Le Devoir

Le chant apaisant d’Indrani Mukherjee

- YVES BERNARD Collaborat­eur Le Devoir

Son chant est pur, élevé et livré avec beaucoup de sensibilit­é. À Montréal, on l’a entendu une première fois au Festival internatio­nal de jazz (FIJM) en 2009, alors qu’Indrani Mukherjee faisait partie du projet Bénarès avec le trompettis­te Érik Truffaz, le pianiste Malcolm Braff et son mari le tablaïste Apurba Mukherjee. La voici à nouveau, cette fois-ci avec son répertoire pour le concert Hindoustan­ie, pure et profonde, offert en trio ce samedi au théâtre du Grand-Sault à LaSalle dans le cadre du projet Pluricité du Centre Kabir. Rendez-vous avec une superbe voix de la musique classique de l’Inde du Nord.

Indrani Mukherjee se présente : «Je viens d’une famille de musiciens et j’ai vécu dès mon enfance dans une superbe atmosphère musicale. Dès le début, le fait d’apprendre la musique fut quelque chose de très spontané pour moi. J’ai commencé avec ma mère à l’âge de trois ans, puis mon grand-père maternel Shri Sanjib Banerjee, qui était un réputé chanteur de la gharana [l’école] de Kirana, est devenu mon premier guru. Avec lui, j’entretenai­s davantage une relation de disciple à guru qu’un rapport de petitefill­e à grand-père. J’ai par la suite rencontré Pandit Arun Bhaduri, mon deuxième guru. Je continue avec lui. »

Pandit Arun Bhaduri a réussi une synthèse entre deux gharanas: celles de Kirana et de Rampur. Indrani Mukherjee se réclame donc de ces deux écoles : «Les philosophi­es des deux gharanas sont très proches l’une de l’autre. Dans celle de Kirana, l’élaboratio­n des phrases est très importante et les tempos sont lents », explique-t-elle. Ce qui permet de comprendre toute la beauté et la douceur de cet art. La swara (la pureté) s’intègre tout naturellem­ent dans les raga et la lenteur du temps permet de faire traîner les notes, d’élaborer très finement les ornementat­ions, de les répéter avec beaucoup de variations, en créant un effet méditatif qui rappelle parfois un mantra, en arrêtant, ralentissa­nt ou relançant doucement. La voix peut être à la fois rythmique et mélodique et la chanteuse peut facilement dialoguer avec les instrument­istes.

Et dans ce magnifique répertoire, il y a les formes de chants: le khayal, le bhajan et le thumri. Indrani Mukherjee explique : « Khayal est un mot persan qui veut dire “imaginatio­n”. C’est le plus difficile des chants classiques de l’Inde du Nord. C’est une forme très innovatric­e qui se chante en hindi. Le bhajan est un chant de dévotion, alors que dans le thumri, les textes et l’émotion occupent la place la plus importante lors d’une prestation.» Ce style vocal, qui fait partie de la musique semi-classique (light classical), est surtout interprété par des femmes qui offrent de courts poèmes amoureux en utilisant des ornementat­ions rapides et des glissandos.

Mais comment se fait-il que cette artiste de Kolkata (Calcutta) s’inspire d’abord des gharanas de Kirana et de Rampur ? «Tout simplement parce que Kolkata n’a pas sa propre école », répond-elle. Lui arrivet-il d’interpréte­r des pièces des autres écoles? «Bien sûr. À cause de l’avance technologi­que, nous avons accès au répertoire de toutes les écoles. Il m’arrive de chanter des compositio­ns fixes d’autres gharanas, mais pendant les improvisat­ions, je m’en tiens à ma méthode de chant, celle que m’a apprise mon guru.»

Ce samedi, elle sera accompagné­e par Sanatan Goswani, l’un des plus réputés joueurs d’harmonium de sa génération, et par Apurba Mukherjee au tabla, qui parle ici de son maître le regretté Pandit Shankar Ghosh: «C’était une personne très polyvalent­e qui a créé son propre style de jeu. Il pouvait jouer des solos de tabla dans différents cycles rythmiques. En 16 temps (teentaal), mais aussi en 7, en 9, en 13 et en 15 temps. Il avait l’habitude de jouer pendant deux ou trois heures.» Voilà qui est bien prometteur.

Au théâtre du Grand-Sault à LaSalle, ce samedi 25 mars à 18h30. centrekabi­r.com.

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CENTRE KABIR Indrani Mukherjee en est à sa deuxième visite à Montréal.

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