SUZANNE PELLETIER DEVENIR MÉDECIN MALGRÉ UN TDAH
Avoir un déficit de l’attention avec hyperactivité et devenir médecin ? Pourquoi pas ? C’est ce qu’a fait Suzanne Pelletier, pédiatre au centre-ville de Montréal.
« Je ne suis pas une exception, il y a beaucoup de gens avec un TDAH hyperperformants dans toutes les sphères de la population », affirme celle qui a souhaité parler de son histoire pour encourager les jeunes avec un TDAH et leurs familles. « Lorsque nous faisons un travail stimulant avec une bonne équipe, l’impact du TDAH est négligeable et peut même être positif », ajoute-t-elle. La Dre Pelletier a, en plus d’un TDAH, une dysorthographie, une légère dyslexie et une dyspraxie. « Je suis maladroite, explique-t-elle. La plupart du temps, le TDAH ne vient pas seul. Il y a d’autres comorbidités associées. » Jeune, elle savait qu’elle était différente des
autres enfants. « J’étais la tannante de la classe, j’avais beaucoup d’énergie, se souvient-elle. Les professeurs me donnaient différentes responsabilités pour me faire bouger. J’aimais ça ! » Mais elle avait un bon milieu de vie. « Mes parents étaient tolérants, compréhensifs et ils me valorisaient beaucoup, raconte la Dre Pelletier. C’est important de ne pas seulement accorder de l’importance à l’école. J’aimais beaucoup faire du sport, j’étais compétitive, alors ça me servait de moteur pour me dépasser. »
La soif d’apprendre
Malgré son TDAH, Suzanne Pelletier a toujours eu une grande soif d’apprendre. « Petite, un de mes grands plaisirs était de lire des encyclopédies, se souvient-elle. Je lis moins rapidement que les autres, mais j’ai beaucoup de mémoire, alors j’ai toujours eu une facilité à apprendre. Je réussissais bien dans toutes mes matières, excepté en français. À l’écrit, je faisais constamment les mêmes erreurs. Je ne comprenais pas pourquoi. »
Au secondaire par contre, elle subit une perte de motivation. Jusqu’à ce qu’elle fasse la rencontre de son professeur de mathématiques en 4e secondaire, Monsieur Albert.
« Il s’intéressait à mes choix de carrière et me disait que toutes les portes étaient ouvertes si j’y mettais les efforts, parce que j’en avais les capacités. Ça a été un moment déterminant dans ma vie. Je me suis mise par la suite à être très sérieuse dans mes études. J’ai choisi la médecine parce que le corps humain me fascinait et que ça me permettrait d’aider les autres. » Ses études se sont bien déroulées. « Le seul problème, c’est que je faisais des fautes, alors je demandais toujours à quelqu’un de corriger mes présentations, se souvient-elle. J’ai beaucoup aimé cette période de ma vie et j’ai encore un grand plaisir à apprendre et à me perfectionner. »
Médication et plan d’intervention
C’est seulement lors de sa résidence en pédopsychiatrie que Suzanne Pelletier a appris qu’elle avait un TDAH. Par contre, elle a compris rapidement que ses enfants — elle en a trois ! — avaient des troubles semblables aux siens.
« Ils me ressemblent, confie-t-elle. Ils ont ma belle énergie ! Les trois ont des profils et des défis différents. Mais ils réussissent aussi très bien et je suis très fière d’eux. »
D’ailleurs, comme ils excellent à l’école, les professeurs sont souvent surpris d’apprendre qu’ils ont un plan d’intervention. « Mais c’est en partie grâce aux mesures d’appui qu’ils réussissaient à
leur plein potentiel », précise celle qui constate que les connaissances dans le domaine du TDAH ont grandement progressé depuis une douzaine d’années et que les traitements proposés ont maintenant plusieurs volets.
Bien sûr, il y a la médication. « J’en prends, avoue-t-elle, ça rend ma vie plus facile parce que je suis capable de me concentrer sur une seule chose à la fois et d’avoir des pensées plus structurées. Sinon, c’est le hamster qui n’arrête jamais dans ma tête, et c’est épuisant ! La médication aide ma concentration, mais j’ai dû apprendre à m’organiser et à prioriser mes tâches. »
Elle a hésité, comme tout parent, à donner des médicaments à ses enfants lorsqu’elle a constaté que leur TDAH venait affecter leur développement.
« Mais leur fonctionnement s’est amélioré et, maintenant qu’ils sont rendus au début de l’âge adulte, j’ai eu la confirmation que c’était un excellent choix. » Elle comprend que certaines personnes ont peur des médicaments. « Mais il faut lire de l’information crédible sur le sujet, indique la pédiatre dont une grande partie des patients a un TDAH et différentes comorbidités. La médication ne doit pas changer la personnalité de l’enfant, mais l’aider à se concentrer avec un minimum d’effets secondaires. Il faut trouver le bon médicament et la bonne dose. Ce sont des essais et erreurs. Il faut être patient et mettre aussi en place des stratégies d’adaptation non pharmacologiques dans la vie de tous les jours. »
Plusieurs stratégies
Par exemple, la Dre Pelletier continue de faire beaucoup de sport. « C’est une partie intégrante de mon traitement », affirme celle qui donne plusieurs conférences sur le TDAH aux médecins, intervenants, professeurs et parents.
« J’ai aussi beaucoup de soutien de mon conjoint, qui n’a pas de TDAH, ajoute-t-elle. Il est toujours très compréhensif et proactif pour trouver des solutions. C’est important d’être soutenue. » Elle a aussi plusieurs amis avec un TDAH. « Nous nous comprenons, affirme-t-elle. Nous avons de la difficulté dans la gestion de notre temps. Si je suis en retard, mon amie sait que ce n’est pas parce qu’elle n’est pas importante pour moi. Nous sommes finalement souvent toutes les deux en retard, et nous en rions. Nos enfants s’entendent bien, nous faisons du sport ensemble, nous avons une énergie contagieuse et toujours plusieurs idées. On ne s’ennuie jamais avec quelqu’un qui a un TDAH ! » Aux parents qui apprennent que leur enfant a un TDAH, elle dit de ne pas se laisser abattre. « Il y a bien sûr le deuil d’avoir un enfant normal à faire, affirme-t-elle. Il y aura des épreuves, c’est certain. Mais informez-vous le plus possible sur le sujet, tentez des solutions, valorisez toujours votre enfant par ses forces et entourez-vous de gens compétents. Plus un enfant est pris en charge tôt dans sa vie, moins il risque d’avoir des impacts négatifs. N’attendez pas que son estime de lui soit atteinte. Il y a différents traitements et stratégies possibles. »
Les ressources coups de coeur de la Dre Pelletier
Vivre avec un TDAH, une question d’équilibre. La personne qui vit avec un TDAH est avant tout un individu qui présente de belles forces, qui vibre aux sons de ses passions, mais qui a aussi de nombreux défis à relever. Ce trouble a des impacts considérables dans plusieurs sphères de la vie. Pour en réduire les symptômes, il existe le traitement pharmacologique. Encore faut-il trouver le bon médicament et la bonne dose, comme le souligne la Dre Pelletier. Le soutien de l’entourage est très important. Il existe une panoplie d’outils technologiques agissant comme gardiens du temps. Une bonne hygiène de vie viendra bonifier ce tableau. Cependant, comme en témoigne la Dre Pelletier, c’est en parlant du TDAH qu’on démystifie ce trouble, qu’on aide les autres et qu’on arrive même à en rire. C’est une question d’équilibre !