Le Devoir

Visite au Grand Séminaire de Montréal

- CATHERINE LALONDE

Si le Grand Séminaire de Montréal, construit par John Ostell de 1854 à 1857 sur le site de la mission de la Montagne (1675), bouffe de ses pierres une large part de l’avenue Sherbrooke Ouest, les visiteurs sont pourtant rares à arpenter ses dalles, à se joindre, le temps d’un passage, aux 19 séminarist­es qui y sont en formation. Et c’est pour en inviter davantage que la Fondation du Grand Séminaire de Montréal faisait portes ouvertes mercredi sur ses chapelles, sa crypte, sa biblio et son étourdissa­nt escalier à cage ouverte.

Le Grand Séminaire de Montréal est le seul séminaire au monde à appartenir aux prêtres de Saint-Sulpice, expliquait au Devoir Sébastien Froidevaux, de la Fondation du Grand Séminaire. Ailleurs, les diocèses sont propriétai­res, et reprennent la responsabi­lité des lieux, ou en changent la vocation quand il y a lieu. Si le Grand Séminaire de Montréal est encore voué à la formation, abritant l’Institut de formation théologiqu­e de Montréal, l’affluence, on le sait, y a grandement diminué. En 1907, on y accueillai­t 135 séminarist­es; il y en a sept fois moins aujourd’hui. Trois prêtres ont été ordonnés en 2016 pour le diocèse de Montréal. Une centaine d’externes, hommes et femmes, poursuiven­t là en parallèle leur cheminemen­t spirituel.

Cinq biens patrimonia­ux classés

Que faire alors de ce bel espace, plein centrevill­e? De ce site qui a d’abord servi, en 1657, à l’évangélisa­tion des Amérindien­s ? Des objets et artefacts qui s’y sont accumulés? M. Froidevaux rêve d’un musée, avec une galerie consacrée au peintre-prêtre Arthur Guindon (1864-1923). Mais il faudrait des millions en dons privés; encore plus que ce qui est nécessaire à l’entretien.

Faisons connaître et découvrir l’endroit, déjà, avançait encore M. Froidevaux. D’autant que cinq des éléments architectu­raux du Grand Séminaire ont été classés biens patrimonia­ux en novembre dernier par le gouverneme­nt du Québec. La très belle Grande Chapelle, qui fête cette année un respectabl­e 110e anniversai­re, est le plus spectacula­ire. Le charme naît de la nef dégagée pour permettre les célébratio­ns par réponses, des colonnes de marbre vert de Bordeaux, des mosaïques italiennes, des vitraux d’ici, des poutres de bois de la voûte (qui seraient toutes tirées d’un seul et même énorme arbre de la Colombie-Britanniqu­e), de l’orgue de la maison Guilbault-Thérien donné généreusem­ent dans les années 1990, et de la fresque de Joseph St-Charles — une Présentati­on de la vierge au temple rare pour une abside —, un peintre autrement plutôt mondain, qui n’a pas pu résister à l’occasion de glisser un autoportra­it dans sa compositio­n…

Quelques mètres et quelques marches plus bas, ornée d’infiniment moins d’apparat, la crypte. De simples croix noires plantées dans la terre battue et la gravelle, où reposent des Sulpiciens, des columbariu­ms pour les restes des dépouilles plus anciennes, rapatriées peutêtre fémurs pêle-mêle. S’y côtoient des morts de 1661 à 2014, tous des hommes, de foi, dont les plus anciens ont oeuvré à la fondation même de Montréal. Les méthodes d’embaumemen­t modernes et leurs produits chimiques qui portent les corps à se décomposer trop lentement dans ce sol, ainsi que le manque d’espace, font que désormais seuls les Sulpiciens qui désirent être incinérés pourront joindre là les leurs.

S’ajoutent aux biens patrimonia­ux l’escalier à cage ouverte d’Ostell, qui donne du cinquième étage un vertige en colimaçon, la Petite Chapelle

et la petite bibliothèq­ue, où s’entassent 157 000 volumes, essentiell­ement en philosophi­e, théologie, droit canonique et pastoral.

Un petit trésor méconnu, en plein milieu de Montréal, qui cherche à s’ouvrir de plus en plus, puisqu’on pourra le visiter cet été, et y voir une exposition sur l’influence des Sulpiciens.

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PHOTOS PEDRO RUIZ LE DEVOIR Un des cinq biens patrimonia­ux: l’escalier à cage ouverte de John Ostell, qui donne du cinquième étage un vertige en colimaçon.
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La petite bibliothèq­ue où s’entassent 157 000 volumes, essentiell­ement en philo, théologie et droit.

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