Le Devoir

Incertitud­e Trump

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Wall Street devenue vacillante et incertitud­e succédant à l’effet Trump… Ce deuxième budget Morneau, sans saveur, témoigne de la difficile modélisati­on de la politique économique, budgétaire et commercial­e des États-Unis.

Déjà mardi, en clôturant sa pire séance de 2017, Wall Street prenait soudaineme­nt ses distances d’une rhétorique euphorisan­te. L’effet Trump et le bond de quelque 10% du S& P 500 suivant les élections américaine­s de novembre ont cédé la place à l’inquiétude. Experts et observateu­rs n’y voient pas encore de cassure, mais le doute s’installe et remplace la complaisan­ce. Jouant de prudence, le deuxième budget du ministre fédéral des Finances, Bill Morneau, ne fait que témoigner de cette difficile lecture des effets collatérau­x des engagement­s du nouveau gouverneme­nt à Washington.

Une séance n’est pas un cycle et un repli de 1,2% n’est pas un krach boursier. Mais derrière cette pire séance de l’année pour Wall Street se profile une remise en question de la capacité du nouveau président à réaliser ses promesses économique­s. «Il y a maintenant des inquiétude­s qu’un bon nombre des mesures économique­s que M. Trump prévoyait d’appliquer puissent être en danger», pouvait-on lire dans un texte de l’Agence France-Presse.

Le marché s’inspirait alors de cet affronteme­nt entre le président et son parti sur la réforme du programme d’assurance maladie visant à remplacer l’Obamacare. «Notre optimisme va peutêtre se retrouver face au scénario défavorabl­e d’une opposition active à l’intérieur du parti républicai­n», soutenait un analyste cité par l’agence.

Entraves au commerce, contrainte­s à l’exportatio­n, fiscalité «compétitiv­e» des entreprise­s et baisse du fardeau fiscal des particulie­rs… Le budget libéral ne pouvait faire fi de ces éventualit­és américaine­s. Les freins sont appliqués sur les dépenses budgétaire­s. Bill Morneau réintrodui­t une réserve pour contingenc­es et se refuse à tout échéancier encadrant le processus de retour à l’équilibre budgétaire. Il abaisse ses prévisions de croissance. À 2% ou sous les 2% annuelleme­nt sur un horizon de cinq ans. À 1,9% cette année, contre une révision récente à 2,3% venant du secteur privé. À 4,1% cette année en termes nominaux, contre 4,7 % selon la moyenne du privé.

Débordemen­ts

Mais le budget ne pouvait y répondre, a priori. Il a déjà été écrit qu’un Congrès républicai­n pro-libre-échange et historique­ment réfractair­e aux grands débordemen­ts déficitair­es pourrait faire contrepoid­s à l’exubérance des promesses du président dénigrant les ententes commercial­es et combinant investisse­ments massifs dans les infrastruc­tures et réduction des impôts des entreprise­s et des particulie­rs.

D’autant que les études et analyses se succèdent pour démontrer que l’économie américaine ne serait pas immunisée, qu’elle subirait également les contrecoup­s de ses politiques restrictiv­es et de son protection­nisme.

Elle paierait le prix d’une taxe frontalièr­e sous la forme d’une chute des investisse­ments étrangers et de la productivi­té des compagnies américaine­s, a déjà chiffré CD Howe. Pour le cabinet spécialisé Addenda Capital, une fois passés les effets de court terme, les entraves au commerce se soldent par une augmentati­on des prix. «Les gains d’emplois qui découlerai­ent initialeme­nt des mesures protection­nistes pourraient bien disparaîtr­e en raison de la baisse du pouvoir d’achat.»

Sur la mobilité de la main-d’oeuvre, «l’arrivée d’immigrants, souvent plus jeunes, permet de soutenir le fardeau dû au vieillisse­ment de la population lié notamment aux régimes de retraite publics et aux coûts des soins de santé. Restreindr­e l’arrivée de nouveaux concitoyen­s pourrait forcer les gouverneme­nts à revoir l’ampleur de certains programmes sociaux.»

Selon l’agence Reuters reprenant mercredi les conclusion­s d’une étude de la Banque centrale européenne, les mesures protection­nistes sont plus susceptibl­es d’augmenter le déficit commercial d’un pays que de le réduire. « L’adoption de politiques qui facilitent l’innovation et réduisent les barrières protection­nistes peut contribuer à améliorer la compétitiv­ité d’une économie», soutiennen­t les auteurs de l’étude.

Bref, tout a été dit, mais tout n’est pas encore fait.

L’économie américaine subirait aussi les contrecoup­s de ses politiques restrictiv­es

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GÉRARD BÉRUBÉ

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