Médias Deux applications radio pour les réunir toutes ?
Les agrégateurs Radioplayer et iHeart Radio ont récemment investi le marché canadien pour donner aux radios une meilleure force de frappe et pour s’adapter au jeune public et aux nouvelles technologies
Àla maison comme en voiture, la bonne vieille radio FM voit son règne bouleversé par de nouvelles technologies et des habitudes d’écoute différentes. Les services de streaming et les logiciels intégrés dans presque tous les nouveaux véhicules viennent bousculer le paysage.
Voyant venir les nuages à l’horizon, les stations du pays ont répondu ces dernières semaines en unissant leurs forces pour retrouver les bonnes grâces des auditeurs. Deux initiatives parallèles — et complémentaires — ont vu le jour récemment sous la forme d’applications mobiles pour téléphones et tablettes, qui servent d’agrégateurs de stations de radio.
La plus récente offensive est celle de Radioplayer Canada, qui regroupe sous la même icône un grand nombre de réseaux concurrents du pays, dont Corus, Cogeco, RNC, Rogers, Radio-Canada et plusieurs autres. L’application réunit environ 400 radios et accueillera bientôt une centaine de stations communautaires. Du contenu archivé pourra aussi y être écouté.
Déjà en octobre, la centaine de stations de Bell au pays avait lancé sa propre «app», sous l’égide du gros joueur américain iHeart Radio. Le logiciel permet entre autres d’écouter les stations du réseau Énergie, Rouge FM et Virgin. On y trouve aussi une centaine de listes d’écoute classées par style ou par thématique.
Trouver le public
Pour les deux regroupements, ces applications servent entre autres à aller chercher un public moins enclin à écouter la bande FM.
«La radio, si tu regardes les statistiques, elle est encore super forte, explique Patrick Langlois, animateur à Énergie et porte-parole d’iHeart Radio au Canada francophone. Je pense que le problème c’est que quand tu arrives à la maison, il n’y en a presque plus des petites radios à roulette, comme on dit ! »
Chez Radioplayer Canada — qui exploite une licence de sa maison mère britannique —, on constate aussi que les 18-34 ans mangent moins de radio. «Ils consomment de la musique, et ils la consomment beaucoup sur leur téléphone, fait remarquer Luc Tremblay, vice-président stratégie numérique chez Cogeco. Alors évidemment, le premier principe, c’est d’être présent-là. »
Selon M. Tremblay, les Spotify et les Google Music de ce monde grugent d’abord des parts dans le marché du disque, « mais avec leurs playlists générées par l’intelligence ar tificielle, ils viennent quand même un peu jouer dans la cour de la radio. »
«Oui, il y a une application et c’est un peu le clou de tout ça, mais c’est plus que ça. On crée un gros parapluie, une compagnie » qui devient synonyme de tout ce qui est musique. Patrick Langlois, animateur à Énergie et porteparole d’iHeart Radio au Canada francophone
Force de frappe
La plupart des radios hertziennes au pays sont déjà présentes sur le Web, et beaucoup ont même leur propre application. À quoi bon alors se rassembler ainsi? Pour créer une marque forte, entre autres.
«Oui, il y a une application et c’est un peu le clou de tout ça, mais c’est plus que ça, raconte Patrick Langlois. On crée un gros parapluie, une compagnie qui devient synonyme de tout ce qui est musique. » iHeart Radio a les mains dans l’événementiel, rappelle-t-il en évoquant le iHeart Radio Fan Fest et le gala des Much Music Video Awards, maintenant présenté par l’application.
La marque américaine iHeart Radio, qui regroupe quelque 850 stations au sud de la frontière, permet aussi d’organiser des concours d’envergure et d’inviter de gros noms de la scène musicale. «Quand je fais un pitch pour une entrevue, je te jure que j’ai une plus grande force de frappe quand je dis que c’est Patrick Langlois d’iHeart Radio Canada, les artistes connaissent ce brand-là et sont pas mal plus enclins à faire mon entrevue que si je parle d’Énergie à Montréal, qui ne leur dit peut-être absolument rien.»
Dans l’auto, par défaut
Chez Radioplayer Canada, l’union de presque 25 réseaux au pays permettra de parler d’une voix forte aux constructeurs automobiles. Si aux dires de Luc Tremblay, de Cogeco, près du tiers de l’écoute radiophonique se fait derrière le volant, les choses pourraient changer. La plupart des automobiles ont maintenant un écran dans le tableau de bord, sur lequel sont très souvent installés les logiciels Car Play d’Apple ou Android Auto.
« Soudainement, il y a de la compétition à la bande FM, qui potentiellement peut être reléguée à l’arrière-plan, derrière l’interface.» Le défi est donc pour les diffuseurs de revenir à l’avant-plan, en réussissant à s’imposer comme une application présente par défaut sur les différents logiciels.
«Si tu parles au nom de tous les radiodiffuseurs canadiens à part Bell — on représente environ 80% des radiodiffuseurs canadiens avec Radioplayer —, tu as une conversation qui est pas mal plus sérieuse que si chacun se présentait seul à la table.»
Aucune décision n’a encore été prise, mais M. Tremblay assure que les discussions sont en cours. Quant à iHeart Radio, elle est déjà présente par défaut sur l’interface Car Play.
Une union des unions?
Bell serait ouvert à l’intégration de nouvelles radios sur la plateforme iHeart Radio, de la même manière que Radioplayer n’est pas fermé à accueillir les stations de Bell sur son application. «Ça serait souhaitable qu’ils soient là, mais ils ont choisi de faire leur chemin avec iHeart Radio, dit Luc Tremblay. Mais ils pourraient aussi être disponibles sur Radioplayer, la porte est ouverte.»
Tous ces mariages de raison restent étonnants dans une industrie très compétitive comme celle de la radio. Luc Tremblay en convient, mais évoque une collaboration fluide. «On bâtit un nouvel environnement pour diffuser nos contenus audio, et on rend cet environnement-là le plus fort possible. Ensuite, on se battra pour nos parts de marché.»