Le Devoir

Trois événements qui touchent à la censure

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Trois événements en quelques jours. Trois événements qui n’ont pas fait les grosses manchettes, mais qui auraient dû les faire si notre société tenait à certaines valeurs fondamenta­les. Je parle ici de la décision de la Ville Québec de ne pas présenter la pièce Djihad au prétexte que « la présentati­on d’un spectacle […] mettant en scène uniquement des personnage­s de la communauté musulmane en situation de radicalisa­tion» n’est peut-être pas le bon outil pour contrer cette radicalisa­tion.

Je parle aussi de la décision de la Faculté de l’éducation de l’UQAM d’annuler une conférence parce que des militants de l’AFESH (Associatio­n facultaire des étudiants en sciences humaines) ont menacé de la perturber à cause de la participat­ion prévue de Matthieu Bock-Côté.

Je parle enfin d’un coup de téléphone du bureau de Couillard qui a fait retirer une caricature de Phaneuf dans le Courrier du Sud représenta­nt le PM en burnous lapidant Fatima Houda-Pepin en lui souhaitant bonne fête le 8 mars.

Je rappellera­i qu’il y a deux ans, plusieurs parmi tout ce beau monde s’étaient déclarés «Charlie» et clamaient la nécessité de la liberté de parole en démocratie.

Ce qui est inquiétant dans tous ces événements, ce n’est pas tant la menace des autorités ou des groupes d’exercer des représaill­es si on ne suit pas leur consigne, mais plutôt le fait qu’on ait cédé à ces pressions.

Ce n’est pas d’hier que le politique ou des organismes essaient d’influencer le cours des choses, en particulie­r le contenu des médias. Lorsque j’étais réalisateu­r, j’ai eu l’honneur de recevoir un appel d’un proche conseiller du premier ministre Bourassa qui me suggérait de ne pas diffuser une entrevue que nous avions faite avec une chaise vide après que le gouverneme­nt eut refusé de nous accorder une entrevue. J’ai dit non.

Mais voilà qu’aujourd’hui, on voit de plus en plus fréquemmen­t d’interventi­ons semblables, lesquelles, qui plus est, sont de moins en moins discrètes. Elles se font au grand jour. Si les prétextes sont variés (préserver notre belle jeunesse d’une influence potentiell­ement néfaste, empêcher un tenant de la droite de s’exprimer parce qu’il a déjà trop de visibilité, protéger l’image et l’immense ego d’un premier ministre), il reste qu’elles ont en commun d’être de la censure. Et la censure, si le passé est garant de l’avenir, ouvre la porte à toutes les dérives, à l’autoritari­sme, voire à la dictature de la pensée unique. Accepter cela sans broncher, c’est nier un des fondements mêmes de la démocratie, le droit à la parole. François Jobin, écrivain Brownsburg-Chatham, le 13 mars 2017

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