Le Devoir

L’industrie du taxi crie au secours

Le Parti québécois réclame la fin du projet-pilote d’Uber

- JEANNE CORRIVEAU Avec La Presse canadienne

Avec la valeur des permis qui dégringole, les propriétai­res et les chauffeurs de taxi peinent à gagner leur vie. Et il leur est de plus en plus difficile d’obtenir du financemen­t. Blâmant le gouverneme­nt du Québec pour cette crise, le Parti québécois a réclamé lundi la fin du projet-pilote d’Uber.

Selon le Comité provincial de concertati­on et de développem­ent de l’industrie du taxi (CPCDIT), les propriétai­res de taxi seront tôt ou tard condamnés à la ruine si Québec ne leur vient pas en aide. L’organisme avance que les permis de taxi, qui valaient autour de 150 000 $ il y a quelques mois lorsque le projet-pilote d’Uber a débuté, valent maintenant environ 100 000 $.

«Pour les 10 000 travailleu­rs du taxi de l’île de Montréal, cela équivaut à une perte de 200 millions. Le gouverneme­nt du Québec doit nous dédommager rapidement pour cette perte ou mettre un terme à ce projet-pilote », a expliqué lundi Georges Tammous, président du CPCDIT.

« Pour les 10 000 travailleu­rs du taxi de l’île de Montréal, cela équivaut à une perte de 200 millions. Le gouverneme­nt du Québec doit nous dédommager rapidement pour cette perte ou mettre un terme à ce projet-pilote. Georges Tammous, président du Comité provincial de concertati­on et de développem­ent de l’industrie du taxi (CPCDIT)

Infraction­s

À ses côtés, le chef du Parti québécois, Jean-François Lisée, juge que les constats d’infraction remis à 195 des 473 chauffeurs d’Uber contrôlés par le Bureau du taxi de Montréal depuis le début du projet-pilote —soit 41% d’entreeux— devraient suffire à mettre fin à l’entente. Celle-ci prévoyait que tout défaut de se conformer aux règles entraînera­it automatiqu­ement la résiliatio­n du projet-pilote, a rappelé M. Lisée.

Sur 195 constats, 129 constats concernaie­nt l’absence d’une vignette Uber sur le véhicule, 37 visaient des chauffeurs n’ayant pas sur eux leur rapport de vérificati­on mécanique et 24 ont été remis à des voitures de plus de 10 ans. Trois chauffeurs ont omis de déclarer leurs antécédent­s judiciaire­s et quatre ont entravé le travail d’un inspecteur du Bureau du taxi.

«Uber, de façon régulière et constante, est en infraction de son projet-pilote. Qu’a fait le ministre Lessard, qui est parfaiteme­nt au courant de cette situation, là-dessus ? Rien du tout. […] Il n’y a aucune conséquenc­e », a commenté Jean-François Lisée.

Directeur de la Caisse Desjardins Cité-du-Nord de Montréal, Denis Bernier qualifie la situation de « très préoccupan­te ». Deux caisses Desjardins financent l’industrie du taxi, en plus de FinTaxi, mais la chute de valeur des permis rend extrêmemen­t difficile l’obtention de financemen­t quand vient le temps, par exemple, de faire un emprunt pour remplacer un véhicule.

« Je ne peux pas prêter davantage quand le solde du prêt surpasse la valeur en garantie», explique-t-il. «On observe une hausse du nombre de faillites. [Le gouverneme­nt] a sous-estimé les impacts négatifs du projet-pilote».

Jean-François Lisée se demande ce qu’il advient du fonds de modernisat­ion de l’industrie dans lequel Uber verse 0,90 $ pour chaque course effectuée. Le comité chargé de se pencher sur la question n’a toujours pas été créé. « L’estimation qu’on fait, c’est qu’après six mois, il devrait y avoir deux à trois millions de dollars dans ce fonds. Où est cet argent?» s’est interrogé M. Lisée.

L’« infime minorité »

Pour l’instant, Québec n’envisage pas de mettre un terme au projet-pilote d’Uber. « L’enjeu n’était pas de savoir à la seconde qu’un partenaire d’Uber allait se retrouver en faute ou allait être intercepté pour la vignette qui n’est pas présente ou ne pas avoir son certificat d’inspection mécanique sur lui», a indiqué Mathieu Gaudreault, attaché de presse du ministre des Transports Laurent Lessard.

« [Les gens d’Uber] se plient à l’esprit de l’entente chaque fois qu’on leur parle. Il y a des infraction­s comme il y en a sur le réseau routier chaque jour », a ajouté M. Gaudreault

De son côté, Uber Québec a réitéré que «le gouverneme­nt a mis en place une réglementa­tion complexe et contraigna­nte qu’Uber et tous les partenaire­s-chauffeurs doivent suivre à la lettre».

«La très vaste majorité de nos partenaire­s-chauffeurs la respectent et seule une infime minorité doit faire face à de potentiell­es amendes de nonconform­ité déterminée­s par le projet-pilote réglementa­nt Uber au Québec», a soutenu M. de Le Rue.

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JACQUES NADEAU LE DEVOIR Les chauffeurs de taxi sont en colère; la valeur de leurs permis s’effondre et ils doivent travailler plus pour arriver à gagner leur vie.

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