Le Devoir

La parole aux citoyens au FTA 2017

- CAROLINE MONTPETIT

Citoyens, la parole est à vous. Dans le monde culturel, la tendance est d’inviter sur scène l’homme et la femme de la rue, voire leurs enfants, avec ou sans les artistes. Ce courant est très présent dans la programmat­ion du Festival TransAméri­ques (FTA) 2017, qui a été dévoilée mardi. En spectacle d’ouverture, le festival propose 100 % Montréal, un spectacle de théâtre documentai­re créé par la compagnie Rimini Protokoll, à Berlin.

En fait, ce concept a tour à tour été mis en forme dans diverses villes, à Londres, à Bruxelles, mais aussi à Philadelph­ie, Vancouver ou Séoul. «Le besoin de voir radiograph­ier la ville est très fort, dit Martin Faucher, directeur artistique du FTA. On veut savoir qui on est, dans sa diversité et sa multiplici­té.»

Il s’agit, pour la compagnie Rimini Protokoll ou pour son interlocut­eur local, de se procurer des statistiqu­es démographi­ques sur la population de la ville. On recrute ensuite 100 citoyens qui sont représenta­tifs de cette population, selon leur tranche d’âge, leur langue maternelle et leurs conviction­s politiques.

« Les 100 personnes sur scène sont vraiment représenta­tives de la démographi­e de la ville», dit Martin Faucher. Ces citoyens sont ensuite invités sur scène pour un spectacle d’une heure quarante, au cours duquel le public est invité à leur poser des questions. « Cela peut aller de questions comme “qui a reçu des contraven- tions?”, ou “qui n’a pas payé ses contravent­ions?” à «“êtes-vous pour ou contre la peine de mort?”» poursuit Martin Faucher.

Interactiv­ité technologi­que

Et la tendance interactiv­e entre artistes et citoyens ne s’arrête pas là, dans la programmat­ion du FTA. Le spectacle Pôle Sud, d’Anaïs Barbeau-Lavalette et Émile Proulx-Cloutier, qui donne la parole aux habitants du Centre-Sud, reprend l’affiche à l’Espace libre. «Le spectacle de Gérard Reyes, The Principles of Pleasure, fait aussi appel au public, et l’invite à participer à une fête de libération du corps », poursuit M. Faucher.

De même, Anne Collod présente The Blank Placard Dance, Replay, par lequel un groupe de personnes déambule dans la ville avec des pancartes blanches et demande aux passants contre quoi ils voudraient manifester. «Cela avait été fait à San Francisco, en 1967, à l’époque des protestati­ons contre la guerre du Vietnam», dit Martin Faucher. Même la danseuse de flamenco Rocío Molina clôt son spectacle, Caída del Cielo, au milieu de la salle Ludger-Duvernay du Monument-National.

«Longtemps, on a vu les artistes dans leur tour d’ivoire, avec des projets idéaux, comme des êtres inaccessib­les. Là, ils vont être au coeur de la ville», poursuit le directeur artistique.

Cette tendance peut s’expliquer en partie par l’interactiv­ité induite partout par les nouvelles technologi­es. Le spectacle de la compagnie parisienne La Horde, To Da Bone, met d’ailleurs en scène des « jumpers » venus de neuf pays du monde, dont une fille de Montréal. Ses participan­ts pratiquent le jumpstyle en amateurs et ont été recrutés sur YouTube pour faire ce spectacle. «On appelle ça le post-YouTube», poursuit Martin Faucher.

La réalité technologi­que entraîne aussi une fragmentat­ion du discours. La 2b Company, de Lausanne, en donne un exemple dans Conférence de choses, de François Gremaud et Pierre Mifsud. La compagnie donnera six conférence­s sur différents thèmes, à travers la ville, mais le texte de la conférence se modifie en cours de route, à la manière du fil de lecture de quelqu’un qui consulte Wikipédia, et qui suit différents hyperliens.

Pour Martin Faucher, cette collaborat­ion avec le public ne doit pas cependant éclipser le travail de l’artiste profession­nel. «C’est un nouvel aspect de la pratique théâtrale ou de la pratique chorégraph­ique, qui vient s’ajouter à quelque chose qui existe déjà, dit-il, citant par exemple le travail du dramaturge polonais Krystian Lupa, qui présente la pièce Des arbres à abattre, ou d’Eszter Salamon, avec Monument O: hanté par la guerre (1913-2013).

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Martin Faucher

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