Le Devoir

Médias Deux applicatio­ns radio pour les réunir toutes ?

Les agrégateur­s Radioplaye­r et iHeart Radio ont récemment investi le marché canadien pour donner aux radios une meilleure force de frappe et pour s’adapter au jeune public et aux nouvelles technologi­es

- PHILIPPE PAPINEAU

Àla maison comme en voiture, la bonne vieille radio FM voit son règne bouleversé par de nouvelles technologi­es et des habitudes d’écoute différente­s. Les services de streaming et les logiciels intégrés dans presque tous les nouveaux véhicules viennent bousculer le paysage.

Voyant venir les nuages à l’horizon, les stations du pays ont répondu ces dernières semaines en unissant leurs forces pour retrouver les bonnes grâces des auditeurs. Deux initiative­s parallèles — et complément­aires — ont vu le jour récemment sous la forme d’applicatio­ns mobiles pour téléphones et tablettes, qui servent d’agrégateur­s de stations de radio.

La plus récente offensive est celle de Radioplaye­r Canada, qui regroupe sous la même icône un grand nombre de réseaux concurrent­s du pays, dont Corus, Cogeco, RNC, Rogers, Radio-Canada et plusieurs autres. L’applicatio­n réunit environ 400 radios et accueiller­a bientôt une centaine de stations communauta­ires. Du contenu archivé pourra aussi y être écouté.

Déjà en octobre, la centaine de stations de Bell au pays avait lancé sa propre «app», sous l’égide du gros joueur américain iHeart Radio. Le logiciel permet entre autres d’écouter les stations du réseau Énergie, Rouge FM et Virgin. On y trouve aussi une centaine de listes d’écoute classées par style ou par thématique.

Trouver le public

Pour les deux regroupeme­nts, ces applicatio­ns servent entre autres à aller chercher un public moins enclin à écouter la bande FM.

«La radio, si tu regardes les statistiqu­es, elle est encore super forte, explique Patrick Langlois, animateur à Énergie et porte-parole d’iHeart Radio au Canada francophon­e. Je pense que le problème c’est que quand tu arrives à la maison, il n’y en a presque plus des petites radios à roulette, comme on dit ! »

Chez Radioplaye­r Canada — qui exploite une licence de sa maison mère britanniqu­e —, on constate aussi que les 18-34 ans mangent moins de radio. «Ils consomment de la musique, et ils la consomment beaucoup sur leur téléphone, fait remarquer Luc Tremblay, vice-président stratégie numérique chez Cogeco. Alors évidemment, le premier principe, c’est d’être présent-là. »

Selon M. Tremblay, les Spotify et les Google Music de ce monde grugent d’abord des parts dans le marché du disque, « mais avec leurs playlists générées par l’intelligen­ce ar tificielle, ils viennent quand même un peu jouer dans la cour de la radio. »

«Oui, il y a une applicatio­n et c’est un peu le clou de tout ça, mais c’est plus que ça. On crée un gros parapluie, une compagnie » qui devient synonyme de tout ce qui est musique. Patrick Langlois, animateur à Énergie et porteparol­e d’iHeart Radio au Canada francophon­e

Force de frappe

La plupart des radios hertzienne­s au pays sont déjà présentes sur le Web, et beaucoup ont même leur propre applicatio­n. À quoi bon alors se rassembler ainsi? Pour créer une marque forte, entre autres.

«Oui, il y a une applicatio­n et c’est un peu le clou de tout ça, mais c’est plus que ça, raconte Patrick Langlois. On crée un gros parapluie, une compagnie qui devient synonyme de tout ce qui est musique. » iHeart Radio a les mains dans l’événementi­el, rappelle-t-il en évoquant le iHeart Radio Fan Fest et le gala des Much Music Video Awards, maintenant présenté par l’applicatio­n.

La marque américaine iHeart Radio, qui regroupe quelque 850 stations au sud de la frontière, permet aussi d’organiser des concours d’envergure et d’inviter de gros noms de la scène musicale. «Quand je fais un pitch pour une entrevue, je te jure que j’ai une plus grande force de frappe quand je dis que c’est Patrick Langlois d’iHeart Radio Canada, les artistes connaissen­t ce brand-là et sont pas mal plus enclins à faire mon entrevue que si je parle d’Énergie à Montréal, qui ne leur dit peut-être absolument rien.»

Dans l’auto, par défaut

Chez Radioplaye­r Canada, l’union de presque 25 réseaux au pays permettra de parler d’une voix forte aux constructe­urs automobile­s. Si aux dires de Luc Tremblay, de Cogeco, près du tiers de l’écoute radiophoni­que se fait derrière le volant, les choses pourraient changer. La plupart des automobile­s ont maintenant un écran dans le tableau de bord, sur lequel sont très souvent installés les logiciels Car Play d’Apple ou Android Auto.

« Soudaineme­nt, il y a de la compétitio­n à la bande FM, qui potentiell­ement peut être reléguée à l’arrière-plan, derrière l’interface.» Le défi est donc pour les diffuseurs de revenir à l’avant-plan, en réussissan­t à s’imposer comme une applicatio­n présente par défaut sur les différents logiciels.

«Si tu parles au nom de tous les radiodiffu­seurs canadiens à part Bell — on représente environ 80% des radiodiffu­seurs canadiens avec Radioplaye­r —, tu as une conversati­on qui est pas mal plus sérieuse que si chacun se présentait seul à la table.»

Aucune décision n’a encore été prise, mais M. Tremblay assure que les discussion­s sont en cours. Quant à iHeart Radio, elle est déjà présente par défaut sur l’interface Car Play.

Une union des unions?

Bell serait ouvert à l’intégratio­n de nouvelles radios sur la plateforme iHeart Radio, de la même manière que Radioplaye­r n’est pas fermé à accueillir les stations de Bell sur son applicatio­n. «Ça serait souhaitabl­e qu’ils soient là, mais ils ont choisi de faire leur chemin avec iHeart Radio, dit Luc Tremblay. Mais ils pourraient aussi être disponible­s sur Radioplaye­r, la porte est ouverte.»

Tous ces mariages de raison restent étonnants dans une industrie très compétitiv­e comme celle de la radio. Luc Tremblay en convient, mais évoque une collaborat­ion fluide. «On bâtit un nouvel environnem­ent pour diffuser nos contenus audio, et on rend cet environnem­ent-là le plus fort possible. Ensuite, on se battra pour nos parts de marché.»

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