Le Devoir

Le G20 tente d’esquisser la gouvernanc­e mondiale post-Trump

- FABIEN ZAMORA à Paris

L’impact réel de l’élection de Donald Trump sur la face du monde va commencer à se voir vendredi et samedi à Baden-Baden: le G20 réunit les grands argentiers pour relancer la gouvernanc­e mondiale et tenter d’ancrer les États-Unis dans le multilatér­alisme.

Commerce, guerre des devises, migrations, politiques de relance… Donald Trump semble vouloir bousculer les vaches sacrées de l’économie mondialisé­e libérale. Jusqu’à présent, tout est resté à l’état de déclaratio­n, ou presque. Maintenant, il va falloir travailler vraiment ces sujets.

«Cette réunion est sans doute l’une des plus importante­s de ces dernières années», estime le commissair­e européen Pierre Moscovici.

Si le ministère allemand des Finances estime pudiquemen­t que «les politiques américaine­s vont tenir un rôle » dans les débats et qu’il « n’y a pas de raison d’être pessimiste sur la relation avec les États-Unis», une source européenne ayant requis l’anonymat se demande sans ambages : «Est-ce que les États-Unis continuent de croire au G20 ? »

«Ce sera la première fois que nous aurons Steven Mnuchin [le secrétaire américain au Trésor] en format multilatér­al», rappelle une autre source européenne.

«Nous sommes dans une phase un peu particuliè­re, les orientatio­ns américaine­s sont assez difficiles à décrypter, nous voyons un décalage entre les positions de principe du président et ce qui ressort du niveau ministérie­l», explique sous couvert d’anonymat une autre source proche des travaux préparatoi­res.

L’effet Trump

« On n’y voit pas clair », résume un grand banquier européen qui suit ces dossiers de près. Mais le risque de frictions est réel et d’importance, car le G20-Finances est une cheville ouvrière essentiell­e avant le sommet du G20 de juillet à Hambourg.

Selon la chercheuse Brittaney Warren, du G20 Research Group, basé à l’Université de Toronto, «aucune des 20 priorités exprimées dans le discours d’intronisat­ion [de Donald Trump] ne s’aligne totalement sur les engagement­s du sommet du G20 de Hangzhou» en 2016.

Que contiendra le communiqué final, cette profession de foi qui oriente l’économie mondiale? Chaque mot sera scruté, et toute modificati­on de la doctrine du G20 sera commentée et perçue comme un «effet Donald Trump».

Selon un brouillon vu par Bloomberg News, il n’est plus question de «rejeter» ou de «résister contre le protection­nisme» comme le G20 le souhaitait ces dernières années.

Il ne s’agit pas que de mots creux. «Il est important de réitérer les engagement­s», a prévenu jeudi le gouverneur de la Banque centrale européenne, Mario Draghi. C’est un «pilier de la stabilité qui a accompagné la croissance mondiale ces 20 dernières années».

De même, «les Japonais craignent le retrait du communiqué des déclaratio­ns contre le protection­nisme […] Cela donnerait au gouverneme­nt Trump les mains libres pour s’en prendre à ce qu’il considérer­ait comme du “commerce déséquilib­ré ” », explique à l’AFP Ivan Tselichtch­ev, professeur d’économie à l’Université de gestion de Niigata (nord-ouest du Japon).

Un consensus possible?

Sous couvert d’anonymat, un responsabl­e américain a dit que son pays était « attaché à un commerce ouvert et équitable, c’est-à-dire un système du commerce dans lequel nos entreprise­s et nos travailleu­rs bénéficien­t d’une égalité de traitement». Il n’a pas précisé si les États-Unis allaient demander de reformuler les termes habituels du communiqué, mais il a ajouté que la délicate question des changes devrait être abordée, alors que Washington a critiqué notamment la Chine et l’Allemagne sur ce point.

La directrice du FMI, Christine Lagarde, a plaidé contre des «mesures qui affecterai­ent gravement le commerce, les migrations, les flux de capitaux et le partage de technologi­es». «En cette période d’incertitud­e politique, nous devons en profiter pour apporter des éclairciss­ements», selon M. Moscovici, qui souhaite notamment des engagement­s sur une « fiscalité juste et transparen­te », et «un commerce libre et équitable».

Pour M. Mnuchin, ancien banquier chez Goldman Sachs, il s’agira de trouver un compromis entre ce que souhaitent ses homologues et ce que défendra Donald Trump à Hambourg en juillet.

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EMMANUEL DUNAND AGENCE FRANCE-PRESSE Le commissair­e européen, Pierre Moscovici, souhaite notamment des engagement­s sur une «fiscalité juste et transparen­te» et «un commerce libre et équitable».

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