leurs livres des dettes pour les services publics essentiels.

Gouffre financier

Au lieu de payer l’ensemble des coûts des services publics de la façon habituelle avec des obligation­s d’État, les gouverneme­nts permettent maintenant aux investisse­urs privés de payer pour les infrastruc­tures en échange de la possibilit­é d’occasions d’affaires que fournissen­t ces nouvelles infrastruc­tures. Cette stratégie permet d’assurer jusqu’à 35% du coût en capital d’un projet, et même d’assumer des pertes opérationn­elles. Et si malgré ce cadeau le projet s’avérait être un gouffre financier, la Caisse pourra toujours, en dépit de ses promesses, augmenter ses tarifs pour atteindre ses rendements à long terme en prétextant le fait que les coûts sont plus élevés que ce qui était prévu. Au cours des prochaines années, on peut donc s’attendre à payer beaucoup plus cher son titre de transport, où que ce soit dans la région métropolit­aine, et même si on n’utilise pas le SkyTrain !

Du fait de la technologi­e très dispendieu­se utilisée et des dépenses en immobilisa­tion élevées, l’organisme Coalition Climat Montréal estime que le coût moyen par déplacemen­t pourrait augmenter de 8 $ à 18 $! […]

Imaginez-vous en train de magasiner pour une nouvelle voiture et que le concession­naire vous propose le modèle le plus cher tout en vous assurant que vous n’avez pas d’autre option? Lui tendrez-vous votre carte de crédit, ou bien irez-vous faire votre propre recherche pour trouver d’autres options ?

 ?? CDPQ ?? Malgré l’ajout proposé de nouvelles connexions, le projet de train à haute vitesse à travers l’Ouestde-l’Île ne sera pas la panacée qui propulsera Montréal à l’avant-garde des villes du XXIe siècle.
CDPQ Malgré l’ajout proposé de nouvelles connexions, le projet de train à haute vitesse à travers l’Ouestde-l’Île ne sera pas la panacée qui propulsera Montréal à l’avant-garde des villes du XXIe siècle.

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