BOMBARDIER : COUILLARD EST SATISFAIT
Appel au calme. Le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, a jugé satisfaisante hier la réponse des dirigeants de Bombardier aux critiques dont ils sont l’objet au sujet de leur rémunération, disant que son gouvernement ne veut pas inquiéter d’éventuels investisseurs qui pourraient voir d’un mauvais oeil l’intervention de l’État dans leurs affaires.
Les premiers ministres Philippe Couillard et Justin Trudeau estiment que Bombardier a fait le nécessaire pour répondre aux préoccupations de la population en reportant d’un an 50% de la rémunération de ses plus hauts dirigeants. Furieux, les partis d’opposition accusent les gouvernements en place à Québec et à Ottawa de baisser les bras.
De passage à Laval lundi pour visiter les installations de la firme Mecaer, le premier ministre Couillard a fait valoir que les gestes posés par Bombardier depuis le début de la controverse entourant la rémunération sont «importants». «Il faut aller de l’avant maintenant», a-t-il dit.
«Je comprends qu’il y a de l’insatisfaction, un peu de frustration, mais gardons le contact avec la réalité de cette entreprise, son importance pour le Québec », a-t-il insisté.
Mauvais signal
«Bombardier a pris sa décision, a affirmé M. Couillard. Ce qu’il ne faut surtout pas faire, c’est commencer à gérer les entreprises qui sont au Québec. Si on donne le signal au reste du monde que lorsque vous venez au Québec, le gouvernement met ses grosses pattes dans vos affaires et gère votre entreprise à votre place, on n’ira pas loin. »
Pour lui, pas question de rouvrir l’entente conclue avec Bombardier, par laquelle Québec a investi 1,3 milliard de dollars dans une société en commandite consacrée à la CSeries.
«En bout de ligne, si nous, les Québécois, on ne fait pas d’argent avec la CSeries, [les hauts dirigeants] n’en feront pas non plus. Ils ne les auront pas leurs bonis », a martelé le premier ministre.
«Naïf» ou «de connivence»
Le porte-parole de l’opposition officielle en matière d’économie, le péquiste Alain Therrien, se demande comment le premier ministre Couillard peut se satisfaire d’un simple report dans le temps d’une partie de la rémunération de 2016, laquelle est jugée excessive par une large majorité de la population.
«Rien n’a changé et là il est tout content. Soit il est naïf, soit il est de connivence avec Bombardier, lance-t-il en entrevue. Ce sont les chums du Parti libéral et ils les protègent.»
Le Parti québécois (PQ) déposera ce mardi une motion réclamant que M. Couillard « demande à tous les dirigeants de Bombardier de renoncer à l’augmentation de leur rémunération pour 2016». Le principal intéressé ne s’est pas prononcé à ce sujet, mais le PQ dit avoir l’appui de la Coalition avenir Québec (CAQ) et de Québec solidaire.
Le chef de la CAQ, François Legault, a réitéré lundi que l’augmentation de la rémunération des grands patrons de Bombardier et le report annoncé sont des décisions «indécentes» et «indéfendables».
«Je n’en reviens pas que M. Couillard dise qu’il est d’accord», affirme-t-il, ajoutant que Bombardier «est une belle entreprise qui est en train de se mettre tous les Québécois à dos». Le chef caquiste rejette toute augmentation de la hausse de la rémunération des hauts dirigeants, tant que Bombardier n’enregistrera pas de profits.
Trudeau «pas ravi»
Le dossier de Bombardier a également monopolisé les échanges aux Communes. «Les dirigeants millionnaires de Bombardier s’octroient des augmentations de salaire de 50% et de gros bonis avec l’argent des contribuables. […] Le premier ministre n’a-t-il pas honte?» a déploré la chef intérimaire du Parti conservateur, Rona Ambrose.
«Nous ne sommes évidemment pas ravis de cette décision de Bombardier quant à la rémunération de ses dirigeants. Mais nous sommes contents de voir qu’ils ont pris des décisions pour corriger le tir, afin de redonner confiance aux Québécois et aux Canadiens», a rétorqué le premier ministre Justin Trudeau, en critiquant pour la première fois publiquement l’entreprise.
La semaine dernière, Justin Trudeau «défendait l’indéfendable» en évoquant le libre-marché, selon Thomas Mulcair, du NPD.
De l’avis de l’opposition fédérale, le gouvernement aurait dû inscrire l’obligation pour Bombardier de maintenir les emplois au Canada dans l’entente conclue avec l’entreprise pour un prêt remboursable de 372,5 millions. Car l’octroi d’une rémunération globale de 32,6 millions$ US aux cadres de Bombardier pour 2016, «c’est proprement inadmissible», a scandé M. Mulcair. «Si on va consentir un prêt d'argent du public, la moindre des choses, c'est de s'assurer que cet argent-là ne va pas se ramasser dans les poches de gens d'affaires richissimes qui sont les dirigeants de cette compagnie-là», a-t-il martelé, en réclamant en outre que le libellé de telles ententes soit public.
Le bloquiste Xavier Barsalou-Duval estime pour sa part que le conseil d’administration de Bombardier a fait preuve d’un «gros manque de jugement».
«C'est une entreprise qui bénéficie du soutien de l'État, qui a coupé des milliers d'emplois, et après, ça donne l'impression qu'ils se sauvent avec la caisse. C'est inadmissible. C'est inacceptable.»