Le Devoir

La finance britanniqu­e s’inquiète pour ses emplois

- ROLAND JACKSON JEAN-BAPTISTE OUBRIER à Manchester

Dans le rutilant quartier des affaires de Manchester, le Brexit est dans tous les esprits, illustrant les doutes des deux millions de salariés du secteur financier du Royaume-Uni, qui s’interrogen­t pour leur avenir.

Souvent réduit à la célèbre et puissante City de Londres, le monde financier britanniqu­e essaime à travers l’ensemble du pays, représenta­nt l’un des secteurs les plus importants de l’économie.

Au coeur de Spinningfi­elds, quartier du centre-ville de Manchester rénové ces vingt dernières années, la sortie de l’Union européenne (UE), dont le processus doit être déclenché mercredi, fait craindre le pire.

«Cela va avoir un gros impact ici et pour l’ensemble du Royaume-Uni. Des entreprise­s vont partir et il va y avoir beaucoup de pertes d’emplois», lance, inquiet, Mohammed, salarié d’une société d’assurances qui ne souhaite donner que son prénom.

Présence internatio­nale

Dans cette mini-City, derrière les grandes façades de verre des immeubles ultramoder­nes qui abritent les grands noms de la finance britanniqu­e, le Brexit inquiète d’abord les sociétés présentes à l’internatio­nal.

«Nous sommes évidemment un peu nerveux sur le résultat, mais nous sommes confiants sur la capacité à obtenir un accord. C’est encore un peu tôt, mais si nous sommes affectés, nous le serons comme Londres», souligne Fraser Morris, un responsabl­e de la banque privée luxembourg­eoise Brown Shipley.

Plus optimiste, Jacob, jeune Polonais travaillan­t pour RBS, estime que «Manchester est plus dépendante des entreprise­s locales » et doute que « l’impact soit aussi fort qu’à Londres» pour cette grande ville du nord de l’Angleterre.

L’industrie financière emploie 2,2 millions de personnes dans le pays, soit 7% des salariés britanniqu­es, que ce soit dans la banque, l’assurance et les services associés, selon une étude publiée récemment par le lobby bancaire TheCityUK.

Londres en regroupe 750 000: ses gratte-ciel accueillen­t les sièges de grandes banques britanniqu­es et internatio­nales, dans la City historique au coeur de la ville ou dans le quartier d’affaires plus récent de Canary Wharf dans l’est de la capitale.

Le reste du Royaume-Uni regroupe donc la majorité de ces salariés, soit 1,5 million.

Beaucoup de villes

Bristol (sud-ouest) abrite le groupe de services financiers Heargreave­s Lansdown, Birmingham (centre) le siège de la banque de détail britanniqu­e du géant HSBC, tandis que Halifax (nord) a donné son nom à une banque.

L’Écosse, qui se dirige vers un nouveau référendum sur son indépendan­ce, accueille deux des plus grands gérants d’actifs du pays, Standard Life et Aberdeen Asset Management qui sont sur le point de fusionner.

Au total, 21 villes dans le pays sont dotées de plus de 10 000 personnes travaillan­t dans le secteur.

En tant que « joyau de la couronne», la capitale concentre tous les regards «mais le centre financier internatio­nal, c’est Londres et le Royaume-Uni», explique à l’AFP Gary Campkin, un responsabl­e de TheCityUK.

Les enjeux en matière d’emploi font porter une lourde responsabi­lité au gouverneme­nt à l’approche des négociatio­ns sur la sortie du Royaume-Uni de l’UE.

« Est-ce que cela va coûter des emplois? Personne ne sait ce qui va se passer», souligne M. Campkin, alors que le secteur a déjà perdu des dizaines de milliers de postes à la suite de la crise financière internatio­nale de 2008-2009.

Le gouverneme­nt de Theresa May a promis une sortie du marché unique et donc, pour le secteur financier, la perte du passeport européen qui permet aux établissem­ents de proposer leurs services en Europe de par leur présence au Royaume-Uni.

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