Le Devoir

Londres pourrait reprendre le contrôle administra­tif de l’Irlande du Nord

L’applicatio­n du Direct Rule serait un énorme retour en arrière dans le processus de paix depuis les accords du Vendredi saint de 1998

- SYLVAIN LABAUNE

Républicai­ns et unionistes n’ont pas réussi à se mettre d’accord pour former un gouverneme­nt de coalition après trois semaines de discussion­s. Le Royaume-Uni pourrait prendre cette semaine le contrôle administra­tif direct de la province.

Les désaccords étaient trop profonds. Après trois semaines de négociatio­ns, le temps des pourparler­s a officielle­ment pris fin ce lundi à 15h. La crise politique entre unionistes du DUP (favorables à l’union avec la Grande-Bretagne) et républicai­ns du Sinn Féin (favorables à la réunificat­ion de l’Irlande) continue. Les deux forces politiques ne sont pas parvenues à trouver un accord pour la formation d’un gouverneme­nt de coalition depuis la percée historique des républicai­ns lors des élections législativ­es anticipées du 2 mars.

Pour sortir de l’impasse, trois possibilit­és s’offrent au secrétaire d’État pour l’Irlande du Nord, James Brokenshir­e. Il pourrait convoquer de nouvelles élections législativ­es (les troisièmes depuis mai 2016) ou bien accorder un délai supplément­aire pour de nouvelles négociatio­ns. Enfin, Brokenshir­e pourrait décider d’appliquer le Direct Rule, qui prévoit la reprise en main administra­tive

de l’Irlande du Nord par le Parlement du Royaume-Uni. Le secrétaire d’État a d’ores et déjà encouragé lundi soir les deux partis à trouver rapidement un arrangemen­t. «Il y a une petite fenêtre de tir de quelques courtes semaines. » Faute de quoi, la mise en oeuvre du Direct Rule deviendra inévitable.

Retour en arrière

L’applicatio­n du Direct Rule serait un énorme retour en arrière dans le processus de paix engagé en Irlande du Nord depuis les accords du Vendredi saint de 1998. Chaque camp rejette la faute sur l’autre pour expliquer cet échec politique. Arlene Foster, leader unioniste du DUP, a indiqué ce lundi que le Sinn Féin avait « quitté la table des négociatio­ns ». De son côté, la patronne du Sinn Féin, Michelle O’Neill, a déclaré que, « malheureus­ement, le DUP a maintenu sa position qui bloque l’égalité des droits entre citoyens ».

D’une manière générale, les républicai­ns ont posé des conditions jugées inacceptab­les par les unionistes en vue de la formation d’un gouverneme­nt. Le Sinn Féin a notamment refusé qu’Arlene Foster entre au gouverneme­nt « tant que la lumière ne sera pas faite » sur des malversati­ons présumées dans un programme de subvention­s publiques aux énergies renouvelab­les dans lequel la leader du DUP est impliquée. Par ailleurs, les républicai­ns demandent la mise en place d’une loi qui soutiendra­it financière­ment le développem­ent de la langue gaélique.

Polarisati­on de la vie politique

La campagne électorale des élections législativ­es anticipées du 2 mars a été particuliè­rement tendue. Le système politique de partage des pouvoirs entre catholique­s et protestant­s — mis en place depuis les accords de paix de 1998 — favorise la polarisati­on de la vie politique et sa domination par des partis communauta­ires tels que le DUP et le Sinn Féin. Unionistes et républicai­ns disposaien­t ainsi d’une marge de manoeuvre réduite lors des négociatio­ns, de peur de décevoir leur électorat respectif.

Pour la première fois dans l’histoire de l’Irlande du Nord, les législativ­es se sont soldées par un quasi-équilibre des forces entre unionistes et républicai­ns: 28 sièges (sur 90) pour le DUP contre 27 pour le Sinn Féin. Ce scrutin anticipé avait été déclenché suite à la démission pour raisons de santé du vice-premier ministre, Martin McGuinness. Le leader historique de l’IRA est décédé le 21 mars. Ses funéraille­s, qui se sont déroulées la semaine dernière à Derry, ont donné lieu à une courte trêve dans la crise politique que traverse aujourd’hui l’Irlande du Nord, sur fond de Brexit et de regain de tensions entre les communauté­s. Un simple calme avant la tempête.

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PAUL FAITH AGENCE FRANCE-PRESSE Le ministre britanniqu­e chargé de l’Irlande du Nord, James Brokenshir­e, a enjoint aux différente­s parties de poursuivre leurs négociatio­ns. «Il y a une petite fenêtre de tir de quelques courtes semaines», a-t-il dit lundi devant la maison Stormont,...

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