Après son échec en santé, Donald Trump s’attaque à la réforme de la fiscalité
Le gouvernement Trump doit apprendre du retentissant échec de la réforme de la santé
Après l’échouage sur les marches du Congrès la semaine dernière de sa promesse d’«abroger et de remplacer l’Obamacare», le gouvernement Trump change d’ores et déjà de cible dans l’espoir d’enregistrer une victoire législative. Dans sa mire: une vaste réforme fiscale qui cherche notamment à faire fondre les impôts des entreprises. Mais l’échec retentissant de la réforme de la santé indique que Donald Trump et son entourage devront apprendre de leurs erreurs s’ils veulent éviter de frapper un autre Waterloo. D’autant que le défi s’annonce de taille.
«La réforme fiscale, va falloir y mettre du temps, affirme d’emblée Pierre Martin, directeur de la Chaire d’études politiques et économiques américaines à l’Université de Montréal. Le problème avec l’approche Trump, comme on l’a vu avec la réforme de la santé, c’est qu’elle ne prend pas le temps de construire une coalition. Trump n’a pas construit un argumentaire convaincant auprès des membres du parti républicain, préférant exiger une loyauté aveugle.»
L’abrogation du programme d’assurance maladie de Barack Obama était la principale mesure législative promise par Donald Trump. Or, bien que les républicains détiennent une majorité dans les deux chambres du Congrès et qu’ils soient unis dans leur opposition à l’Obamacare, des divisions internes sur des aspects du plan de remplacement soumis par le président (républicain) de la chambre, Paul Ryan, ont eu raison de lui.
Cette cuisante défaite a rendu toute autre entreprise législative plus ardue pour les républicains, comme l’a fait remarquer Paul Ryan luimême vendredi dernier: «Oui, cela rend la réforme fiscale plus difficile à faire. Mais cela ne la rend pas, d’aucune façon, impossible. »
Diable dans les détails
En matière d’impôts et de taxes, les républicains de la Maison-Blanche et du Congrès partagent globalement une philosophie similaire. Mais le diable est dans les détails, souligne Pierre Martin. «Avec la réforme fiscale, les détails promettent d’être au moins aussi nombreux que dans la réforme de la santé, souligne-t-il. Et Trump n’est pas fort sur les détails…»
Signe que des leçons ont toutefois déjà été apprises, le Washington Post rapportait lundi que la Maison-Blanche s’implique désormais davantage dans l’élaboration détaillée du plan de réforme fiscale, au lieu d’abandonner cette tâche aux républicains du Congrès, comme ce fut le cas au sujet de la réforme de l’assurance maladie. (Le média en ligne Vox rappelait lundi que les républicains coupent sans cesse depuis le milieu des années 1990 dans les fonds alloués à la recherche et au personnel politique, ce qui rend l’expertise disponible largement insuffisante pour échafauder des projets de loi d’une aussi grande complexité.)
Grandes lignes
Le plan de réforme fiscale détaillé n’a donc pas encore été élaboré, mais chose certaine, les républicains ont maintes fois promis d’abaisser les taux d’imposition, notamment pour les entreprises. Il est également question de revoir l’ensemble du code fiscal, ce qui n’a pas été fait depuis trois décennies. Cela inclut le colmatage des brèches (loopholes) dans les lois fiscales qui, au fil du temps, ont été négociées pour satisfaire les intérêts particuliers de certains groupes. Enfin, l’idée d’imposer une taxe sur les importations a aussi été mise de l’avant, afin de stimuler la production à l’intérieur des frontières américaines.
Du pain sur la planche
Avec un tel agenda, les républicains ne pourront présenter un projet de réforme qui ne tient qu’en quelques pages, comme Trump l’avait vanté à propos de la réforme de la santé. «Ce genre de document contient de nombreuses clauses spécifiques, différents types de déduction, etc. Trump ne peut s’en tirer », estime Pierre Martin.
Sans compter qu’une réforme fiscale a la réputation d’engager l’ensemble de ce que Donald Trump qualifiait de «marécage» (« swamp ») à Washington: les lobbyistes, qui défendront bec et ongle des clauses qui avantagent les groupes d’intérêts qu’ils représentent — les fameux « loopholes ». «Au-delà des discours vaporeux sur les grands principes, il y a beaucoup d’activité souterraine avec les lobbyistes, indique M. Martin. C’est là que l’action se passe. »