L’automatisation n’entraînera pas de chômage massif
Les changements technologiques et l’automatisation du marché du travail canadien n’entraîneront pas les pertes d’emplois massives que certains redoutent, conclut un rapport de l’Institut C.D. Howe qui sera dévoilé ce jeudi.
Pendant que certains économistes craignent le pire avec le développement rapide de la robotisation, de l’intelligence artificielle et de l’Internet des objets, l’institut de recherche se montre rassurant. «Nous ne voyons aucune indication d’une menace imminente de chômage massif attribuable à l’automatisation», concluent les auteurs Matthias Oschinski, gestionnaire chez PwC, et Rosalie Wyonch, analyste à l’Institut C.D. Howe, dans leur étude d’une vingtaine de pages, la première du genre s’intéressant exclusivement au cas canadien.
«Le scénario apocalyptique qui veut que la moitié du Canada se retrouve sans emploi en l’espace de 10 ou 20 ans est alarmiste. Nous anticipons plutôt des changements graduels », explique Mme Wyonch en entrevue au Devoir.
Peu d’emplois à risque
En analysant les compétences associées à différentes professions et leur risque d’automatisation, l’Institut C.D. Howe a constaté que les emplois canadiens sont surtout concentrés dans des domaines où ce risque est faible.
Les secteurs d’activité dans lesquels le risque d’automatisation est jugé élevé pour 75 % des postes ne représentent que 310 000 emplois, soit 1,7% du total des emplois au Canada, calcule l’institut. À l’inverse, les secteurs où moins du quart des employés sont vulnérables à l’arrivée des technologies représentent 4,9 millions d’emplois, soit 27,5 % du total.
Les emplois les plus à risque se trouvent par exemple dans les secteurs de l’agriculture, de la fabrication ou de l’hébergement, tandis que les travailleurs des domaines de la finance, des services professionnels ou de la santé peuvent dormir tranquilles.
En comparaison, une analyse de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) publiée en mai 2016 estimait qu’un peu moins de 10% des travailleurs canadiens occupent un emploi qui compte au moins 70% de tâches automatisables.
Les auteurs du rapport soutiennent que le marché de l’emploi canadien s’est constamment adapté aux changements technologiques, et que tout porte à croire qu’il en sera de même dans les années à venir.
Ainsi, entre 1987 et 2015, la proportion d’emplois routiniers — qui sont plus susceptibles d’être automatisés — a reculé, alors que la part des postes impliquant des tâches non routinières, qu’elles soient cognitives ou manuelles, a augmenté. Évidemment, il est difficile de savoir si la transformation en cours sera plus rapide et plus profonde que les précédentes, mais Mme Wyonch en doute.
«On peut penser que l’intelligence artificielle et l’Internet des objets auront un impact plus important que l’arrivée de l’ordinateur, mais une hypothèse comme celle-là ne refléterait pas ce que nous apprennent 200 ans d’histoire économique», tranche-t-elle.
L’étude souligne par ailleurs que l’existence d’une technologie ne signifie pas nécessairement qu’elle sera utile ou commercialement viable dans l’immédiat. Son implantation dépend notamment de la taille de l’entreprise, de la pression des concurrents et de l’avantage comparatif entre le coût de la machine et celui de la main-d’oeuvre humaine, fait-on remarquer.
Formation continue
Il y aura évidemment des emplois happés par la vague, convient l’étude de C.D. Howe. Il est cependant possible de prendre le virage de l’automatisation, et ainsi permettre au Canada de demeurer concurrentiel sur la scène internationale, sans mettre en péril certains secteurs d’activité, plaide-t-on.
Pour y arriver, le rapport reprend une des recommandations formulées au début de l’année par le Forum économique mondial: favoriser la formation des employés tout au long de leur carrière, et non seulement avant d’entrer sur le marché du travail.
Cette responsabilité incombe à la fois aux secteurs public et privé, précise-t-on. «La combinaison d’établissements d’enseignement publics solides, d’une main-d’oeuvre très spécialisée et de politiques publiques existantes visant à aider les travailleurs déplacés pendant leur transition entre deux emplois constitue une base solide sur laquelle le Canada peut s’appuyer », souligne l’étude de C.D. Howe.
S’il veut tirer son épingle du jeu, le travailleur de demain devra miser sur ses compétences, son savoir-faire et sa créativité, résume Rosalie Wyonch, des aptitudes que les robots ne sont pas près de posséder.